Georges Bugnet (1879-1981) Source : Camille Roy, Manuel d'histoire de la littérature canadienne de la langue française, huitième édition, 1940, p. 154. |
Vous que la Nuit couvre de voiles
Pour nous laisser notre éclat emprunté ;
Source du feu, Souveraine Clarté,
Étoile, Reine des étoiles.
Lumière incréée, en qui nous vivons,
Lumière qui n'est pas lumière,
Étoile qui n'est point matière.
Flamme sans déclin, par qui nous brûlons ;
Nos cieux, nourris de Vous, Substance maternelle,
Nos cieux s'effaceront et vous serez toujours.
Car nous ne sommes rien, sous nos flambants atours,
Que les tremblants reflets de l'Étoile éternelle.
Tout notre flamboiement, tout notre grondement,
Ce n'est, nous le savons, que grandeur transitoire.
Vous avez mis sur nous un mirage de gloire,
Bientôt Vous éteindrez notre rayonnement.
Flamme sans fin, Étoile reine, Étoile mère,
C'est nous, lorsque le monde était sombre et sans bruit,
À qui Vous avez dit : « Faites de la lumière ! »
Et voici dans l'espace une foule qui luit.
Votre peuple de feu, pour ce don, vous Adore.
Nous vous louons, ô Mère, et Vous louerons encore
Quand Vous nous éteindrez sous l'ombre de la Nuit.
Georges Bugnet* (1938)
Tiré de : Georges Bugnet, Voix de la solitude, Montréal, Les éditions du Totem, 1938, p. 84-85.
De Georges Bugnet, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Hymne à la nuit.
* Georges Bugnet est né le 23 février 1879 à Chalon-sur-Saône, en Bourgogne (France), de Claude-François Bugnet, marchand de vin, et de Joséphine Sibut-Plourde. Après des études classiques, il entra au séminaire de Brou. Il renonça toutefois au sacerdoce et s'inscrivit, en 1899, à la Faculté des lettres de l'Université de Dijon.
En 1904, il devint rédacteur en chef du journal La Croix de la Haute-Savoie, à Annecy. Il collabora dès lors aux Annales et à la Revue des Poètes. La même année, à Dijon, il épousa Julia Ley.
En janvier 1905, il quitta son pays natal avec un groupe de Bretons pour peupler l'Ouest canadien d'immigrants. Après une dizaine de mois passés à Saint-Boniface (Manitoba), il prit enfin possession de sa terre, à une soixantaine de milles au nord-ouest d'Edmonton, en Alberta. C'est dans cette solitude vaste et silencieuse, face à la sérénité impassible de la forêt géante, qu'il va vivre une aventure spirituelle profonde d'où jailliront sa pensée et son oeuvre.
Outre son travail de pionnier et de cultivateur qui ne lui rapportera jamais beaucoup de profits, il s'intéressera à l'horticulture, au journalisme et à la vie française en Alberta. Il collabora au journal L'Union, de la communauté francophone d'Edmonton. Ses travaux d'horticulteur lui donneront une connaissance très précise du monde végétal et lui permettront même d'obtenir quelques roses nouvelles, dont la Thérèse Bugnet, qui se classe parmi les plus belles d'Amérique du Nord.
Durant les longs hivers albertains, il rédigea ses livres où il exprima les conclusions de son expérience spirituelle au sein de la vaste nature de l'Ouest. Outre son unique recueil de poésies, Voix de la Solitude, paru à Montréal en 1938, il a publié Le Lys de sang (1923) ; Nypsia (1924) ; Le Pin du Muskeg (1924) ; La Défaite (1934) ; Siraf (1934) ; La Forêt (1935) ; Hymne à la Nuit (1939) ; Canadiana (1941) ; Albertaines : anthologie d'oeuvres courtes en prose (1981). Ses quatre romans ont été publiés à Montréal par les Éditions Édouard Garant. Ses poèmes ont été réédités par les Éditions des Plaines après sa mort et sont toujours disponibles.
À partir de 1954, il se retira à Legal (Alberta).
Georges Bugnet est mort à Saint-Albert (Alberta) le 11 janvier 1981, à quelques semaines de son cent-deuxième anniversaire.
(Sources principales : Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, tome 2, Montréal, éditions Fides, 1981, p. 650 ; Dictionnaire Guérin des poètes d'ici de 1606 à nos jours, Montréal, éditions Guérin, 2005, p. 213).
Pour en savoir plus sur Georges Bugnet, cliquer ICI.
Les extraits du poème Hymne à la Nuit publiés ci-haut sont tirés du recueil Voix de la Solitude, de Georges Bugnet. On peut en lire ICI une intéressante et éclairante critique de Louis Dantin, qui fut le principal mentor d'Émile Nelligan. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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Quel saisissant poème ! MAGNIFIQUE ! Merci beaucoup ! Et tellement à des années Lumières du discours tronqué des autorités ecclésiastiques sur la Mère Terre et la Pachamama. Monsieur Bugnet avait bien compris que toutes ces créatures ne sont qu'un reflet du Créateur ! Ce n'est pas le reflet qu'on adore et qu'on respecte, c'est la réalité, la Vérité même ! Le reflet nous permet seulement de la connaître, de la regarder : car pour nous, pauvres hommes, nos petits yeux de chouette ne peuvent contempler la Vérité dans sa Pure Lumière sans se brûler, comme le dit Aristote. Encore merci pour ce magnifique poème !
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