Vue d'une portion du fleuve Saint-Laurent nommée « Richelieu » (ne pas confondre avec la rivière du même nom), située entre Deschambault et Lotbinière dont on aperçoit ci-haut l'église. « Le courant y est très rapide et le chenal resserré entre des bancs de roches ». (Photo prise à Deschambault par Daniel Laprès, 5 juin 2021 ; cliquer sur l'image pour l'élargir) |
Présentation par le poète :
« Le Richelieu, ici, n'est pas la rivière Richelieu, mais un endroit du fleuve
qui se trouve en haut du Platon. Le courant y est très rapide et le chenal
resserré entre des bancs de roches.
Ce n'est pas aujourd'hui que je descendais ainsi le Richelieu à bord d'un de ces
bateaux légers qui courent sur les côtes du grand fleuve, butinant comme des
abeilles ; mais qu'importe un jour ou un an dans le passé ? Jamais je n'oublierai
les émotions que je ressentis en voyant prier ces pieux matelots pendant que
le bateau glissait comme une flèche le long des rochers sonores où les vagues se
tordaient comme des serpents. Je demandai si c'était la coutume parmi les
marins de réciter les litanies de la Sainte Vierge en passant le Richelieu. Le
mousse, qui était en même temps le second, me répondit : "C'est une coutume
assez fidèlement observée même par ceux qui ne prient point en d'autres
temps, car voyez vous, le danger rend dévot ; cependant, ajouta-t-il en riant
d'un rire narquois, on ne prie ainsi que lorsque le bateau est bien chargé". »
Vois-tu, près de la ville,
Dans cette anse tranquille,
Ce superbe bateau
Avec sa longue chaîne
Et son beau mât de chêne
Plus haut que le coteau ?
Sur la vergue sa voile,
De sa plus blanche toile,
Est roulée avec soin,
Et la brise déploie
Son pavillon de soie
Qu'on reconnaît de loin.
Ce matin à l'aurore
Il sillonnait encore,
Incliné sur le flanc,
La petite rivière
Où ma vieille chaumière
Mire son toit tout blanc.
Mais le vent favorable
Fit courir sur le sable
Un sillon murmurant ;
Le bateau, voile ouverte,
Entra dans l'urne verte
Du vaste Saint-Laurent.
Sur le gaillard d'arrière,
Assis avec mon frère
Vieux marin de vingt ans,
Les yeux vers le rivage,
J'écoutais le ramage
Du vent dans les haubans.
Oh ! que j'aimais la brise
Et l'onde verte ou grise
Modulant des accords !
Voix tendres, angéliques,
Hymnes et saints cantiques
Que répétaient les bords.
Ces brises qui frémissent,
Ces vagues qui gémissent
Et s'en vont tour à tour,
C'est l'homme qui soupire,
Qui chante, pleure, expire
Et passe sans retour ?
Près d'un roc qu'il évite
Le bateau glisse vite
Et vogue en plein milieu :
« À genoux ! » dit mon frère,
« À genoux ! téméraire :
« Voici le Richelieu ! »
Et le fleuve, en écume
Comme un volcan qui fume,
Bouillonnait sur l'écueil.
Un bruit sourd et sublime
S'élevait de l'abîme
Comme d'un noir cercueil.
Et, pour prier la Vierge,
Sur le pont de la berge
Nous étions à genoux.
Chaque parole sainte
Semblait chasser la crainte
Et l'écueil loin de nous.
Mon âme était émue
Comme un flot où remue
Quelque rayon des cieux ;
Ma voix était tremblante,
Une larme brûlante
S'échappait de mes yeux.
Touchant et saint usage
D'un peuple heureux et sage,
Sois cher aux matelots,
Tant que l'écueil perfide
Du Saint-Laurent limpide
Tourmentera tes flots !
Pamphile LeMay (1865)
Tiré de : Pamphile LeMay, Essais poétiques, Québec, G. E. Desbarats Imprimeur-Éditeur, 1865, p. 201-204.
De Pamphile Lemay, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : La vie ; Lusignan ; Ultima verba ; Le Sanctus à la maison ; Le poète pauvre ; Épitre à mon ami Sulte ; La Nouvelle Année.
Voyez également : À la mémoire de Pamphile LeMay.
Pour en savoir plus sur Pamphile Lemay,
cliquer sur cette illustration :
Le poème La descente du Richelieu, ci-haut, est tiré de Essais poétiques, recueil de Pamphile LeMay. (Cliquer sur l'image pour l'élargir) |
Photo peu courante de Pamphile LeMay. Le cliché a été pris vers 1870. (Source : Musée national des beaux-arts du Québec) |
Pamphile LeMay est le premier traducteur d'Évangéline, le long poème épique d'Henry W. Longfellow qui évoque la Déportation des Acadiens. Cet exemplaire de la troisième édition de la traduction par LeMay est dédicacée de la main de celui-ci au poète-médecin d'Yamachiche, Nérée Beauchemin. (Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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Je suis fière d'être une de ses descendantes. C'est en faisant mon tout premier arbre généalogique en me référant à ma grand-maman Lemay que je le découvris.
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