Jean Charbonneau (1875-1960) (Source : L. Mailhot et P. Nepveu, La poésie québécoise des origines à nos jours, Montréal, Éditions de L'Hexagone, 1981, p. 145) |
I
Oh ! je voudrais m'enfuir sur ma nef, emporté
Vers de nouveaux décors entrevus dans un songe,
Où resplendit dans sa blancheur la Vérité,
Où ne règne pas le mensonge.
Que je vivrais heureux dans ce pays lointain
Dont nul n'aura connu les routes étrangères ;
Et combien, en voyant s'accomplir mon destin,
Les heures me seraient légères.
Pouvoir infiniment marcher dans des forêts
Où s'épure notre âme ardente et délaissée,
Loin du monde, foyer de nos cuisants regrets,
Seul, bien seul avec sa pensée.
Jouir des jours de joie et d'éblouissement,
Avec le seul silence accompagnant mes veilles ;
Croire en moi que tout est le recommencement
De visions et de merveilles.
Ressentir l'indicible et rare volupté
Qui donne le désir d'espérer et de vivre,
Ô Déesse, ô suave et vibrante Beauté
Qui m'invites à te poursuivre !
II
Ô désillusion ! L'apparence qui fuit
Et qui se désagrège en légère fumée,
N'est déjà, tu le sais, alors qu'on la poursuit,
Qu'un peu de cendre parfumée.
Nul n'arrive jamais en ce beau pays bleu
Que l'on rêva souvent, et cette nef promise
Est un leurre et se guide au flambeau dont le feu
S'éteint à la première brise.
Sois l'esclave pourtant du songe inspirateur
Qui hante ton sommeil et toujours te domine ;
Élève ton vouloir immense à la hauteur
De l'idéal qui l'illumine.
Si la réalité t'enchaîne et te retient
En ce monde où le Sort au hasard te fit naître,
Ta Pensée est le souffle ardent qui te soutient
Et dont tu dois rester le maître.
Car si des vains désirs on n'a rien obtenu,
Elle seule ennoblit et seule divinise
L'homme inspiré qui monte au seuil de l'Inconnu
Dont la clarté l'immortalise.
Jean Charbonneau (1928)
Tiré de : Jean Charbonneau, La flamme ardente, Montréal, éditions Beauchemin, 1928, p. 197-200.
De Jean Charbonneau, les Poésies Québécoises Oubliées ont déjà présenté : ― Espoir renouvelé
Pour en savoir plus sur Jean Charbonneau, cliquer ICI.
La flamme ardente, recueil d'où est tiré le poème La Nef, ci-haut. Deux exemplaires seulement sont encore sur le marché, ICI et ICI. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Dédicace manuscrite de Jean Charbonneau
au comédien Paul Desmarteaux (1906-1974).
(Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Article annonçant le décès de Jean Charbonneau dans La Presse du 27 octobre 1966. (Source : BANQ) |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire