mardi 21 mai 2019

À Monsieur A. Suzor-Coté, artiste-peintre

À gauche, Adolphe Poisson (1849-1922)
(Source : Alcide Fleury, Arthabaska, capitale des Bois-Francs, p. 138)

À droite :
Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté (1869-1937)
(Source : Suzor-Coté, Lumière et matière, p. 162)





   Ami, j'ai visité ton modeste atelier
   Où ton pinceau d'artiste a su multiplier
   Des croquis que ton rêve a fixés sur la toile :
   Profils harmonieux, fronts de vierge que voile
   L'ombre indécise et douce où se plaît ton pinceau,
   Figures de vieillards ou d'enfants au berceau,
   Nature morte à qui tu sais rendre la vie,
   Paysages nombreux qui donneraient l'envie
   D'aller rêver sous bois si mes lourds quarante ans
   Me permettaient encor les jeux de mon printemps.

   Un large pan de mur couvert de panoplies
   Étale un croisement d'armes toutes vieillies
   Que brandissaient jadis des héros endormis
   Lorsqu'ils semaient la mort parmi les ennemis. 
   Et pendant que j'admire, à l'écart tu dessines ;
   Je vois sous ton pinceau surgir des bécassines
   Pantelantes encor sous le plomb du chasseur,
   Vivantes à tromper les yeux du connaisseur.
   Pour attirer bientôt tes mains jamais oisives,
   Un lit qui nous surprend par ses formes massives
   Attend là dans son coin. Je salue en passant 
   Une horloge qui dut sonner l'an mil six cent.

   Plus loin, un vieux rouet, désormais immobile, 
   Attend pour se mouvoir le pied frêle et débile
   Des femmes d'aujourd'hui. Ce coin, c'est le passé
   Déjà si loin de nous, où l'on voit entassé
   Ce que le temps hâtif rejette hors de mode,
   Mais dont, moins dédaigneux, le peintre s'accommode.

   Ces antiques objets, par tes soins réunis, 
   Revivront sur la toile, embellis, rajeunis
   Par les vives couleurs de ton pinceau magique.
   Mais soudain j'aperçois une chère relique,
   Portrait de grand-maman qu'un jour je t'ai porté
   Pour rafraîchir un peu son teint de vétusté. 
   Depuis plus de six mois, tourné vers la muraille,
   Ce pauvre cadre attend qu'une main le travaille.

   Mais toi, sollicité par maints projets nouveaux,
   Tu promènes ton rêve par monts et par vaux.
   Et comme un coeur d'artiste, hélas ! n'est pas de roche,
   Du portrait délaissé craignant un doux reproche,
   À regarder le mur tu l'auras condamné
   Afin de ne pas voir son regard chagriné ! 

                                      Adolphe Poisson (1890)




Tiré de : Adolphe Poisson, Sous les pins, Montréal, Librairie Beauchemin, 1902, p. 177-179. 

Pour en savoir plus sur Adolphe Poisson, voyez la notice biographique et les documents sous son poème L'hospitalité du poète. D'Adolphe Poisson, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Aux défenseurs oubliés de la Patrie et L'envie

Pour en savoir plus sur Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, cliquer ICI

Dans l'album Suzor-Coté, Lumière et matière, on peut notamment lire, en page 42 : 


« Les Poisson constituent sans doute l'autre groupe familial qui aura le plus d'importance dans la vie de Suzor-Coté. Édouard-Modeste Poisson, arrivé en 1851, est le premier médecin de la localité et le père d'Adolphe Poisson et de Roméo Poisson. L'avocat Adolphe Poisson, surnommé "le barde d'Arthabaska", cumule les fonctions de "régistrateur et poète". Son recueil de poèmes, Sous les pins, publié en 1902 et orné de vignettes dessinées par Henri Julien, rassemble des textes inspirés, entre autres, par des événements et des lieux associés à Arthabaska. Son frère Roméo, compositeur et musicien, est l'organiste de la paroisse. Il épousera Alice, soeur de Suzor-Coté ». 

On disait de Suzor-Coté qu'il se caractérisait par son entrain, sa désinvolture et son esprit de liberté. Ses derniers moments furent typiques de sa vie mouvementée, comme on peut le lire en page 318 du même album : 

« Renaud Lavergne raconte les derniers jours du malade et, en particulier, la cérémonie des derniers sacrements qui fut des plus animées, à l'image de l'artiste. L'extrême-onction fut interrompue par une chasse au perroquet. L'oiseau, qui vivait en liberté dans l'appartement, vint se poser sur la tête du prêtre au moment où il récitait la prière des mourants. Jacasseries, cris de douleurs et coups de balai marquèrent la dernière sortie de Suzor-Coté ». 


Le poème À Monsieur A. Suzor-Coté,
artiste-peintre
, est tiré de Sous les pins,
recueil d'Adolphe Poisson paru en 1902.
Un unique exemplaire de l'édition originale
est encore disponible, voyez ICI.
On peut aussi le consulter ou le
télécharger gratuitement ICI.

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Dédicace manuscrite d'Adolphe Poisson
dans son recueil Sous les pins.

(Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Ce dessin du peintre et dessinateur Henri Julien orne le poème
présenté ci-haut dans le recueil Sous les pins, d'Adolphe Poisson.

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Le peintre Suzor-Coté à 31 ans (1900)

(Source : Suzor-Coté, Lumière et matière, p. 90)

Suzor-Coté, Autoportrait 1896-97,
dans Suzor-Coté, Lumière et matière, p. 33)

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Suzor-Coté, Matinée d'été, Arthabaska, 1909,
dans Suzor-Coté, Lumière et matière, p. 190.

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Suzor-Coté, Rivière Nicolet, Arthabaska, 1907.

(Source : Wikipedia)

Maison d'Adolphe Poisson, au 55 rue Laurier ouest, à Arthabaska.
C'est là qu'il a composé les poèmes de son recueil Sous les pins.

(Source : Street View ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Maison natale de Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, au 846 des Bois-Francs,
à Arthabaska. On aperçoit à l'arrière une partie de l'atelier où l'artiste-
peintre produisit plusieurs œuvres. La maison du poète Adolphe Poisson
est à quelques minutes à pied.

(Source : Patrimoine culturel Québec ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Adolphe Poisson et Suzor-Coté reposent tous deux au cimetière d'Arthabaska,
à l'ombre de l'église paroissiale dont le peintre a contribué à la décoration..
À gauche, monument funéraire d'Adolphe Poisson (Photo : René Girard, 9 août 2018).
À droite, celui de Suzor-Coté (Photo : Daniel Laprès, 5 août 2016)

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Parlant de nos poètes d'antan et oubliés, l'écrivaine Reine Malouin
(1898-1976), qui a longtemps animé la vie poétique au Québec, a 
affirmé que sans eux, « peut-être n'aurions-nous jamais très bien 
compris la valeur morale, l'angoisse, les aspirations patriotiques, 
la forte humanité de nos ancêtres, avec tout ce qu'ils ont vécu, 
souffert et pleuré ». 

Les voix de nos poètes oubliés nous sont désormais rendues. 
Le concepteur de ce carnet-web a publié l'ouvrage en deux 
tomes intitulé Nos poésies oubliées, qui présente 200 de
de nos poètes oubliés, avec pour chacun un poème, une
notice biographique et une photo ou portrait. Chaque  
tome est l'objet d'une édition unique et au tirage limité. 
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ouvrage qui constitue une véritable pièce de collection
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1 commentaire:

  1. Merci monsieur Laprès de nous faire découvrir ces grands monuments couverts de la poussière du temps passé

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