dimanche 15 mars 2020

Mais on l'a pris et mis en cage

Harry Bernard (1898-1979)

(Source : BANQ)




   L'oiseau n'avait pas le bonheur, 
   Mais il pouvait ouvrir ses ailes,
   Être folâtre ou chicaneur,
   Faire la chasse aux demoiselles
   Le long des rives du ruisseau ;
   L'oiseau pouvait, dans le bocage,
   Pour ses enfants faire un berceau.
   Mais on l'a pris et mis en cage...

   L'oiseau n'avait pas de souci,
   Pour lui, la vie était en rose,
   Il se fichait de tout. Aussi
   Rien ne lui paraissait morose.
   Voler, aimer, vivre, chanter,
   Frôler les joncs du marécage,
   L'oiseau pouvait bien tout tenter.
   Mais on l'a pris et mis en cage...

   Le poète, dans son cerveau, 
   Avait un monde de pensées.
   Il trouvait en tout du nouveau
   Dans ses ballades cadencées,
   Pour lui, toujours le floréal,
   Et du clinquant et du placage !
   Pour lui, rien de moins que l'Idéal. 
   Mais on l'a pris et mis en cage...

   Le poète au souris moqueur
   Narguait l'homme, le temps frivole,
   La calomnie et la rancœur.
   Il se riait du bénévole
   Témoin, qui regarde, hébété,
   Ce méchant monde de trucage ;
   Il voulait de tout : vérité, 
   Mais on l'a pris et mis en cage...

   L'oiseau n'avait pas le bonheur ;
   Ne l'avait pas plus le poète.
   L'un était gai, l'autre flâneur.
   Tous deux riaient de la chouette
   Lugubre et morne, dans la nuit. 
   Ils ne craignaient pas le saccage,
   Ils n'avaient jamais eu d'ennui.
   Mais on les prit et mit en cage...

                    Harry Bernard* (1916)



Poème paru sous le nom de plume de « Roger Raymond » dans l'édition du 29 juillet 1916 du Courrier de Saint-Hyacinthe. Il s'agit du tout premier poème publié par Harry Bernard, alors qu'il avait 18 ans et étudiait au Séminaire de Saint-Hyacinthe. (Source quant au nom de plume : Conversation poétique : correspondance littéraire entre Harry Bernard et Alfred DesRochers, Ottawa, Les Éditions David, 2005, p. 36). 

*  Harry Bernard est né à Londres (Angleterre) le 9 mai 1898, d'Horace Bernard et d'Alexandra Bourdeau. Il débuta ses études au collège Rollin à Paris, puis les poursuivit au Public Schools de Saint Albans (Vermont) et les termina, de 1911 à 1918, au Séminaire de Saint-Hyacinthe. Après une année d'études supérieures à Lowell (Massachusetts), il étudia à l'Université de Montréal, où il obtint une licence en Lettres. 
   De 1919 à 1923, il fut rédacteur et correspondant parlementaire pour Le Droit d'Ottawa. Il prit en 1923 la direction du Courrier de Saint-Hyacinthe, dont il restera à la tête jusqu'en 1970. Sa famille était originaire de Saint-Hyacinthe
   En plus de ses responsabilités au Courrier de Saint-Hyacinthe, il dirigea la revue L'Action nationale en 1933-1934. Il collabora à de nombreux journaux et périodiques, notamment sous le pseudonyme de « l'Illetré ». Il fut aussi collaborateur régulier des magazines La vie en plein air , Chasse et pêche et Forêt et conservation.
   Il a publié plusieurs romans, dont trois lui valurent le Prix David : L'homme tombé (1924) ; La terre vivante (1926) et Juana, mon aimée (1932). Ses autres romans sont : La ferme des pins (1930) ; Dolorès (1932) ; Les jours sont longs (1951), qui lui valut le Prix du Cercle du livre de France ; Une autre année sera meilleure (publication posthume, 2013). Il a également publié deux recueils de nouvelles : La Dame blanche (1927) et Montcalm se fâche (1935), en plus d'un recueil de critique littéraire, Essais critiques (1929) et d'un récit d'exploration naturaliste Portages et routes d'eau en Haute-Mauricie (1953). Il est aussi l'auteur de L'ABC du petit naturaliste canadien. Il a également publié une thèse de doctorat ès lettres, Le roman régionaliste aux États-Unis (1949). 
   Il reçut diverses décorations et mentions, dont le Prix Olivar-Asselin de journalisme, attribué par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (1961). 
  Harry Bernard est mort à Montréal le 16 mai 1979. Il est inhumé au cimetière de la Cathédrale de Saint-Hyacinthe. Il avait épousé en premières noces Louella Tobin, puis en secondes noces Alice Sicotte. 
(Sources : Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome 2, Montréal, éditions Fides, 1981, p. 573 ; Conversation poétique : correspondance littéraire entre Harry Bernard et Alfred DesRochers, Ottawa, Les Éditions David, 2005 ; Le Courrier de Saint-Hyacinthe, 23 mai 1979).


