jeudi 27 décembre 2018

L'hospitalité du poète

Adolphe Poisson (1849-1922)

(Source : BANQ)




   Le silence s'est fait dans mon humble demeure,
   Les enfants sont partis, les ormes effeuillés ;
   Et parmi les débris d'un bel été je pleure
                 Mes petits oiseaux envolés.

   Les vents doux qui faisaient courber les tiges vertes
   Et berçaient les rameaux de l'érable orgueilleux
   Ne viennent plus le soir aux fenêtres désertes
                 Caresser mes rideaux soyeux. 

   Tous les chants se sont tus, et cette étroite allée,
   Où souvent se perdait mon rêve aux ailes d'or,
   N'a plus de frais ombrage, et voici la gelée
   Qui tisse un blanc linceul à la source qui dort. 

   Plus rien... Mais, ô bonheur ! sur la neige durcie
   J'ai vu s'abattre un soir de petits oiseaux gris
   Qui voltigent par bande et dont l'aile transie
   Laisse les bois frileux pour de plus chauds abris.

   Ils avaient fait leurs nids dans la forêt voisine
   Et se faisaient l'amour à l'ombre des halliers,
   Mais la neige est venue, et la troupe mutine
                 Fond sur nos toits hospitaliers. 

   Soyez les bienvenus, hôtes toujours fidèles
   Qui n'avez pas suivi dans leur rapide essor
   Les merles oublieux, les folles hirondelles,
   Et qui restez ici pour partager mon sort !

   Je vous ai fait construire une retraite douce,
   Quand les rameaux plieront sous l'effort des autans,
   Vous y réchaufferez dans des nids faits de mousse
                 Vos petits membres grelottants.

   Au lieu de disputer à la nature avare
   Le petit grain de mil sous la neige oublié,
   Vous trouverez au nid que ma main vous prépare
                 Le grain de mil multiplié.

   Fuyez le trait perfide et l'embûche méchante
   Que suspend l'oiseleur aux tiges des roseaux ;
   Approchez-vous de moi : le poète qui chante
                 Toujours fut l'ami des oiseaux. 

   Libres vous resterez, car, mes chers petits êtres,
   Vous aimez comme moi la douce liberté.
   La cage vous effraie et mes larges fenêtres
                 Vous offrent l'hospitalité !

   Que le vent de novembre effeuille le bocage,
   Que la brise de mai ramène les beaux jours,
   Pour vous c'est la patrie, et votre aile voyage 
   De ma main bienfaisante au lieu de vos amours.

   Soyez les bienvenus, hôtes toujours fidèles,
   Qui n'avez pas suivi dans leur rapide essor
   Les merles oublieux, les folles hirondelles,
   Et qui restez ici pour partager mon sort. 

                                    Adolphe Poisson* (1895)



Tiré de : Adolphe Poisson, Heures perdues, Québec, Imprimerie générale A. Côté et Cie, 1895, p. 39-43.

* Joseph Adolphe Poisson est né à Gentilly le 14 mars 1849, d'Édouard Modeste Poisson, médecin, et de Marie-Delphine Buteau. Deux ans après sa naissance, sa famille s'installa à Arthabaska, dans la maison où Adolphe Poisson résidera toute sa vie.
   À la suite d'études au Séminaire de Nicolet, au Petit séminaire de Québec puis à l'Université Laval à Québec, il fut admis au Barreau en juillet 1873. La même année, il remplaça son père, qui venait de mourir, au poste de "registrateur" du comté d'Arthabaska. Il occupera cette fonction jusqu'à sa mort.
   Conteur et conférencier en maintes circonstances, ayant publié de nombreux poèmes et contes dans divers journaux, il fit paraître quatre recueils de poésies : Chants canadiens (1880) ; Heures perdues (1895) ; Sous les pins (1902) et Chants du soir (1917). En 1894, l'Université Laval lui décerna un doctorat honoris causa en littérature. Impliqué dans la vie de sa paroisse de Saint-Christophe d'Arthabaska, il y exerça notamment le poste de marguillier.
   Adolphe Poisson est mort à l'Hôtel-Dieu d'Arthabaska le 22 avril 1922. Il avait épousé Amélie Côté le 18 octobre 1882.
(Sources : Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome 1, Montréal, éditions Fides, 1980, p. 97-98 ; Généalogistes associés). 

Pour en savoir plus sur Adolphe Poisson, cliquer ICI. 

D'Adolphe Poisson, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : ― Aux défenseurs oubliés de la patrie ; ― L'envie


Le poème L'hospitalité du poète, ci-haut, est tiré
du recueil Heures perdues, d'Adolphe Poisson.
On peut le télécharger gratuitement ICI.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Maison où Adolphe Poisson a vécu de l'âge de deux ans, en 1851, jusqu'à la fin de sa vie
en 1922, au 55 avenue Laurier Ouest, dans le secteur Arthabaska de Victoriaville.

(Photo : Street View). 

Plaque érigée en 1951 devant la maison
d'Adolphe Poisson, à Arthabaska.

(Source : Répertoire du patrimoine culturel du Québec)

Article paru dans Le Nouvelliste du 27 avril 1922
à l'occasion du décès d'Adolphe Poisson.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) 

Monument funéraire d'Adolphe Poisson
au cimetière Saint-Christophe d'Arthabaska,
et situé près de la maison du poète.

(Photo : René Girard, 2018 ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir). 


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