mardi 24 novembre 2020

Les saisons

Adolphe Poisson (1849-1922)

(Source : La Revue nationale,
vol. 1, février-juillet 1895)




   Au doux soleil de mai naissent les primevères ;
   Les champs pleins de parfums se couvrent de gazons,
   Et l'oiseau déserteur de nos climats sévères
   Arrive par essaims des lointains horizons.
   Ainsi, quand dans les cœurs la jeunesse palpite,
   Elle y fait à l'instant éclore les amours ;
   L'essaim des doux espoirs les fait battre plus vite,
               Emportant plus vite leurs jours.

   Au chaud soleil d'Août tombent les blondes gerbes.
   Adieu la marguerite aux calices penchants ! 
   De plus robustes fleurs vont émailler les herbes,
   De plus acres parfums vont embaumer les champs.
   À l'été de la vie ainsi le temps dévore
   Des espoirs nés d'hier et mûris à moitié. 
   L'amour frêle se fane et le cœur voit éclore
               La forte fleur de l'amitié.

   Sur le ciel gris d'Octobre on voit l'épais bocage
   Secouer à regret son feuillage jauni.
   Sous les vents déjà froids qui soufflent avec rage
   Le fruit tombe de l'arbre et la plume du nid.
   Ainsi quand l'homme arrive à sa saison d'automne,
   Il voit se disperser tous ses espoirs flétris,
   Et l'hiver dans son cœur que la vieillesse étonne
               N'entassera que des débris !

   Quand Décembre grelotte, on voit l'ombre qui plie
   Sous la neige tombée en flocons miroitants,
   Et sous son froid linceul la plaine ensevelie,
   Frileuse, se dérobe aux baisers des autans.
   Ainsi l'homme qui touche au terme de sa course
   En vain veut se raidir sous le poids lourd des ans ;
   Heureux encor si Dieu lui dérobe la source
               Où sont les souvenirs cuisants ! 

   La Nature du moins revient à sa jeunesse
   Et reprend ses oiseaux, ses chants, ses gazons,
   Tandis que l'homme, lui, courant vers la vieillesse,
   Ne passe qu'une fois par ses quatre saisons ! 
   Le gazon se refait, la fleur se renouvelle,
   Tout sous le grand ciel bleu chante : RESURREXIT !
   La jeunesse, qui fuit malgré qu'on la rappelle,
               Jamais deux fois ne refleurit  !

                                      Adolphe Poisson (1895)



Tiré de : Adolphe Poisson, Heures perdues, Québec, Imprimerie générale A. Côté et Cie, 1895, p. 61-63. 

Pour en savoir plus sur Adolphe Poisson, voyez la notice biographique et les documents sous son poème L'hospitalité du poète

D'Adolphe Poisson, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : 

- Aux défenseurs oubliés de la patrie

- À Monsieur Suzor-Coté, artiste-peintre ;

- Brève est la vie

- L'envie.
 

Heures perdues, recueil d'Adolphe Poisson
d'où est tiré le poème Les saisons, ci-haut.
On peut ICI télécharger gratuitement
le recueil. 

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Dédicace manuscrite d'Adolphe Poisson
dans son recueil Sous les pins.

(Collection Daniel Laprès ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Adolphe Poisson est l'un des 100 poètes présentés dans 
Nos poésies oubliées, un volume paru en septembre 2020 
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