vendredi 24 mai 2019

Vous souvient-il ?

Rodolphe Chevrier (1868-1949)

(Source : son recueil Tendres choses)




   Vous souvient-il de ces journées
   Faites de fleurs et de soleil,
   Où tout semblait rose ou vermeil
   À nos âmes fortunées ?...

   À travers les sentiers fleuris
   Que la brise emplit de mensonges,
   Nous allions rieurs, épris, 
   Courant à la suite des songes.

   Nous marchions, le front en sueurs,
   Le long des flamboyantes grèves,
   Et nos doigts brisaient moins de fleurs
   Que nos coeurs effeuillaient de rêves.

   Et les oiseaux, comme jaloux,
   Voltigeaient autour de nos têtes,
   Et l'onde aux sonores glouglous
   Semblait se mêler à nos fêtes.

   Oui, tout semblait rose ou vermeil
   À nos âmes trop fortunées !
   Vous souvient-il du gai soleil
   Qui marquait ces heures fanées ?...

   Mille refrains d'airs semés,
   La chanson des nids en liesse,
   Les senteurs des bois parfumés,
   Tout à nos sens versait l'ivresse !

   Pour abriter nos doux secrets,
   Le buisson nous prêtait ses branches ;
   Nous nous faisions, sous les cyprès,
   Un lit de mousse et de pervenches.

   Le coeur bondissant et joyeux,
   Butinant les mêmes pensées,
   Nous restions là, ravis, fiévreux,
   Les mains longuement enlacées.

   Où donc est-il ce gai soleil
   De nos heures enluminées,
   Qui, d'un reflet rose ou vermeil,
   Dorait nos folâtres journées ?...

   Ces félicités des beaux jours,
   Ces illusions, cette flamme,
   Ces ébats, ces chants, ces amours,
   Ont soudain déserté notre âme.

   Le passé les a recueillis
   Dans son sanctuaire que j'abhorre,
   Et cet abîme des oublis
   Ne nous rend pas ce qu'il dévore.

   Des bonheurs à jamais détruits,
   Que le Ciel seul saurait nous rendre,
   Dans les plis de nos coeurs meurtris
   Que nous est-il resté ? De la cendre !...

   Il a pâli le gai soleil
   Des inoubliables années
   Où tout semblait rose ou vermeil
   À nos âmes si fortunées !

                    Rodolphe Chevrier* (1889)



Tiré de : Rodolphe Chevrier, Tendres choses, Montréal, J.-P. Bédard Imprimeur-Éditeur, 1892, p. 87-91. 

*  Louis Gustave Rodolphe Chevrier est né à Ottawa le 5 août 1868, de Joseph Alphonse Chevrier et de Marie Fairbanks. Il fit ses études primaires à Ottawa, chez les Frères des Écoles chrétiennes, puis ses études secondaires au Collège Bourget de Rigaud. À partir de 1886, il étudia la médecine à l'Université Laval de Montréal, dont il obtint le diplôme en juin 1890. À l'automne de la même année, il partit pour Paris afin de compléter ses études médicales à Paris, où il fut élu membre de la Société obstétrique et gynécologique de Paris. Il profita de ce séjour pour visiter la France, l'Angleterre et la Suisse. Il expédia alors des lettres de voyages dans divers journaux du Québec. 
   Actif dans la vie littéraire, il collabora à divers journaux et périodiques, dont Le Monde illustré ; Le Glaneur Le Nord ; La Fortune (journal littéraire) ; Le Canada. En 1892, il publia Tendres choses, son unique recueil contenant des poésies composées pour la plupart durant ses années comme pensionnaire au Collège Bourget de Rigaud et ses études de médecine à Montréal, de même que durant son séjour européen.
   Il s'impliqua aussi dans divers mouvements politiques, sociaux et patriotiques. Il fut notamment membre de la Commission des pensions militaires et de la Commission du district fédéral. En 1892, il devint échevin de la ville d'Ottawa.
   Il débuta sa carrière médicale en 1891, comme gynécologiste à l'Hôpital général d'Ottawa, dont il présida le conseil médical et fut le chirurgien-chef. De 1932 à 1949, il devint le premier directeur médical de l'Hôpital Saint-Vincent d'Ottawa pour incurables.
   Rodolphe Chevrier est mort à Ottawa le 11 février 1949. Il avait épousé Joséphine Bell le 11 octobre 1892, à la paroisse Notre-Dame de Montréal
(Sources : Jules Fournier, Anthologie des poètes canadiens, Montréal, 1920, p. 132 ; John Hare, Anthologie de la poésie québécoise du XIXe siècle (1790-1890), Montréal, éditions Hurtubise HMH, 1979, p. 399 ; journal Le Monde illustré, 7 mai 1892, p. 3 ; Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, tome 1, Montréal, éditions Fides, 1981, p. 695).

De Rodolphe Chevrier, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : - Rêverie. 


Le poème Vous souvient-il ?, ci-haut est tiré du
recueil Tendres choses, de Rodolphe Chevrier.
On peut ICI le télécharger gratuitement.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

En 1893, dans son recueil Mélodies poétiques, Albert Ferland, qui fut actif dans
la vie littéraire et artistique du Québec d'alors, publia ce poème en hommage au
recueil Tendres choses, de Rodolphe Chevrier.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Dans le numéro du 10 juillet 1892 de la  revue littéraire Le Glaneur, publiée à Lévis
 par Pierre-Georges Roy, l'écrivain et membre de l'École littéraire de Montréal,
Germain Beaulieu a publié ce portrait de Rodolphe Chevrier, à l'occasion de
la sortie de son recueil de poésies Tendres choses.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Dans le journal Le Monde illustré du 7 mai 1892, le journaliste et poète
Amédée Denault, sous son nom de plume de Jules Saint-Elme, publia
cet hommage à Rodolphe Chevrier et à son recueil Tendres choses.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Annonce de la parution de Tendres choses
 dans le journal littéraire La Fortune, le
17 septembre 1892.

(Source : BANQ)

Acte de naissance de Rodolphe Chevrier, paroisse Notre-Dame d'Ottawa, 7 août 1868.
Il est né deux jours plus tôt. Le Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec le fait
erronément naître le 5 avril.

(Source : Ancestry.ca ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Article paru le 14 février 1949 dans Le Devoir, à l'occasion du décès de Rodolphe Chevrier.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

La Presse, 12 février 1949.

(Source : BANQ ; cliquer sur
l'image pour l'agrandir)

Le Soleil, 12 février 1949.

(Source : BANQ
)

Monument funéraire de Rodolphe Chevrier
au cimetière Notre-Dame d'Ottawa.

(Source : Canadian headstones ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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