dimanche 30 décembre 2018

Bonne et heureuse

« Les visites du Jour de l'An » ; oeuvre d'Edmond-J. Massicotte, 1928.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)




   Ravi de l'entendre parfois,
   Je me rappelle qu'autrefois,
   Dans nos villes et nos villages,
   C'était la formule en usage,
   Lorsque, craintif ou résolu,
   Le temps marquait un bond de plus
   Dans sa ballade aventureuse :
           « Bonne et heureuse ! »

   Du grand jour, à tous préféré,
   Saluant le retour sacré,
   C'était, levés avant l'aurore,
   D'une voix distincte, sonore, 
   Le voeu qu'on allait répétant
   Aux connaissances en tendant
   Une main large et vigoureuse : 
           « Bonne et heureuse ! »

   De tous côtés, allègrement, 
   Sur les perrons, aux bâtiments,
   Dans la neige où le pied s'enlise,
   Sous le grand portail de l'église,
   Dans les maisons, sur les chemins,
   L'azur vibrait, l'air était plein
   D'élans de gaieté généreuse ; 
           « Bonne et heureuse ! »

   Bien sonnants, vite prononcés,
   Ils n'avaient pas l'air compassé,
   Les mots que l'on pouvait entendre,
   Directs et pas durs à comprendre.
   C'était le gage simple et beau
   Qu'on n'accueillait pas l'an nouveau
   L'âme rancunière et hargneuse :
           « Bonne et heureuse ! »

   C'était, tout un jour, grandissant,
   Comme un tourbillon incessant
   De tendresse, de bienveillance,
   D'oubli, de pardon des offenses,
   D'hommage, noble infiniment,
   Des gendres aux belles-mamans
   Qui leur font l'existence affreuse : 
           « Bonne et heureuse ! »

   C'était, comme un rythme éternel,
   Le salut ardent, fraternel,
   Qu'un vent d'allégresse irradie,
   C'était la douce psalmodie
   Des coeurs battant à l'unisson.
   Le tribut de filles, garçons,
   Aux chefs de familles nombreuses : 
           « Bonne et heureuse ! »

   C'était, sans ornements pervers,
   Le langage vibrant, ouvert,
   Ne donnant pas chance aux méprises,
   Le verbe qui caractérise
   La rubrique du temps ancien,
   En sa simplesse valant bien
   Un tas de périphrases creuses : 
           « Bonne et heureuse ! »

                       Lionel Léveillé (1931)



Tiré de : Lionel Léveillé, Vers la lumière, Montréal, Librairie d'Action française, 1931, p. 27-30.

Pour en savoir plus sur Lionel Léveillé, voyez les informations et documents sous son poème Rêveur.  Du même poète, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté Les quêteux


Lionel Léveillé (1875-1955)

(Source : Almanach de la
langue française
, 1933)

Le poème Bonne et heureuse, ci-haut, est tiré
du recueil Vers la lumière, de Lionel Léveillé.
Un seul exemplaire de l'édition originale est
encore disponible sur le marché en ligne,
voyez ICI.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Lionel Léveillé a également publié des poésies et
autres écrits sous le nom de plume de « Englebert
Gallèze », avec deux " L " et non un seul comme sur
cette illustration signée Henri Letondal parue dans 

l'édition 1923 de l'Almanach de la langue française


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