lundi 7 novembre 2022

Sur la tombe d'un ami, Édouard Labrecque

Portail du Séminaire de Québec tel qu'il paraissait à l'époque où 
Édouard Labrecque y était élève et tel qu'on peut le voir encore
de nos jours. À droite, Édouard Labrecque en 1868, alors qu'il 
venait de compléter sa scolarité au Petit séminaire, où il a connu
 le poète Adolphe Poisson, auteur du poème ci-dessous.

(Source des deux photos : Musée de la civilisation du Québec / Fonds d'archives du Séminaire de Québec)





              Amis, pourquoi cette tristesse ?
          De deuil pourquoi vous couronner ?
              Est-ce une brillante jeunesse
          Que la mort vient de moissonner ?

   Hélas ! c'est un ami que le ciel nous enlève,
   C'est un bel avenir que la mort de son glaive
              S'est plue à briser aujourd'hui ;
   Nous pleurons car c'était un cœur franc et sincère,
   C'était une jeunesse ardente et peu sur terre
              Étaient aimés autant que lui. 

   Il était jeune et fort, il portait haut la tête ; 
   On eut dit qu'il pouvait narguer toute tempête
              Tant il croyait en l'avenir. 
   L'espoir ornait déjà les jours de sa jeunesse ;
   Il aimait ! Le destin à le frapper s'empresse
              Le monstre, au lieu de les unir. 

   Il aimait ! Cet amour embellissait sa vie ;
   Il marchait appuyé sur une main chérie ;
              L'avenir ne l'effrayait pas,
   Et cependant lorsqu'il poursuivait sa carrière,
   S'il eut jeté parfois un regard en arrière,
              Il eut vu la mort la mort sur ses pas. 

   Le jeune homme ! Il eut vu du trépas l'ombre errante
   Aiguisant près de lui son arme menaçante,
             Rouge du sang du genre humain ;
   Il l'eut vue un moment, l'œil injecté de flamme,
   Le marquer de son sceau comme on marque l'infâme
             Qui doit tout expier demain. 

   Mais non ! Rempli d'espoir il poursuivait sa course,
   Et puisant avec joie à l'abondante source
             Ouverte à ses nobles talents, 
   Il rêvait d'heureux jours, brillante destinée, 
   Et croyait que la mort à ses pieds enchaînée
             Devait l'épargner bien longtemps !

   C'était hier... ... depuis, il a quitté la terre. 
   Hier plein de vigueur, le front haut, l'âme altière,
             Aujourd'hui cendre du cercueil !
   Hier narguant la mort, aujourd'hui sa victime...
   Il était jeune et fort, ce fut là tout son crime !
             Aimer, espérer, son orgueil !

                  Adolphe Poisson(Arthabaskaville, 16 décembre 1870)



Tiré de : L'Union des Cantons de l'Est (Arthabaskaville), 22 décembre 1870.

* Pour en savoir plus sur Adolphe Poisson, auteur du poème ci-haut présenté, voyez la notice biographique sous son poème L'hospitalité du poète (cliquer sur le titre). Voyez également sur Nos poésies oubliées les poèmes suivants : À M. A Suzor-Coté, artiste-peintreAux défenseurs oubliés de la patrieL'envie ; Brève est la vie ; Les saisons

Pour en savoir plus sur Édouard Labrecque, cliquer
sur cette illustration pour lire le témoignage qu'a 
laissé de lui son meilleur ami et confrère d'études :


Adolphe Poisson (1849-1922)

Confrère d'Édouard Labrecque au Petit Séminaire
de Québec et auteur du poème ci-haut.


(Source : Archives du Séminaire de Québec)

Le poème ci-haut en hommage à Édouard Labrecque a été 
publié dans le numéro du 22 décembre 1870 du journal
L'Union des Cantons de l'Est (Arthabaskaville).

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Les voix de nos poètes oubliés nous sont désormais rendues. 
Le concepteur de ce carnet-web a publié l'ouvrage en deux 
tomes intitulé Nos poésies oubliées, qui présente 200 de
de nos poètes oubliés, avec pour chacun un poème, une
notice biographique et une photo ou portrait. Chaque  
tome est l'objet d'une édition unique et au tirage limité. 
Pour connaître les modalités de commande de cet 
ouvrage qui constitue une véritable pièce de collection
cliquez sur cette image : 

dimanche 23 octobre 2022

Invocation

Honoré Thibault (1885-1944)
alias Jean des Grèves

(Source : La Presse, 18 septembre 1924)




       (Fragments)

   Je t'aime, ô mon pays, quand les froids tourbillons
   Des neiges de décembre ont comblé tes sillons ;
   Je t'aime, ô mon pays, à cette heure indécise
   Du soir hâtif, lorsque le vent, la bourrasque ou la bise
   Étreignent sous leurs poids l'érable qui se tord
   Et qui semble lutter comme un géant qu'on mord. 

   Dans tes lacs sinueux, dans tes glaces sans bornes,
   Qui, sous le blond soleil prennent toutes les formes,
   Dans tes bois noirs et beaux qui cachent l'azur bleu
   Ainsi qu'un dôme immense entre la terre et Dieu,
   Dans tes Niagaras, dans tes fleuves tonnerres,
   Dans tes monts escarpés, dans tes noires rivières,
   Dans tes nuages flous, dans tes limpides cieux 
   Que nous contemplons tous sans rassasier nos yeux,
   Ciels bleus, ciels gris, ciels roux, fraîches teintes d'aurore,
   Ou lueur du couchant sous le soleil qui dore,
   Je t'aime, ô mon pays, et je veux te chanter ; 
   Te chanter dans ces mots de simple majesté
   Que des colons d'Artois, de Poitou, de Touraine, 
   De Champagne, d'Anjou, de Beauce et de Lorraine,
   Bretons, Picards, Normands, trappeurs des fiers sommets, 
   Redirent aux échos recueillis des bosquets. 

   Ces mots vibrent encore aux flancs des Laurentides,
   Ni le fer ni le feu des vainqueurs avides, 
   Ni d'autres tout gonflés de combats triomphants,
   N'ont pu les arracher aux lèvres des enfants.
   Nos pères les disaient à la vague sonore,
   Et nos fils, après nous, les rediront encore. 

   Entendez-vous au loin les notes des chansons ?
   Ce sont des mots de France emportés sur nos monts
   Que le grand vent du Nord disperse sur la rive
   Et porte jusqu'à nous en musique plaintive.

   Pour moi, simple rêveur, en ce siècle d'émoi, 
   Je t'aime, ô mon pays, jusque dans tes colères, 
   Mon cœur ne peut vibrer pour d'autres que toi.
   Dans tes soleils tardifs, dans tes saisons sévères,
   Je t'aime, ô mon pays, et je veux te chanter,
   Chanter de tes hivers la morne royauté,
   Chanter de tes printemps les murmures de l'onde,
   Chanter de tes étés la glèbe âpre et féconde, 
   Et chanter en automne un peu de la rancœur
   Qui nous saisit soudain quand tombent feuille et fleur. 

   Pendant qu'au sein des bois le vent du soir soupire,
   Le rossignol timide accorde au loin sa lyre,
   Mais le vent qui redouble en crescendo puissant
   Couvre bientôt la voix du chantre du couchant. 
   La vague alors répond et sa vaste cadence
   Est un hymne infini telle une plainte immense,
   C'est un duo sans fin de la brise et des flots
   Où dominent toujours des éternels sanglots. […]

                                    Jean des Grèves* (1920)



Tiré de : Jean des Grèves, Dollard, poème dans le genre ancien en trois chants, Montréal, Librairie Beauchemin, 1920, p. 17-18. 


  * Honoré Thibault, dont le nom de plume est Jean des Grèves, est né à Saint-Bernard-de-Lacolle le 14 novembre 1885, d'Élias Thibault, instituteur, et de Caroline Dutrisac. Son prénom de baptême est Honorius. On ignore où il fit ses études primaires et classiques. Il obtint son diplôme de médecine dentaire de l'Université Laval de Montréal. 
  Durant ses études en médecine dentaire, il enseigna les langues tout en s'adonnant à la littérature. Il a ainsi composé le livret d'un opéra comique, intitulé « Gisèle », dont la musique est l'œuvre d'Alphonse Lavallée-Smith, alors considéré comme l'un des plus importants musiciens au pays et dont la mère était cousine du compositeur Calixa Lavallée
   Il a publié des articles et poèmes dans divers journaux et périodiques, dont La Presse ; Le Nationaliste ; Le Passe-Temps ; Le Bulletin des agriculteurs ; La vie au grand air ; L'Action catholique ; L'Étoile du Nord (Joliette) ; La Tribune (Sherbrooke) ; Le Droit
   Dédié à sa profession, il fut l'un des premiers membres du Collège des chirurgiens dentistes de la province de Québec, dont il a été l'un des gouverneurs, en plus d'avoir fondé la Revue dentaire canadienne dont il fut durant seize ans le rédacteur en chef ; cette publication jouissait alors d'un certain rayonnement international. Durant la première guerre mondiale, il fut capitaine des laboratoires dentaires militaires du Québec. Néanmoins, il resta toute sa vie actif dans la vie littéraire et le mouvement patriotique, en plus d'être resté féru d'histoire nationale.
  Honoré Thibault est mort subitement à Montréal, à sa résidence du 4128 avenue du Parc-Lafontaine, le 27 février 1944. Il avait épousé Jeanne Beauchemin le 9 juin 1921, à la paroisse Saint-Louis-de-France, à Montréal.
(Sources : La Patrie, 24 mai 1912 et 28 février 1944 ; La Presse, 18 septembre 1924 ; La Gazette du Nord, 30 septembre 1938 ; Ancestry.ca).


Le poème Invocation, dont des extraits sont présentés ci-haut, 
est tiré de Dollard, poème dans le genre ancien en trois chants,
de Jean des Grèves, nom de plume d'Honoré Thibault.
Pour consulter ou télécharger cet ouvrage, cliquer
sur sa couverture :



La préface signée par Jean des Grèves dans son ouvrage
 Dollard, tout en évoquant les droits linguistiques et scolaires 
des canadiens-français qui étaient alors bafoués sans vergogne 
par les gouvernements de diverses provinces canadiennes dont 
l'Ontario et le Manitoba, constitue un vibrant plaidoyer patriotique
  qui n'a rien perdu de sa vigueur ni de sa pertinence. Pour en
prendre connaissance, cliquer sur cette image :


Photo d'Honoré Thibault parue dans 
La Patrie du 24 mai 1912, qui faisait
état de la création de l'opéra-comique
« Gisèle », dont il est l'auteur du livret
et dont le compositeur est le grand 
musicien Alphonse Lavallée-Smith.


En 1912, le gouvernement de l'Ontario adoptait l'infâme 
Règlement 17, qui piétinait les droits linguistiques et 
scolaires des Canadiens-français de cette province. 
Honoré Thibault ne resta pas indifférent à cet affront
et publia ce vigoureux texte le 27 octobre 1912 dans 
Le Nationaliste, hebdomadaire fondé par Olivar Asselin 
et Jules Fournier. Cliquer sur l'article pour l'élargir : 



En 1919, Honoré Thibault, sous son nom de plume de 
Jean des Grèves, composa les paroles d'une pièce
pour piano et chant, intitulée Inconstance, dont la
musique est de Stella Ricard. Cliquer sur l'image 
pour consulter ou télécharger cette œuvre : 


Comme en fait foi cette annonce parue dans Le Devoir du
7 juin 1916, le cabinet professionnel d'Honoré Thibault 
était alors situé sur la rue Rachel près de la rue
Saint-Denis, à Montréal.

Cet article dans La Presse du 18 septembre 1924 fait état de la reprise 
sur scène de l'opéra comique « Gisèle », qui avait été créé en 1913 et 
dont les auteurs sont Alphonse Lavallée-Smith et Honoré Thibault. 

(Cliquer sur l'article pour l'élargir)
 

Cet entrefilet paru dans La Patrie le
29 septembre 1929 fait état d'un
voyage de recherches en Europe
effectué par Honoré Thibault.

Il arrivait à Honoré Thibault de séjourner 
quelque temps en région québécoise afin
de remplacer un collègue dentiste, comme
en fait état cette mention parue dans la
Gazette du Nord le 30 septembre 1938.

La Patrie, 28 février 1944. 

(Cliquer sur l'article pour l'élargir)

La résidence d'Honoré Thibault (où il est mort subitement le 27 février 1944), 
telle qu'elle paraît de nos jours, au 4128 avenue du Parc-Lafontaine, à Montréal.

