mercredi 27 novembre 2019

Cantique en mémoire des déportés acadiens

Dispersion des Acadiens 1755, tableau d'Henri Breau (1900)

(Source : Les capsules acadiennes)




   Cantique extrait du poème La ruine de Grand-Pré.


   Champ béni des aïeux, ô rivage des Mines,
         Salut ! toi qui dans mes pensers 
   Apparais nuit et jour ! Sous tes saintes ruines
         Tressaille à mes pieux baisers !

   Je te foule, ô Grand-Pré ! Mais ta froide poussière
         N'a pas les os de mes aïeux. 
   Ils moururent hélas ! sur la rive étrangère,
         Captifs, errant sous d'autres cieux.

   La triste épouse en vain chercha dans sa misère
         Le toit d'un misérable abri.
   En vain l'enfant, pressé sur le sein de sa mère,
         Jeta, mourant, son faible cri !

   Aux sanglots de l'épouse, aux cris de l'innocence, 
         La foule jeta le dédain. 
   Et la mère et l'enfant, épuisés de souffrance,
         Tombèrent au bord du chemin.

   Le vainqueur s'est donné les champs de ma patrie ;
         L'ennemi dort à nos foyers. 
   Ô terre des aïeux ! la vierge d'Acadie
         Ne foulera plus tes sentiers. 

   Sur tes rives passant, au jour de sa colère, 
         Le Seigneur a chassé tes fils.
   Sur les plages de l'exil, il jeta leur poussière
         Devant leurs heureux ennemis. 

   Vois de ton peuple, ô Dieu ! la profonde détresse ; 
         Entends le cri de son malheur ;
   Qu'enfin de nos soupirs l'ineffable tristesse
         D'un père désarme le cœur. 

   Toi qui donnes la mort et ramènes à la vie,
         Rappelle-nous de nos tombeaux.
   Ouvre-nous des aïeux cette terre bénie
         Où tu fécondas leurs travaux. 

   Aux yeux de l'ennemi répare nos ruines,
         Couronne nos jours de bonheur.
   Et que nos fils, croissant au pied de ces collines,
         Égalent les fils du vainqueur. 

   Ô Dieu ! du barde entends les dernières prières : 
         D'un peuple entier sèche les pleurs !
   Par la croix de ton Fils et les maux de mes frères,
         Enfin tu nous dois tes faveurs. 

                                   Onésime Fortier* (1875)



Extraits tirés de : Onésime Fortier, Christophe Colomb (pièce couronnée au concours d'éloquence de l'Institut canadien de Québec en 1876) ; La ruine de Grand-Pré (pièce couronnée à l'Université Laval en 1875), Québec, Imprimerie A. Côté et Cie, 1876, p. 40-41.


Pour un exemplaire téléchargeable gratuitement du poème
La ruine de Grand-Pré, d'où est tiré le cantique ci-haut, 
cliquer sur cette image : 



