Jean Dollens, nom de plume d' Estelle Bruneau (1910-1953) (Source : Musée d'histoire de Sherbrooke) |
Vois ! le souffle de l'automne a balayé la terre
Et mortes sont les fleurs, expirés les parfums !
Les feuillages des bois et tes rêves défunts,
Dispersés à tous vents, gisent dans la poussière.
Par l'implacable sort te voilà contristé...
Ah ! si de l'Infini tu n'attends point de flamme,
Si tu ne donnes pas des ailes à ton âme,
Tu n'es pas au-dessus de la fatalité !
Tu voudrais dominer notre misère humaine !
Mais, si tu ne nourris en ton cœur l'Idéal,
Si tu n'aspires pas à plus haut que ton mal,
Si tu n'as point d'essor, ton espérance est vaine.
Sur le plus haut sommet, l'aigle qui fait son nid
Ne connaît, dans son vol, aucun vent qui l'arrête ;
Il vit dans les éclairs ; il brave la tempête ;
Son royaume commence où la terre finit.
Il plane sur l'abîme ― et planer c'est sa vie.
Aux caprices du temps il garde un même accueil.
Il ne craint que la foudre. Et ― c'est là son orgueil ―
Si l'orage le frappe, il meurt sans agonie !
Estelle Bruneau alias Jean Dollens (1934)
Tiré de : Jean Dollens (nom de plume d'Estelle Bruneau), Nostalgies, Sherbrooke, La Tribune Ltée, p. 152.
Dans un article publié dans le numéro d'octobre 1951 de la revue Les Carnets viatoriens et intitulé « Nelligan a-t-il subi une influence anglaise ? », Alfred DesRochers, poète majeur du vingtième siècle québécois, présente une anecdote révélatrice quant aux aptitudes poétiques d'Estelle Bruneau. Puisque l'on sait fort peu de choses sur cette poétesse estrienne, il vaut donc la peine de ressortir des oubliettes ce que DesRochers raconte à son sujet :
« Mes amis m'ont dit par ailleurs que Nelligan fut toujours un lecteur omnivore et boulimique ; qu'il retenait une page de vers d'un coup d'œil, cadences, richesse ou pauvreté des rimes, somptuosité ou banalité des images, etc. J'ai connu deux jeunes filles ― bien vivantes encore, Dieu merci ! ― Eva Senécal et Estelle Bruneau (Jean Dollens), qui jouissaient d'un tel talent.
Il me souvient qu'Eva Senécal, vers la vingtaine, ayant découvert une heure plus tôt les Éblouissements de la comtesse de Noailles, en parla durant toute une soirée, illustrant sa pensée d'une citation infaillible de substance et allant repiger le texte sans la moindre hésitation, alors que moi ― qui me vantais d'une assez bonne mémoire et qui avais lu le livre en pleine solitude, à tête reposée ― je n'en gardais qu'une impression d'ensemble.
Estelle Bruneau lisait une page des Illuminations de Rimbaud ou des Stances de Moréas et, se fermant les yeux, en enfantait un jumeau d'imagerie ou de cadence, sans user d'un seul mot du modèle.
Ces phénomènes, à moi qui peine à désenganguer la moindre impression ; qui, à la lecture, ne rencontre que des scènes et des sites de mon enfance ; ces phénomènes, dis-je, m'ont toujours paru incompréhensibles ; mais, les ayant vus, je ne peux nier leur existence ».
Pour en savoir plus sur Estelle Bruneau, voyez les notices biographiques et documents sous ses poèmes La voix des âmes et Cimes.
Nostalgies, recueil de Jean Dollens, nom de plume d'Estelle Bruneau, d'où est tiré le poème Regards sur l'Infini, ci-haut. On peut en trouver de rares exemplaires ICI et ICI. |
Jean Dollens est l'un des 100 poètes présentés dans
Nos poésies oubliées, un volume paru en septembre 2020
dans une édition unique et limitée. Pour se procurer l'un des
quelques exemplaires encore disponibles, et dont chacun
est spécialement numéroté et inscrit à la main au nom
de l'acheteur ou de la personne à qui il est offert,
cliquez sur l'image ci-dessous pour prendre connaissance
des modalités d'acquisition par Paypal, Interac ou chèque,
ou cliquer ICI pour une commande par carte de crédit :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire