vendredi 13 novembre 2020

Une feuille

Oscar Dunn (1845-1885)

(Source : Biographi.ca)




   Je te vis dans ces prés à replis onduleux
   Qui cachent dans leur sein mille fleurs parfumées ;
   Au bord de cette source où meurt, harmonieux,
   Le dernier bruit du jour, le chant des voix aimées. 

   Sur ton front retombait la feuille d'un ormeau ;
   Tes yeux levés au ciel disaient une prière
   Et ta voix, se mêlant au murmure de l'eau,
   Montait en doux accords au divin sanctuaire.

   Pourtant à ta paupière une larme passait,
   Comme une perle d'or qui roule avec la vague.
   Penché sur le gazon que ton genoux pressait,
   J'écoutai : ces seuls mots se perdaient dans le vague.

   Mon cœur est bien petit, mais il est plein d'amour ;
   Et j'ignore pourtant ce que c'est qu'un beau jour.
   J'ai tant pleuré, vois-tu, mère, j'ignore encore,
   Molles blancheurs de l'aube et roses de l'aurore.

   On dit qu'un blanc courlis vient chanter, sur le soir,
   Un refrain enivrant et d'amour et d'espoir. 
   Suspendu mollement aux rameaux de la treille,
   Il aime à regarder l'églantine vermeille
   Déposée, au printemps, par ma petite main. 
   C'est toi, me dit-on, qui flottes sur le chemin
   Avec la mouche d'or qui fuit, monte et voltige,
   En s'arrêtant parfois au sommet d'une tige. 

   Et moi, ton jeune Oscar, mère, tu ne viens pas
   Pour lui parler aussi ?... Dis, oh ! parle tout bas.
   Je comprendrai : ta voix, elle doit être tendre.
   Mon cœur me dira tout ce qu'il faudra comprendre.
   Ce qui m'entoure, hélas ! pourrait-il effacer
   De mon âme d'enfant, ton bienheureux penser ?
   
   Je suis l'oiseau plaintif à l'aile rose et blanche,
   Et qui, tout le jour, crie et regarde la branche
   Où vient se pendre encore souvent un voyageur.
   Puisse-t-il, plus que moi, savourer le bonheur !...

   Et j'écoutais, courbé sur les talles de mousse
   Où s'enlacent les lys, où le rosier blanc pousse.
   On dit que dans ces champs où l'homme au soir s'endort, 
   L'on entend quelquefois effleurer l'arbre mort
   Par ces brises de nuit qui versent l'harmonie. 
   Sans doute une âme est là : c'est celle d'une amie,
   D'une mère, peut-être... Oh ! foulons le gazon,
   Prions sur chaque tertre, il nous dira son nom. 

                                   Oscar Dunn (12 août 1862)



Tiré de : Les textes poétiques du Canada français, volume 9, Montréal, éditions Fides, 1987, p. 597-598. 

Pour en savoir plus sur Oscar Dunn cliquer ICI
ou cliquer sur l'image suivante pour consulter, 
télécharger ou imprimer un article biographique
par Jean Bruchési publié en 1928 : 


Dédicace manuscrite d'Oscar Dunn dans la brochure de sa
conférence de 1875 sur L'Amérique avant Christophe Colomb.

(Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le poème Une feuille, ci-haut, d'Oscar Dunn,
est tiré du volume 9 de la série Les textes 
poétiques du Canada français
, parue sous
la direction de Jeanne d'Arc Lortie et de
Yolande Grisé.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Maison où Oscar Dunn a vécu à Coteau-du-Lac, après la mort de son père, en 1851,
alors qu'il avait six ans. Cette photo date de 1928. La maison existe encore et
abrite la Clinique dentaire Mille sourires au 344 chemin du FleuveCliquer
sur l'adresse pour en avoir un aperçu. Merci à Pascale Grenier, native de
Coteau-du-Lac, dont la recherche a permis de repérer la maison.

(Source : Jean Bruchési, Oscar Dunn et son temps, Montréal, 1928)

Oscar Dunn en 1884, un an avant sa mort. 

(Source : Jean Bruchési, Oscar Dunn et son temps, Montréal, 1928)

« Le 15 avril 1885 au Club de la Garnison (de nos jours nommé Cercle de la Garnison 
au 97 rue Saint-Louis) de Québec, Oscar Dunn s'écroulait dans un fauteuil au cours 
d'une conversation. Une grande affaire passionnait alors tout le pays : l'affaire Riel.
On se demandait si Riel allait être pendu, et Oscar Dunn émettait son opinion : 
"Nous avons trop foi dans le Fair Play britannique pour croire qu'ils agiraient
aussi inconsidérément. Ils auraient bien tort..." La mort le frappa sur ces mots ». 
(Extrait de Jean Bruchési, Oscar Dunn et son temps, Montréal, 1928, p. 22).

(Source : Page Facebook du Cercle de la Garnison)

Le monument funéraire d'Oscar Dunn au cimetière de Coteau-du-Lac, tel qu'il paraissait
en 1928, et tel qu'il paraît de nos jours. Le monument est situé derrière l'église.

(Première photo : Jean Bruchési, Oscar Dunn et son temps, Montréal, 1928 ; seconde photo : Find-a-Grave)

En 2020, la municipalité de Coteau-du-Lac a
donné le nom d'Oscar-Dunn à un parc pour
commémorer son souvenir.

(Source : Pascale Grenier, que nous remercions pour l'information)
 


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