Lionel Léveillé alias « Englebert Gallèze » (1875-1955) (Source : Richard Foisy, L'Arche, Montréal, VLB éditeur, 2009) |
Pauvre rêveur de mauvais rêves !
Doux mendiant d'illusions
Hanté, sur les routes, sans trêve,
D'étranges visions.
Au cours de ses vagabondages,
Quand il passait, dans les soirs bruns,
Les bois lui donnaient leurs ombrages
Et les fleurs leurs parfums.
Les fougères, au bord des sources,
Disaient, accueillantes toujours :
"Attardez un peu votre course
Sur nos bancs de velours."
Dans le bruissement des vagues,
Dans le tintement des beffrois,
Il distinguait des phrases vagues ;
Reconnaissait des voix :
"Est-il plus sublime carrière
Que celle du Maître-Pinson ?...
Que résider dans la lumière
Et vivre de chansons ?"
Il rêvait que la vie est bonne,
Que le sol par l'homme habité
Est un temple où l'amour rayonne,
Un jardin de beauté,
Lorsque soudain ― réveil perfide ― !
Devant son rêve s'est dressé
Un spectre à la face livide,
Au regard angoissé,
Qui lui dit : "Jamais ne t'arrête.
Marche ! tu n'as pas d'autre sort
Que de marcher comme la bête,
De la vie à la mort.
Forçat qu'un peu d'espoir enivre,
Courbe le dos sous ton destin
Et traîne le fardeau de vivre,
Plus lourd chaque matin."
Alors, revenant vers les villes
Dont la fatigue l'assaillait,
Il vit qu'à ses douleurs serviles
Un ange souriait.
Et son âme assuma la forme
Que réclamait le dur labeur,
Pareille au métal que transforme
Le doigt d'un enchanteur.
Ange d'amour, dans l'ombre humaine,
Quand s'allument tes sombres yeux,
Que font au prisonnier ses chaînes ?
Sa honte au miséreux ?
Dans l'extase de ton ivresse
Tu mêles, en d'étranges mots,
La volupté d'une caresse
Au charme d'un sanglot.
Tu fais chanter, tu fais maudire,
Et, nul plus que toi, dans un cœur,
Ne sait retourner en délire
Le tourment du bonheur.
Tu lui disais : "Tes plus beaux rêves,
Que sont-ils près du feu sacré
Dont, pendant nos étreintes brèves,
Je te consumerai."
Puis, voilà que ce divin songe,
Un souffle impur le profana ;
La voix sinistre du mensonge,
Dans l'ombre, ricana.
Et, pris d'une peur insensée
D'avoir vu mourir son espoir,
Il s'enfuit, cherchant sa pensée
Dans l'inconnu du soir.
Pauvre rêveur de mauvais rêves !
Doux mendiant d'illusions
Hanté, sur les routes, sans trêve,
D'étranges visions.
Lionel Léveillé*, alias Englebert Gallèze (1910)
Tiré de : Englebert Gallèze, Les Chemins de l'Âme, Montréal, Daoust et Tremblay Imprimeurs et Éditeurs, 1910, p. 79-85.
* Fils de Stanislas Léveillé et de Georgiana Desrosiers, Lionel Léveillé, dit Englebert Gallèze, est né à Saint-Gabriel de Brandon le 27 novembre 1875. Il fait ses études au Séminaire de Joliette et s'inscrit en droit à l'Université de Montréal. Admis au barreau en 1907, il exerce sa profession à Montréal.
En 1915, il travaille à la rédaction de La Presse, mais revient, trois ans plus tard, à la pratique du droit. En 1929, il entre au bureau du protonotaire, au Palais de Justice de Montréal, où il rédige les jugements.
Il collabore, sous le pseudonyme d'Englebert Gallèze, à la Revue canadienne, au Bulletin du parler français au Canada, au Terroir, au Nationaliste et au Devoir. Membre de l'École littéraire de Montréal depuis 1908, il en est le président pendant quatre ans (1919-1923) et le vice-président par la suite. Il est aussi membre de la Société des Écrivains canadiens. Il a publié quatre recueils de poésies : Les Chemins de l'Âme (1910), La Claire Fontaine (1913), Chante rossignol, chante (1925) et Vers la lumière (1925).
En 1915, il travaille à la rédaction de La Presse, mais revient, trois ans plus tard, à la pratique du droit. En 1929, il entre au bureau du protonotaire, au Palais de Justice de Montréal, où il rédige les jugements.
Il collabore, sous le pseudonyme d'Englebert Gallèze, à la Revue canadienne, au Bulletin du parler français au Canada, au Terroir, au Nationaliste et au Devoir. Membre de l'École littéraire de Montréal depuis 1908, il en est le président pendant quatre ans (1919-1923) et le vice-président par la suite. Il est aussi membre de la Société des Écrivains canadiens. Il a publié quatre recueils de poésies : Les Chemins de l'Âme (1910), La Claire Fontaine (1913), Chante rossignol, chante (1925) et Vers la lumière (1925).
Il est mort à Montréal le 11 mai 1955. Il avait épousé Françoise Lavigne le 26 février 1924.
Le critique littéraire Louis Dantin a dit de la poésie de Léveillé : « Ses vers s'inspirent très souvent d'une maxime, d'un dit populaire, d'un couplet de notre folklore, dont ils développent le motif et autour duquel ils s'ordonnent comme les cristaux autour de leur axe. [...] Cette poésie [...] dénote un art réel, contient une signification et un attrait bien définis ».
(Sources : Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome 2, Montréal, éditions Fides, 1987, p. 221 ; Dictionnaire des auteurs de langue française en Amérique du Nord, Montréal, éditions Fides, 1989, p. 886).
Le critique littéraire Louis Dantin a dit de la poésie de Léveillé : « Ses vers s'inspirent très souvent d'une maxime, d'un dit populaire, d'un couplet de notre folklore, dont ils développent le motif et autour duquel ils s'ordonnent comme les cristaux autour de leur axe. [...] Cette poésie [...] dénote un art réel, contient une signification et un attrait bien définis ».
(Sources : Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome 2, Montréal, éditions Fides, 1987, p. 221 ; Dictionnaire des auteurs de langue française en Amérique du Nord, Montréal, éditions Fides, 1989, p. 886).
De Lionel Léveillée, alias Englebert Gallèze, les Poésies Québécoises Oubliées ont également présenté : Les quêteux (cliquer sur le titre).
Les Chemins de l'Âme, d'Englebert Gallèze, d'où est tiré le poème Rêveur, ci-haut. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Dédicace manuscrite d'Englebert Gallèze dans son recueil Les Chemins de l'Âme. (Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Mention du décès de Lionel Léveillé dans Le Devoir, 12 mai 1955, p. 3. |
Notice nécrologique parue dans Le Devoir, 12 mai 1955, p. 12. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Procurez-vous l'un des quelques exemplaires encore disponibles
de Nos poésies oubliées, un volume préparé par le concepteur
du carnet-web des Poésies québécoises oubliées, et qui présente
100 poètes oubliés du peuple héritier de Nouvelle-France, avec
pour chacun un poème, une notice biographique et une photo
ou portrait. Pour se procurer le volume par Paypal ou virement
Interac, voyez les modalités sur le document auquel on accède
en cliquant sur l'image ci-dessous. Pour le commander par
VISA, cliquer ICI.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire