jeudi 20 mai 2021

La vie

Pamphile Le May (1837-1918)

(Source : BANQ)




   Et je disais : Pourquoi la vie,
   Ce grand banquet où l'on convie
   Tant de pauvres cœurs soucieux ?
   Les longs sanglots de la misère
   Qui s'élèvent de cette terre
   Deviennent-ils des chants dans les cieux ?

   Pour celui, mon Dieu, qui t'oublie,
   C'est un bien peu digne d'envie
   Que ce mystère si profond.
   La vie est comme une colline
   Dont la pente abrupte s'incline
   Vers un précipice sans fond.

   Sur le sommet tout est verdure,
   Tout est mélodie et murmure,
   Tout est parfum et volupté !
   On y voit folâtrer l'enfance,
   Et son œil plein de confiance
   Va se perdre dans l'immensité !  

   Mais à mesure que l'on glisse
   Vers l'insondable précipice,
   Le brillant tableau s'obscurcit : 
   La fleur s'éteint parmi la mousse,
   Le sol est froid, l'herbe est moins douce,
   Et l'horizon se rétrécit !

   Et, sur cette rapide pente,
   Pour cueillir une fleur brillante,
   On voudrait s'arrêter parfois ;
   Mais une étrange voix nous crie : 
   « Marche ! Marche ! » et la fleur chérie
   Échappe à nos débiles doigts !

   Et nous marchons avec vitesse,
   Poussant de l'épaule, sans cesse,
   Ceux qui cheminent devant nous.
   Et l'enfance à son tour nous presse ;
   Elle nous crie en son ivresse : 
   « Vous êtes vieux, retirez-vous ! »

   Oh ! du moins laissez-nous encore
   Nous retourner vers notre aurore
   Et contempler les jours passés !
   Mais le passé n'a point de charmes !
   Les sillons creusés par nos larmes
   Ne sont pas encore effacés !

   Le passé, c'est un cimetière
   Où reposent, dans la poussière,
   Nos vœux, nos projets les plus beaux ! 
   Où nos plus chères espérances,
   Où nos plaisirs et nos souffrances
   Ont trouvé de muets tombeaux ! 

   Pourtant, de distance en distance,
   Dans ce vaste champ du silence,
   On voit surgir de douces fleurs : 
   Ce sont les souvenirs suaves
   De ces temps où nulles entraves
   Ne captivaient nos jeunes cœurs ! 

                      Pamphile LeMay (1879)



Tiré de : Pamphile LeMay, Une gerbe, Québec, Typographie de C. Darveau, 1879, p. 45-47.

De Pamphile LeMay, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté (cliquer sur les titres) : Lusignan ; Le Sanctus à la maison ; Épitre à mon ami Sulte ; Le poète pauvre ; Ultima Verba ; La Nouvelle Année


Pour en savoir plus sur Pamphile LeMay, 
cliquer sur cette illustration :


Une gerbe, recueil de Pamphile LeMay
d'où est tiré le poème La vie, ci-haut. 

(Cliquer sur l'image pour l'élargir)

Pamphile LeMay est le premier traducteur d'Évangéline, le long poème
épique d'Henry W. Longfellow qui évoque la Déportation des Acadiens.
 Cet exemplaire de la troisième édition de la traduction par LeMay est
dédicacée de la main de celui-ci au poète-médecin d'Yamachiche,
Nérée Beauchemin.

(Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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