*  Onésime Laurent Fortier est né le 30 octobre 1851 à Saint-Jean-de-l'île-d'Orléans, de Jean-Baptiste Fortier, cultivateur, et de Marie-Victoire Laîné dit Laliberté. Il fit ses études classiques au Petit séminaire de Québec (aujourd'hui Collège François de Laval), où son goût prononcé pour la littérature lui valut de nombreux succès et mentions.
    Au sortir du Petit séminaire, il participa d'abord à la rédaction d'un journal de Québec, puis il devint instituteur, de 1872 à 1876, à l'Académie de Saint-Louis, au Nouveau-Brunswick. Il continua alors, durant ses temps de loisir, ses études de littérature et d'histoire, en plus d'avoir été rédacteur en chef du journal Le Moniteur Acadien
   En 1876, à l'occasion d'un concours d'éloquence tenu sous les auspices de l'Institut canadien de Québec, il composa sur le sujet imposé, Christophe Colomb, un éloge historique qui lui mérita une médaille d'or. L'année précédente, son poème Les ruines de Grand-Pré fut couronné par l'Université Laval dans le cadre de son concours de poésie. 
   Le 14 octobre 1876, il quitta Québec pour se rendre à Abbeville (France), où il entra au noviciat des Dominicains. Le 4 novembre 1877, il prononça à Amiens ses premiers vœux puis débuta peu après des études de philosophie et de théologie au couvent de Flavigny-sur-Ozerain. Il fit sa profession perpétuelle le 4 novembre 1880. Le lendemain, il fut chassé avec ses confrères dominicains du couvent de Flavigny, en conséquence des décrets du gouvernement de Jules Ferry. Il s'établit avec ses confrères à Volders, dans le Tyrol autrichien, où il poursuivit ses études. 
    Il fut ordonné prêtre le 2 octobre 1881, dans la chapelle privée du prince-évêque de Brixen
   En mars 1882, les premiers signes d'une phtisie se firent sentir. Ses médecins lui ordonnèrent d'interrompre ses études et de résider au couvent de sa congrégation à Paris. Mais les médecins de la capitale française jugèrent son état grave et prescrivirent son retour au Québec. 
   Il s'établit alors au couvent des Dominicains de Saint-Hyacinthe. Malgré sa maladie, il se maintint actif. Il dessina les plans d'un nouveau couvent des Dominicains, dont il surveilla activement les débuts de la construction (qui fut achevée en 1892). Il rédigea la biographie d'un confrère dominicain, La vie du R. P. Routier. Il composa un index général des registres de la paroisse Notre-Dame-du-Rosaire de Saint-Hyacinthe. de 1885 à 1888, il fut également le premier maître des novices pour la province canadienne de sa congrégation et son premier sous-prieur.
   En septembre 1887, il dut séjourner un mois à l'Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe, où il put reprendre des forces. Mais à partir de mars 1888, sa santé se détériora rapidement. 
   Onésime Fortier est mort à Saint-Hyacinthe le 20 août 1888. Une foule nombreuse assista à ses funérailles, dont Pierre J.-O. Chauveau, premier ministre du Québec de 1867 à 1873, avec qui il entretenait des liens amicaux. Il repose au cimetière des Dominicains dans cette même ville. 
(Sources : revue Le Rosaire, octobre 1898 ; Antonin-M. Plourde, o.p., Qui sont-ils et d'où viennent-ils ? Nécrologe dominicain 1882-1964, Montréal, Les éditions du Lévrier, 1964, p. 18-19 ; J.-B.-A. Allaire, Dictionnaire biographique du clergé canadien-français. Les anciens, Montréal, Imprimerie de l'École catholique des sourds-muets, 1910, p. 213-214 ;  Ancestry.ca).


Onésime Fortier (1851-1888)
Photo prise en 1870, alors qu'il avait 19 ans.

(Source : Fonds d'archives du Séminaire de Québec)

Onésime Fortier, prêtre dans la 
congrégation des Dominicains.

(Source : Le Rosaire, octobre 1898)


Pour lire l'article biographique de la revue Le Rosaire 
sur Onésime Fortier, cliquer sur l'image suivante :


Le cantique ci-haut est tiré du poème La ruine
de Grand-Pré
, publié en 1875 dans cette
brochure, que l'on peut télécharger ICI.

L'exemplaire ci-dessus est dédicacé par
H. J. J. Chouinard à l'abbé H. R. Casgrain.

(Collection Daniel Laprès ; Cliquer
 sur l'image pour l'agrandir)

Entrefilet paru dans Le Courrier du Canada du
3 décembre 1875 au sujet du poème La ruine de
Grand-Pré
, d'où est tiré le cantique ci-haut.

(Source : BANQ

Entrefilet paru dans Le Franc-Parleur du 17
octobre 1876 au sujet de l'obtention par
Onésime Fortier du premier prix du
concours d'éloquence tenu par l'Institut
canadien de Québec.

(Source : BANQ)

Le 14 octobre 1876, le journal Le Canadien publiait ce compte-rendu de la soirée
au cours de laquelle l'Institut canadien de Québec décerna à Onésime Fortier la
médaille d'or de son premier concours d'éloquence.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Article paru dans le journal La Justice du 23 août 1888 à l'occasion de la mort d'Onésime Fortier.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le couvent des Dominicains de Saint-Hyacinthe, dont 
Onésime Fortier a dessiné les plans et a surveillé les 
débuts de la construction mais dont il ne vit pas 
l'achèvement, qui eut lieu quatre ans après sa mort.
C'est Napoléon Bourassa qui compléta l'oeuvre en 
en concevant la façade.

(Source : Université de Montréal ;

cliqur sur l'image pour l'agrandir)

Lecture de l'ordre de déportation des Acadiens par l'armée anglaise
dans l'église de Grand-Pré. Tableau de Charles William Jefferys.

(Source : Wikipedia)

Déportation des Acadiens à Grand-Pré : L'attente avant l'embarquement.
Tableau de Claude Picard.

(Source : Joachim Leblanc)

La déportation. Tableau de Lewis Parker.

(Source : Joachim Leblanc)


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