mardi 24 mars 2020

Cimes

Jean Dollens, nom de plume
d'
Estelle Bruneau (1910-1953)


(Source : Société d'histoire de Sherbrooke)




LIMINAIRE :    Je me sens attiré vers la hauteur des cimes
                             Dont les glaciers d'azur, reflets d'éternité,
                             Absorbent dans la nuit de leur silence intime
                             Le long cri des humains, tragique et révolté.


   Lorsqu'à travers l'azur des glacials éthers
   La forêt du néant frémit comme un cyprès,
   Mon âme s'associe aux oiseaux de la mer
                  Qui survolent si près
                  De l'abîme aux flots verts.

   Dans l'abandon de tout je vois l'inaccessible ;
   C'est l'heure grave des secrets que l'on arrache
   Au mystère éternel des mondes invisibles,
                  Et mon âme sans tache
                  Prend l'infini pour cible.

   Lorsque nous croyons vivre un peu d'éternité,
   Nous entendons parfois nos cœurs compter le Temps
   Qui vibre, inexorable en son immensité,
                  Aux rythmes persistants 
                  De la fatalité.

   Mon esprit, sans entrave en sa marche aux étoiles,
   Continue à sonder le gouffre des sciences ;
   Mais quand le dernier soir abaissera ses voiles,
   J'écouterai des dieux l'ultime confidence, 
                   Dans l'éternel silence. 

                     Estelle Bruneau*alias Jean Dollens (1937)



Tiré de : Jean Dollens (nom de plume d'Estelle Bruneau), Nostalgies, Sherbrooke, La Tribune Ltée, 1938, p. 104-105. 

* Estelle Bruneau est née à Sherbrooke le 20 janvier 1910, d'Oscar Bruneau, agent d'assurances, et de Clotilde Champoux. Elle fit ses études à Sherbrooke, puis fut collaboratrice au journal La Tribune et au Messager de Saint-Michel, sous les pseudonymes de « Jean Dollens » et de « Guynemer ». Ses articles et poèmes furent également publiés dans d'autres journaux et périodiques, comme Le Soleil (Québec), Le Bien public (Trois-Rivières), Le Nouvelliste (Trois-Rivières), L'Écho du Saint-Maurice (Shawinigan), (L'Avenir du Nord (Saint-Jérôme), Le Franc-Parleur (Québec), L'Unité (Montréal), L'Ordre (Montréal), Le Samedi, etc.
   Membre de la Société des écrivains, elle publia trois romans, La lumière retrouvée (1933) ; L'ombre du passé (1935) ; Sous la griffe de Moscou (....) et un recueil de poésies, Nostalgies (1938).
   Dans sa préface à Nostalgies, le poète Alfred Desrochers a écrit :
   « Jean Dollens, dont les journaux d'avant-garde publient fréquemment la prose vigoureuse et volontiers belliqueuse, entr'ouvre aujourd'hui le musée secret de ses NOSTALGIES aux amants de la poésie. Ce sera une révélation pour plusieurs, car on n'y retrouvera plus l'esprit curieux de théories sociales, de systèmes politiques et de spéculations philosophiques. Au lieu de cela, un coeur meurtri par la vie, un coeur selon le mot de Verlaine : "qui se répand, plutôt qu'il ne s'épanche". [...] La plupart de ces vers décrivent, en même temps que l'évolution d'une âme et d'un coeur, celle d'une pensée de jour en jour plus affinée, qui ne connaît de bornes que l'amour, la curiosité et l'orgueil ― ces trois frontières de l'art, dont l'autre est l'infini ». 
  Estelle Bruneau avait épousé Frank Atwood le 19 décembre 1929, avec qui elle a vécu quelques temps à Manchester (New Hampshire), pour revenir vivre avec ses parents à Sherbrooke, dans un édifice du centre-ville nommé le « Monument national ».
   Estelle Bruneau est morte à Sherbrooke le 9 septembre 1953.
(Sources : Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, tome 2, Montréal, éditions Fides, 1981, p. 774; Dictionnaire Guérin des poètes d'ici de 1606 à nos jours, Montréal, 2005, p. 438 ; archives de La Tribune).

De Jean Dollens (Estelle Bruneau), les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : La voix des âmes.



Nostalgies, recueil de Jean Dollens, nom de
plume d'Estelle Bruneau, d'où est tiré le poème
La voix des âmes, ci-haut. On peut en trouver
de rares exemplaires ICI et ICI.

Dédicace de Jean Dollens, nom de plume d'Estelle 
Bruneau, dans son recueil de poésies Nostalgies
Son propos semble indiquer qu'elle fut atteinte d'une 
maladie sérieuse dès les années 1930, ce qui a peut-
être contribué à son décès prématuré à l'âge de 
43 ans, en 1953. D'après une signature sur la
couverture du livre, cette dédicace a été faite au
Dr Richard Gaudet, chirurgien de Sherbrooke.

(Collection Daniel Laprès ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Estelle Bruneau, alias Jean Dollens,
semblait beaucoup apprécier L'Ordre,
fondé par Olivar Asselin, comme le
montre cette lettre publiée dans cet
hebdomadaire le 9 avril 1935.

(Source : BANQ ; cliquer
sur l'image pour l'agrandir)

Recension du recueil Nostalgies dans Le Devoir du 2 avril 1938.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Dans l'article de La Tribune relatant les funérailles
d'Estelle Bruneau, alias Jean Dollens, on remarque
qu'aucune mention n'est faite de son époux, Frank
Atwood, avec qui la poétesse a vécu à Manchester,
au New Hampshire, dans la période suivant leur
mariage en 1929, comme en atteste l'entrefilet du
20 septembre 1930. Peut-être que Frank Atwood
était décédé au moment de la mort de son épouse,
ou que le couple était séparé. Il est possible aussi
que le mariage ait été annulé, ce que l'on pourrait
déduire du fait que l'article mentionne la poétesse
sous son nom d'Estelle Bruneau, « Mlle » par surcroît,

ce qui à l'époque était fort peu courant pour une 
femme mariée, même concernant une veuve. 

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

La poétesse Estelle Bruneau vivait dans les années 1930 dans l'appartement # 3 de
cet édifice nommé « Monument national », au 100 rue Marquette, à Sherbrooke, à
côté de la cathédrale Saint-Michel. 

(Photo : André Paul, 2018 ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

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