mardi 25 mai 2021

Fin du jour

Adalbert Trudel (1911-1992), alors qu'il recevait, à 17 ans, 
le deuxième prix de la Société des poètes canadiens-français.

(Le Soleil, 9 avril 1929)




   Diminuant ses feux dont le jour luit encore,
   Et ne laissant errer dans ces lieux qu'il colore
   Qu'un fugitif rayon comme un adieu serein,
   Le soleil disparaît dans l'horizon lointain.

   Puis, comme un vol d'oiseaux dans le ciel qui sommeille, 
   De gros nuages d'or d'une marche pareille
   Envahissent l'éther. Ils vont comme un essaim.
   L'astre qui va dormir frappe encore leur sein
   Et semble dire aux cieux dans ses flots de lumière
   Qu'il finit à regret son immense carrière.

   Ils vont, les lents vaisseaux ; le chemin qu'ils se font
   Se ferme derrière eux sans laisser de sillon,
   Pendant que de l'azur jaillit un peu d'écume
   Sur leurs flancs d'or ainsi qu'une invisible brume.
   
   Puis, décrivant un orbe à coups silencieux, 
   Les légers voyageurs disparaissent des cieux
   Qu'ils ont fait onduler sur le dos de leurs crêtes ;
   Un seul s'avance encore au-dessus de nos têtes,
   Et dans le firmament la lumière s'endort
   Entre les monts bleuis et les nuages d'or.

   Et quand ce dernier voile, où la flamme d'opale
   Restait comme en suspens, est devenu plus pâle,
   Quand les restes du jour gardés dans son flanc nu
   Ont remonté le cours où l'astre est disparu,
   Il apparaît au loin une nouvelle aurore,
   Quelque chose de doux, plus imprécis encore
   Que l'aube où naît le jour. C'est la nuit qui descend.
   Puis l'aurore grandit, sa lumière s'étend.

   Dans le champ d'azur qu'elle couvre de voiles,
   La nuit, comme un berger, rassemble les étoiles ;
   Silencieusement on les voit s'allumer,
   S'appeler tour à tour, tour à tour s'enflammer,
   Et bientôt dans le ciel des millions de lampes
   S'entassent par degrés comme d'énormes rampes.

                                    Adalbert Trudel*(1929)



Tiré de : Adalbert Trudel, Première moisson, Québec, Les Éditions Le Soleil, 1929, p. 141-142.

*  Adalbert Trudel est né à Québec, dans la paroisse Saint-Sauveur, le 10 avril 1911, d'Adalbert Trudel, architecte, et de Maria Brousseau.
   Avant même la fin de ses études à Québec, il devint journaliste au quotidien Le Soleil. Encore adolescent, il publia des poèmes, souvent sous le pseudonyme « Jean de Volga », notamment dans la revue littéraire Le Terroir. Il s'établit ensuite à Montréal, où il fut pigiste pour plusieurs journaux et magazines, dont La PatrieLa Presse et surtout au Petit Journal (1933-35), où il utilisait parfois le pseudonyme « Albert Duc ».
  Durant la seconde guerre mondiale, il fut attaché au bureau des relations publiques de l'aluminerie Alcan. Il se remit ensuite à collaborer à divers journaux, dont le Chronicle Telegraph. Il travailla comme traducteur.
   Il est l'auteur de deux recueils de poésies, Première Moisson (1929), alors qu'il était âgé de 17 ans et qui lui valut d'être couronné par le concours annuel de la Société des Poètes Canadiens-Français, et Sous la Faucille (1931).
  Adalbert Trudel est mort à Québec le 25 août 1992. Il avait épousé Rolande Bourdeau à Montréal le 14 juin 1937.
(Sources : Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, vol. 2, Montréal, éditions Fides, 1987, p. 907; Dictionnaire des poètes d'ici de 1606 à nos jours, deuxième édition, Montréal, Guérin, 2005, p. 1290 ; Le Soleil, Québec, 9 avril 1929 et 26 août 1992).

D'Adalbert Trudel, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : La chanson du coureur de bois et Méditation.
 

Première moisson, recueil d'Adalbert Trudel 
d'où est tiré le poème Fin du jour, ci-haut.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Signature d'Adalbert Trudel dans un exemplaire
de son recueil Première moisson.

(Collection Daniel Laprès)

Le Soleil, 9 avril 1929.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'élargir)

Adalbert Trudel en 1957.

(Source : BANQ)

Adalbert Trudel en 1974.

(Source : BANQ)


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