vendredi 15 novembre 2019

Guirlande aux éprouvés

Charles-E. Harpe (1908-1952)

(Source : Gaston Deschênes)




                       « ... j'ai senti l'ivresse d'être ailé,
                   De monter, dans une vertigineuse joie,
                   Vers l'azur... » (Henri de Régnier)
                                                               

                  À Pierre Emmanuel


   Que m'importe le sort d'une douleur amère !
   Il en est des oiseaux, meurtris, ensanglantés,
   Qui ne peuvent donner l'essor à leur chimère
   Et qui chantent quand même en des cieux dévastés.

   Poètes transparents des songes de Verlaine,
   Cet éternel enfant aux yeux d'immensité,
   Vous qui reçûtes le baiser de Violaine,
   Et qui cherchez l'accueil d'un chaleureux été
   Pour oublier l'enfer des célestes batailles
   Où s'est éteint le vol de Saint-Exupéry,
   Où le vent d'Aragon soufflait sur la mitraille
   Mieux qu'un pâle Narcisse au cœur de Valéry.
   Je pense à vos saisons d'effroyables misères
   En regardant filer notre printemps si doux,
   Et je voudrais graver du feu de mes prières
                          Le nom de Giraudoux !

   Comme les albatros dont parle Baudelaire,
   Le Jardinier du Mal, on vous a capturés,
   Vous imposant le glaive ainsi qu'un scapulaire !
   Et vous, les agneaux blancs ! Et vous les écœurés !
   Qui cherchez dans la paix d'un nouveau sanctuaire
   La flamme d'un Péguy, éternellement beau, 
   Pour reprendre votre âme et son itinéraire 
   Et les précocités tragiques d'un Rimbaud
   Je pense au cauchemar des haines ancestrales
   En voyant revenir nos fils, les paysans,
   Laissant dans les saints murs des vieilles cathédrales
   Notre âme, en redevance, après quatre cents ans ! 

   Vous les hugoliens des odes byzantines,
   Et vous les de Musset, blonds pages alarmés,
   Vous qui pleurez d'amour en phrases Lamartine,
   Et vous, paons de cristal au chœur de Mallarmé...

   Vous tous, les affamés d'une pure mystique, 
   Les célébrés, les inconnus, les audacieux,
   Souvenez-vous qu'il est, par-delà l'Atlantique,
   Des cœurs pour vous aimer et, pour chanter, des cieux !

                                      ***

   Que m'importe le poids d'un rêve trop immense
   Et mes désirs croulés dans les couchants vermeils,
   Si j'entends ton ramage, Alouette de France,
   Et respire en tes fleurs l'éclat de tes soleils ! 

   Dites-moi la beauté des êtres et des choses...
   Grisez-moi des printemps fabuleux d'autrefois...
   Ma chair palpite encore à l'ivresse des roses
   Et je ressens leur dard me déchirer les doigts.

   Qu'importe ! si je chante, en ma foi, la Souffrance,
               C'est qu'elle est sœur de la Beauté,
   Comme la Croix est le tremplin de l'Espérance
               Au gouffre de l'Éternité ! 
   Et quand le tendre soir sur nous hisse ses voiles,
               Berçant d'une brise vos nids,
               Je sens grandir un infini
   Bonheur de partager le songe des étoiles ! 

                        Charles-E. Harpe* (26 octobre 1946)




Tiré de : Charles-E. Harpe, Le jongleur aux étoiles, Montmagny, Éditions Marquis, 1947, p. 183-185.

De Charles-E. Harpe, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Le plus bel hymne à l'orgue des vivants ;  Voix de la solitude ; Été du ciel de mon enfance ; Clair de lune ; Chanson d'automne ; Printemps.


Pour en savoir plus sur Charles-E. Harpe, 
cliquer sur cette image : 


Le poème Guirlande aux éprouvés, ci-haut, est tiré du
recueil de Charles-E. Harpe, Le jongleur aux étoiles.

Article de la poétesse et écrivaine Jeanne Grisé-Allard sur Le jongleur aux étoiles, de Charles E. Harpe, dans l'édition du 26 février 1948 du journal Le Canada-Français, de Saint-Jean-sur-Richelieu.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Cette brève présentation du recueil Le jongleur aux étoiles 
est parue le 17 novembre 1947 dans le journal Le Canada.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Brève présentation de Charles-E. Harpe
dans Le Devoir du 9 avril 1949.

(Source : BANQ ; cliquer
sur l'image pour l'agrandir)

Dans La Gazette des campagnes, de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, cet hommage
 a été publié le 30 juin 1955, soit trois ans après la mort de Charles-E. Harpe,
par Jean-C. Plourde, de l'Union des jeunes écrivains.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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