dimanche 12 mai 2019

Bouquet poétique de fête des mères et grand-mères

Oeuvre d'Hélène Paradis, artiste-peintre de Mauricie



Sept poésies oubliées de chez nous pour souligner 
la Fête des mères et des grand-mères :




LA JEUNE MÈRE

   Lorsque je vois courir sur ta bouche vermeille
         Comme un secret bonheur qui luit,
   Je devine, en pensant au bébé qui sommeille
         Que tu souris pour lui !

   Quand j'écoute ta voix chanter une romance,
         Oublieuse du temps qui fuit,
   Je sais, rien qu'en voyant le berceau qui balance,
         Que tu chantes pour lui ! 

   Quand je te vois agir et t'occuper sans cesse,
         Tout le jour et souvent la nuit,
   Non je n'ignore pas, connaissant ta tendresse,
         Que tu peines pour lui ! 

   Quand je te vois pensive et sur le ber courbée,
         Longtemps sans haleine et sans bruit,
   Je comprends, en voyant une larme tombée,
         Que tu souffres pour lui !

   Quand je vois chaque jour tant d'amour qui t'embrase
         Et qui s'épanche sur son fruit,
   Et t'admirant je dis, sans feinte et sans emphase : 
         Tu vis et meurs pour lui ! 

                                Jean-Louis Guay (1931)


Tiré de : Jean-Louis Guay, Moisson de vie, Québec, 1931, p. 24-25.  

De Jean-Louis Guay (1903-1932), les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : 

 Il neige
 Les flots

Moisson de vie, recueil de Jean-Louis Guay
d'où est tiré le poème La jeune mère, ci-haut.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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MA MÈRE

   Vous, vénérable mère, à qui je dois ma vie,
   Vous, dont les tendres soins furent pour moi si doux,
   Comment pourrais-je un jour les énumérer tous,
   Vos immenses bienfaits ? Dites, mère chérie ?

   Vos veilles, vos chagrins, vos nombreux sacrifices ;
   Vos peines, vos douleurs et vos afflictions, 
   Vos souffrances, vos pleurs et vos privations ; 
   De votre amour pour moi quels visibles indices !

   Lorsqu'encore au berceau, j'ignorais tout du monde
   Et ne distinguais pas les gens autour de moi ;
   Je sentais en mon coeur, je ne sais quel émoi
   Lorsque vous me pressiez sur vous une seconde.

   Oui ! Je vous distinguais, seule au milieu des autres,
   Quand vous veniez vers moi pour me prendre en vos bras ;
   Je me souviens toujours que je ne voulais pas
   Accepter de baisers si ce n'étaient les vôtres.

   En dépit de mon âge, oh ! déjà, douce mère,
   Mon coeur à votre égard battait d'un grand amour ;
   Il se sentait heureux le soir de chaque jour
   Lorsque vous m'endormiez en disant la prière.

   Jamais, oh ! non jamais... ô vous, mère que j'aime,
   Votre fils n'oubliera vos soins et vos bontés ;
   Et vos nombreux bienfaits en mon âme incrustés
   Me feront souvenir de votre amour extrême. 

                               Hercule Giroux Jr.(1922)


Tiré de : Hercule Giroux Jr., Soupirs et sourires, deuxième édition, Montréal, 1932, p. 117-118. 

* Hercule Giroux Jr. est un poète sur qui on sait peu de choses, sauf qu'il est né en 1901 ou 1902 d'Hercule Giroux, voyageur de commerce, et d'Alexina Portelance, qu'il a épousé Marguerite Turcotte et qu'il est décédé à Montréal le 19 janvier 1962. Il a publié en 1922 un seul recueil de poésies, Soupirs et sourires, qui fut réédité en 1932.

Soupirs et sourires (deuxième édition, 1932), recueil de poésies
d'Hercule Giroux Jr., d'où est tiré le poème Ma mère, ci-haut.
À droite, dédicace manuscrite d'Hercule Giroux
dans ce même recueil.

(Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) 

Mention du décès d'Alexina Portelance,
mère d'Hercule Giroux Jr., dans Le
Devoir 
du 29 juin 1931.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Notice nécrologique, La Presse, 22 janvier 1962.

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 ÉLÉGIES POUR MA MÈRE

                            I

   C'est toujours la même maison ;
   Sur la mer, ta fenêtre ouverte...
   Mon coeur, depuis une saison,
   Est vide et ta chambre déserte.

   Tombe de mousse recouverte, 
   Où tu dors avec ma raison,
   Les yeux clos sur quelque vision
   D'une céleste découverte.

   C'est là, brisé par la douleur,
   Que librement coulent mes pleurs,
   Sur la croix, à l'ombre des saules ;
   
   Et dans le silence angoissant,
   Je reviens, seul, et je ressens
   La vie écraser mes épaules !