(Source : Google Maps)

Pierre tombale de la famille d'Honoré Thibault. À noter 
que l'année de sa naissance indiquée sur le monument
est erronée, car il est né en 1885 et non en 1887. Voir
ci-dessous les documents qui attestent de ce fait.

(Source : Find-A-Grave)

Extrait du registre de la paroisse Saint-Bernard-de-Lacolle. Il y est
 clairement indiqué qu'Honoré Thibault, dont le prénom de baptême
est Honorius, est né en 1885 et non en 1887. 

(Source : Ancestry.ca)

Extrait du registre de la paroisse Saint-Louis-de-France, à 
Montréal, faisant état du mariage d'Honoré Thibault avec
Jeanne Beauchemin, le 9 juin 1921. À noter le prénom tel
qu'inscrit, Honorius, ce qui confirme qu'il s'agit bel et bien
du même HonoriusThibault qui est né à Lacolle en 1885. À
souligner également que l'épouse de Thibault est la fille de
Louis-Joseph-Odilon Beauchemin (1852-1922) propriétaire
de l'importante Librairie Beauchemin, à Montréal, qui était
également le premier grand éditeur de livres au Québec.


Parlant de nos poètes d'antan et oubliés, l'écrivaine Reine Malouin
(1898-1976), qui a longtemps animé la vie poétique au Québec, a 
affirmé que sans eux, « peut-être n'aurions-nous jamais très bien 
compris la valeur morale, l'angoisse, les aspirations patriotiques, 
la forte humanité de nos ancêtres, avec tout ce qu'ils ont vécu, 
souffert et pleuré ». 

Les voix de nos poètes oubliés nous sont désormais rendues. 
Le concepteur de ce carnet-web a publié l'ouvrage en deux 
tomes intitulé Nos poésies oubliées, qui présente 200 de
de nos poètes oubliés, avec pour chacun un poème, une
notice biographique et une photo ou portrait. Chaque  
tome est l'objet d'une édition unique et au tirage limité. 
Pour connaître les modalités de commande de cet 
ouvrage qui constitue une véritable pièce de collection
cliquez sur cette image : 

samedi 30 juillet 2022

La muse noire

« Cette photo constitue un document émouvant puisque
quelques minutes après avoir apporté les dernières
retouches au maquillage du narrateur du pageant, 
M. Claude Touchette, M. Harpe s'écroulait frappé d'une
attaque d'angine. Relevé immédiatement, il trouva la
force de dire : "C'est beau, c'est beau, continuez" ». 
Charles-E. Harpe est mort à 43 ans dans les minutes
qui suivirent. Le Soleil, 2 août 1952.




   Homme, que viens-tu faire en ce monde barbare,
   Sans fusil sur l'épaule, avec le rêve au poing,
   Et ton cœur langoureux comme un son de guitare ?
   Ton langage est de ceux qu'ils ne comprendront point. 

   Tu chercherais en vain, dans cette foule amère, 
   L'appui d'une âme habile à soulager ton front
   Que l'on sent lourd du raisin bleu de la chimère :
   S'ils ne t'ignorent pas, ils te massacreront. 

   Ta chanson est pareille à la source d'eau vive,
   Se frayant un chemin dans le roc du vallon
   Pour n'abreuver que le jonc fauve de la rive
   Et que le sable étouffe au gré de l'aquilon

   Tu secoueras le rire à ta mine pâlotte. 
   Puis croyant voir surgir, sans plume et sans mousquet, 
   Le fantôme éperdu de l'ombrageux Quichotte,
   Ton nom sera sifflé comme un méchant roquet.

   À quoi bon dépenser ta peine et ton courage
   À souffler dans un cor par les siècles rouillé ?
   Roland ne hante plus l'écho du paysage
   Que des festins d'hyènes ont à jamais souillé.

   En vain chercherais-tu l'amour des pastorales
   Dans ces hameaux de leur chaume découronnés.
   Les rayons irisés des brumes vespérales
   Ne s'étendent qu'au bord des nids abandonnés. 

   L'orage a dévasté le sol fécond des plaines,
   Où la lune, en frôlant la houle des blés mûrs
   Et les étangs lustrés comme des porcelaines,
   Prolongeait sur nos soirs un mirage d'azur. 