Harry Bernard, à l'époque où il a publié le poème
Mais on l'a pris et mis en cage, ci-haut, alors qu'il
étudiait au Séminaire de Saint-Hyacinthe.

(Source : Le Courrier de Saint-Hyacinthe,
23 mai 1979) 

Dédicace manuscrite de Harry Bernard à l'historien et fondateur
des Archives nationales du Québec, Pierre-Georges Roy, dans
son ouvrage Essais critiques.

(Collection Daniel Laprès ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Dans son recueil de critiques littéraires, Essais critiques
publié en 1929, Harry Bernard présente L'idée 
baudelairienne au Canadaun texte qui, de nos 
jours, détonne fortement par rapport à ce qui est devenu
un fatras de lieux communs et d'idées reçues exigeant
l'adhésion unanime et qu'il est pratiquement interdit
de questionner, sous peine de se faire traiter d'affreux 
fossile et d'infâme arriéré, selon les termes du mode 
moderne d'excommunication. 

Pour prendre connaissance de cet écrit qui, dans le
contexte qui est le nôtre en 2020, est devenu 
iconoclaste, cliquer sur 
l'image suivante : 


Les romans et essais de Harry Bernard ne sont plus réédités depuis longtemps. Mais on peut
découvrir sa pensée sur la littérature et divers autres sujets dans les deux volumes réunissant
sa correspondance avec les poètes Alfred DesRochers et Simone Routier, et que l'on peut
commander dans toute bonne librairie, de même que son roman Une autre année sera 

meilleure,  publié de manière posthume en 2013. L'édition remarquablement soignée et
riche d'informations de ces trois volumes est le fruit du travail des professeurs 
Micheline Tremblay et Guy Gaudreau.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Un site web, fort bien conçu et riche de documents précieux
 et utiles, est consacré à l'œuvre de Harry Bernard. 
Pour le découvrir, cliquer sur cette image : 


Harry Bernard était ami avec Daniel Johnson (à gauche), avec qui
on le voit ci-haut au début des années 1960. Johnson devint premier
ministre du Québec de 1966 à sa mort subite en 1968.

(Source : BANQ)

À l'occasion du décès de Harry Bernard, l'éditorialiste du Courrier de Saint-Hyacinthe
a signé, le 23 mai 1979, cet hommage à celui qui a dirigé durant près de cinquante 
ans ce journal, qui existe toujours et qui est le plus ancien journal de langue
 française en Amérique. du Nord.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le Courrier de Saint-Hyacinthe, 23 mai 1979.

(Source : BANQ)

Le 25 mai 1979, l'éditorialiste de La Presse, Vincent Prince,
a souligné le décès de Harry Bernard.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le Devoir a également souligné le décès de
Harry Bernard dans son édition du 23 mai 1979.


(Source : BANQ

La Presse, 18 mai 1979.

(Source : BANQ ; cliquer
sur l'image pour l'agrandir)


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