                            II

   La route est pleine de lumière,
   Le soleil projette à foison
   Ses rayons d'or sur la clairière,
   Mais le deuil loge en ta maison. 

   Si j'entends l'oiseau sur la branche,
   C'est qu'il me dit ton chant joyeux ;
   Et quand je cueille la pervenche,
   C'est pour voir un peu de tes yeux. 

   Mon âme avec toi sur la route
   Cause tout bas. Et je t'écoute
   Parler d'un bonheur surhumain...
   
   L'ombre nous cerne, la nuit tombe,
   Pensif, je regagne ma tombe,
   Du ciel tu reprends le chemin. 

                  Charles-E. Harpe(1948)


Tiré de : Charles-E. Harpe, Les oiseaux dans la brume, Montmagny, Éditions Marquis, 1948, p. 143-146. 

De Charles-E. Harpe (1908-1952), les Poésies québécoises oubliées ont également présenté (cliquer sur les titres):

― Été du ciel de mon enfance


Les oiseaux dans la brume, recueil de Charles-E. Harpe
d'où est tiré Élégies pour ma mère, ci-haut.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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LA GRAND-MÈRE

   Le coeur d'une grand-mère est un livre d'images
   Plein de fresques d'argent et de tons nébuleux
   Où les beaux enfants blonds penchent leurs têtes sages
   Et contemplent, ravis, des tableaux fabuleux.

   C'est l'enfance, pieds nus, avec des roses blanches,

   La jeunesse aux aguets sous les pommiers en fleurs ;
   Puis ce sont les chagrins aigus qui, dans les branches,
   Jettent au fond du soir des cris d'oiseaux siffleurs.

   La grand-mère, ô mon Dieu, vous la créez si douce,

   Que son nom fait un bruit caressant et pareil
   Au murmure confus d'un ruisseau sur la mousse.
   On dirait qu'il s'y glisse un rayon de soleil. 

   La vie a bu le sang de son coeur. Elle est pâle

   Et touche de ses doigts ridés son front terni.
   Ses yeux ont la couleur laiteuse de l'opale,
   Son rire est triste et doux comme un songe fini.

   Grand-mères qui priez en inclinant la tête,

   Laissez-nous, grand-mamans, nous les enorgueillis
   Qui portons dans notre âme un souffle de tempête,
   Baiser vos cheveux blancs et vos rêves vieillis. 

                              Robert Choquette (1927)



Tiré de : Robert Choquette, À travers les vents, Montréal, Les éditions du Mercure, 1927, p. 54. 

De Robert Choquette (1905-1991), les Poésies québécoises oubliées ont également présenté (cliquer sur les titres): 

Ode à la liberté
Hymne à l'Été


À travers les vents, recueil de Robert Choquette
d'où est tiré le poème La grand-mère, ci-haut.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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LE CHANT DE MA MÈRE

   Ta douce voix, ma mère,
   M'est encore très chère ;
   Et j'entends tes chansons
   Égayant la maison ! 

   Près de la cheminée
   Ton chant nous ravissait ;
   L'âme toute imprégnée
   De bonheur et de paix. 

   Ta voix montait, altière,
   En des notes légères,
   Fascinant nos esprits,
   Dans le calme des nuits. 

   Ô doux chant qui me berce
   Encore avec ivresse, 
   Jamais ton souvenir
   Ne pourra se ternir !

         Marie Dénéchaud-LaRue(1935) 


Tiré de : Marie Dénéchaud-LaRue, La voix du coeur, Québec, 1935, p. 68-19.

* On sait bien peu de choses sur Marie Dénéchaud-LaRue, outre qu'elle est née en 1861 ou 1862  dans la lignée des descendants de Claude Dénéchau, seigneur et député avant le régime de l'Union, qu'elle a vécu à Québec, qu'elle avait épousé Alfred P. Larue, qu'elle a publié en 1935 un unique recueil de poésies, La voix du coeur, et qu'elle est décédée à Québec le 1er mai 1943.
(Sources : Dictionnaire Guérin des poètes d'ici de 1606 à nos jours, Montréal, éditions Guérin, 2005, p. 386 ; Le Soleil, 4 mai 1943).


La voix du coeur, unique recueil de Marie
Dénéchaud-LaRue et d'où est tiré le poème
Le chant de ma mère, ci-haut.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Notice nécrologique parue dans Le Soleil du 4 mai 1943.


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LE POÈTE À SA MÈRE


   C'était au temps jadis,  ― t'en souviens-tu maman ?
   Où les cheveux épars, je folâtrais gaiement 
   Sous ces grands ormes verts dont les panaches sombres
   Épandaient sur l'enclos la fraîcheur de leurs ombres. 
   Mon jeune âge sonnait doux, ouaté de miel :
   Je n'avais pas encor de nuage en mon ciel...