   Fini le temps des madrigaux, des villanelles
   Des aveux chuchotés derrière un éventail ;
   Les amants de Watteau, pâmés sous les tonnelles,
   Sont comme les dieux morts d'un rutilant vitrail. 

   Mortes sont au jardin la rose et l'églantine
   Sur le tombeau d'Elvire, où pleure un rossignol
   Comme un suprême adieu du cœur de Lamartine.
   Qu'on a tué pour en faire un grand Guignol. 

   Ils ont mis de la poudre aux jonctions des âmes,
   En poussant sur la Tour des cris ensorcelés ;
   Ils ont réduit l'Art pur en un monceau de flamme
   En le crucifiant au fil des barbelés.

   Tu ne peux mesurer la force de leurs armes :
   Remonte la colline avec tes yeux d'enfant
   Et ton cœur débordant de sagesse et de larmes
   Pour engourdir ta peine aux sons de l'olifant !

                                Charles-E. Harpe (1949)



Tiré de : revue Littéra, vol. 1, no 2, Rimouski, novembre-décembre 1949, p. 8-9.


Pour écouter l'interprétation du poème ci-haut
par Félix Tanguay, cliquer sur cette image : 



De Charles-E. Harpe, Nos poésies oubliées a également présenté (cliquer sur les titres) : L'escale ; Clair de lune ; Voix de la solitude ; Le plus bel hymne à l'orgue des vivants ; Été du ciel de mon enfance ; Guirlande aux éprouvésPrintemps ; Chanson d'automneNoël pour une âme seule.


Pour en savoir plus sur Charles-E. Harpe,
cliquer sur cette illustration : 


Le poème La muse noire, ci-haut, de Charles-E. Harpe, est paru dans le
numéro de novembre-décembre 1949 de la revue Littéra, de Rimouski.

Article consacré à Charles-E. Harpe dans le numéro de novembre-décembre
1949 de la revue Littéra, dans lequel est également paru le poème ci-haut.

(Cliquer sur l'article pour l'élargir)

Monument funéraire de Charles-E. Harpe à l'entrée du cimetière
de Saint-Aubert-de-l'Islet, sur la Côte-du-Sud.

(Photo : Daniel Laprès, août 2018)


Parlant de nos poètes d'antan et oubliés, l'écrivaine Reine Malouin
(1898-1976), qui a longtemps animé la vie poétique au Québec, a 
affirmé que sans eux, « peut-être n'aurions-nous jamais très bien 
compris la valeur morale, l'angoisse, les aspirations patriotiques, 
la forte humanité de nos ancêtres, avec tout ce qu'ils ont vécu, 
souffert et pleuré ». 

Les voix de nos poètes oubliés nous sont désormais rendues. 
Le concepteur de ce carnet-web a publié l'ouvrage en deux 
tomes intitulé Nos poésies oubliées, qui présente 200 de
de nos poètes oubliés, avec pour chacun un poème, une
notice biographique et une photo ou portrait. Chaque  
tome est l'objet d'une édition unique et au tirage limité. 
Pour connaître les modalités de commande de cet 
ouvrage qui constitue une véritable pièce de collection
cliquez sur cette image : 

mardi 26 juillet 2022

Fécondité

Jean-Louis Guay (1903-1932)

(Photo : courtoisie de Madeleine
Guay, sa petite-nièce)




   Suis-moi sur la colline où l'horizon recule,
   Grandissant à nos yeux la campagne au repos,
   Viens contempler les champs, les bois et les troupeaux
   Avant que soient trop bas les feux du crépuscule.

   Quelque part et si loin que le regard se porte,
   Le foin a repoussé dans les prés rajeunis ;
   L'avoine et le maïs dressent leurs blonds épis,
   Et les grands blés dorés sont lourds du pain qu'ils portent. 

   La forêt étalant sa chevelure sombre
   Cache bien des trésors dans son sein plantureux ;
   Les vergers sont chargés de leurs fruits savoureux,
   Et les jardins enclos ont des teintes sans nombre.

   Les vaches en paissant remontent le pacage,
   Les moutons sont couchés sous un large sapin, 
   Les chevaux hument l'air, et sur le grand chemin
   L'étranger, attentif, les regarde au passage.

   Des toits pointus s'échappe un reste de fumée ;
   Les enfants par leurs cris troublent la paix du soir ;
   Sur le perron de bois la maman vient s'asseoir
   Et le paysan chante avec sa bien-aimée.

                                      ***
   N'est-ce pas là l'image à la fois grande et belle
   Du bonheur calme et pur et de la liberté ?
   Est-il une richesse, est-il une beauté
   Plus utile à l'amour qui veut être fidèle ?

   Comme un ruisseau limpide encor près de sa source,
   Dans ses veines porte un flot pur, abondant,
   Qui redonne l'ardeur et s'en va, débordant, 
   Monte et se renouvelle en poursuivant sa course ;

   Sentir battre son cœur quand le rêve l'enchante,
   Pouvoir ainsi choisir et suivre son chemin ; 
   Être docile et prêt à secourir la main
   Qui supplie ; être bon quand la vie est méchante ; 

   Entendre chaque soir sans son âme qui vibre
   Le refrain grave et doux du devoir accompli ; 
   Voir sa terre féconde et son cœur ennobli 
   Par la loi du travail... c'est être riche et libre !  

                                      ***
   Ami, cette richesse est ton heureux partage ;
   Par le gain qu'elle t'offre elle assure tes jours , 
   L'épouse trouve en elle un précieux secours,
   Les filles et les fils une part d'héritage. 

   La paix du soir descend sur les voiles de l'ombre
   Et sème le mystère et le rêve à la fois ; 
   La nuit donne l'éveil à de nouvelles voix,
   Au ciel vont s'incruster des diamants sans nombre...

                             Jean-Louis Guay (1928)



Tiré de : Jean-Louis Guay, Moisson de vie, Sainte-Foy, 1931, p. 97-100. 

* Jean-Louis Guay, fils d'Octave Guay et de Philomène Rouleau, est né à Saint-Adrien d'Irlande, en Chaudière-Appalaches, le 27 janvier 1903. 
   On sait très peu de choses sur la vie de ce poète, sauf qu'il a fait son cours classique au Collège de Lévis, qu'il a habité quelque temps à Saint-Hyacinthe, où il résida à la résidence des Dominicains. Il aspirait alors à devenir un prêtre membre de cette congrégation, mais il dut y renoncer parce qu'il fut atteint de tuberculose. Pour cette raison, il séjourna plusieurs années au sanatorium du Lac-Édouard, avant de mourir, à l'âge de 29 ans, le 26 juillet 1932, à l'hôpital Laval de Québec. Il a été inhumé dans le cimetière de son village natal.
   S
ouvent sous le nom de plume de « Jean d'Autun » ou « Le Pélican », Jean-Louis Guay a publié des articles et poèmes dans divers journaux et périodiques, dont le magazine La vie au grand air. Son unique recueil, Moisson de vie, dont la plupart des poèmes ont été composés durant les années où l'auteur séjournait au sanatorium du Lac-Édouard, a été publié en 1931, soit l'année précédant sa mort. On peut ICI consulter ou télécharger gratuitement le recueil. 


Pour en savoir plus sur Jean-Louis Guay, voyez les informations et documents sous ses poèmes Les Flots ; Entre deux rives ; Une ombre a passé et Il neige (cliquer sur les titres) que les Nos poésies oubliées ont également présentés.

De Jean-Louis Guay, Nos poésies oubliées ont également présenté (cliquer sur les titres): Nuages et désirs ; L'été revient ; Au cimetière ; Sans retour.


Parlant de nos poètes d'antan et oubliés, l'écrivaine Reine Malouin
(1898-1976), qui a longtemps animé la vie poétique au Québec, a 
affirmé que sans eux, « peut-être n'aurions-nous jamais très bien 
compris la valeur morale, l'angoisse, les aspirations patriotiques, 
la forte humanité de nos ancêtres, avec tout ce qu'ils ont vécu, 
souffert et pleuré ». 

Les voix de nos poètes oubliés nous sont désormais rendues. 
Le concepteur de ce carnet-web a publié l'ouvrage en deux 
tomes intitulé Nos poésies oubliées, qui présente 200 de
de nos poètes oubliés, avec pour chacun un poème, une
notice biographique et une photo ou portrait. Chaque  
tome est l'objet d'une édition unique et au tirage limité. 
Pour connaître les modalités de commande de cet 
ouvrage qui constitue une véritable pièce de collection
cliquez sur cette image :