   Un jour que je courais, le feu sur le visage,
   Au vol d'un papillon, mesurant mon courage,
   Je sentis sur mon front comme un souffle glacial
   Qui m'effleura soudain et m'infligea ce mal,
   Ce mal qui te causa de mortelles alarmes,
   Ô mère, et pour lequel je versai tant de larmes.

   Ainsi le frêle lis se courbe en le vallon
   Lorsque passe sur lui le terrible aquilon,
   Ainsi la rose perd l'éclat de ses pétales
   Lorsque soufflent du nord des haleines fatales.

   Je me revois languir dans mon petit lit blanc,
   Comme ce lis courbé sous le souffle du vent,
   Et pareil à l'oiseau, prisonnier de sa cage,
   Je regardais au ciel la grive et le nuage
   Qui sillonnaient l'azur et parcouraient les cieux,
   Et te disais alors : « Je veux voler comme eux ».

   À ces mots tu pleurais, tu pleurais de tristesse, 
   Je ne comprenais point ton immense tendresse,
   Et répétais sans cesse en relevant les yeux :
   « Comme eux je veux voler, je veux aller aux cieux ! » 
[...] 

   Lorsqu'en ce triste lit me clouait la douleur,
   Et qu'à mon oeil mourant se suspendait un pleur,
   J'allais mourir, hélas ! et descendre dans la tombe,
   Mon âme déployait ses ailes de colombe,
   Je répétais ces mots qu'on eût dit des adieux :
   « Comme eux je veux voler, je veux aller aux cieux ! »

   Mais redoublant pour moi de soins et de caresses,
   Tu ne me comptas plus tes multiples tendresses,
   Et le jour et la nuit, tu fus à mon chevet,
   Parcourant tous les grains de ton vieux chapelet. [...] 

   Et combien je chéris ce souvenir lointain
   Qui bat avec mon coeur d'un battement sans fin
   Et qui chante tout bas ces héros de la vie : 
   Les mères guérissant l'enfant à l'agonie... [...] 

                                   Willie Proulx (1927)


Tiré de : Willie Proulx, Mélodies poétiques, Montréal, Éditions Édouard Garand, 1927, p. 39-44. 

De Willie Proulx (1907-1958), les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Nocturne fantaisiste (cliquer sur le titre).


Mélodies poétiques, recueil de Willie Proulx, d'où
est tiré le poème Le poète à sa mère, ci-haut.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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LES GRAND-MÈRES

   Qu'il est beau de les voir, avec leurs cheveux blancs,
   Les grands-mères, alors qu'aux heures indécises
   Elles s'en vont dire un chapelet aux églises ;
   Les jours ne semblent pas leur paraître accablants !

   Leurs coeurs, jeunes encor, ont des secrets troublants,
   Qu'elles gardent pour ceux qui les auront comprises.
   Les voyez-vous, parfois, en faisant « des reprises »,
   S'arrêter tout-à-coup, joindre leurs doigts tremblants ?

   Puis, après un baiser à leur petite-fille,
   Dire doucettement : « Enfile mon aiguille »...
   Elles rêvent alors aux chemins parcourus ;

   Car leur vie est féconde en tristesses amères,
   Que d'enfants oublieux elles ont secourus...
   Ah ! ne faites jamais de chagrin aux grand-mères !

                               Alfred Descarries (1917)


Tiré de : Revue Le Pays Laurentien, octobre 1917.

D'Alfred Descarries (1885-1958), les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Idéal (cliquer sur le titre).


Le poème Les grand-mères, ci-haut, d'Alfred Descarries, est tiré
du numéro d'octobre 1917 de la revue Le Pays Laurentien.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

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Parlant de nos poètes d'antan et oubliés, l'écrivaine Reine Malouin
(1898-1976), qui a longtemps animé la vie poétique au Québec, a 
affirmé que sans eux, « peut-être n'aurions-nous jamais très bien 
compris la valeur morale, l'angoisse, les aspirations patriotiques, 
la forte humanité de nos ancêtres, avec tout ce qu'ils ont vécu, 
souffert et pleuré ». 

Les voix de nos poètes oubliés nous sont désormais rendues. 
Le concepteur de ce carnet-web a publié l'ouvrage en deux 
tomes intitulé Nos poésies oubliées, qui présente 200 de
de nos poètes oubliés, avec pour chacun un poème, une
notice biographique et une photo ou portrait. Chaque  
tome est l'objet d'une édition unique et au tirage limité. 
Pour connaître les modalités de commande de cet 
ouvrage qui constitue une véritable pièce de collection
cliquez sur cette image : 

1 commentaire:

  1. Merci pour ce beau bouquet de fleurs poétiques qui chantent les louanges de ce que tous nous avons en commun, une mère qui j'espère était d'amour pour vous.

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