dimanche 9 mai 2021

L'épidémie du vaccin à Québec

Gravure de John Henry Walker, 1885. 

(Source : Musée McCord)




                  (AUTOMNE 1901)


   Québec était dispos. Jamais les maladies
   N'avaient tant respecté les fragiles mortels !
   Roux et Pasteur dormaient au fond des pharmacies
   Comme d'heureux pochards aux buvettes d'hôtel...

   Les « pointes » de Gauvreau* ne seraient plus, il semble,
   Qu'inutiles objets dont la mode a passé,
   Qu'un collectionneur étiquète et rassemble,
   Et qu'on lorgne, distrait, lorsqu'on n'est pas pressé.

   Mais ce sommeil émut la gente médicale,
   Et doctes médecins, pimpants, cirés, gantés,
   Décrétèrent ―c'était mesure radicale― 
   Que tous les citadins étaient des picotés

   Or, de picote alors pas un grain dans la ville !
   « ―Ah bah ! nous l'y mettrons ! Jouons notre va-tout ! »
   Et les voilà, lancette en main, tous à la file,
   Dans l'hôpital, au club, sur les chemins, partout !

   « ―À l'œuvre ! Vaccinons au nom de l'hygiène ! »
   On fit beaucoup d'argent... et point de guérisons !
   Tout marchait à souhait depuis une semaine,
   Quand le ciel s'assombrit, soudain, à l'horizon...

   ―Les gens n'aiment pas ça, voyez-vous, qu'on les saigne
   Pour renfler son gousset ou se faire du nom...
   Au lieu d'infolios le bon sens les enseigne : 
   En vain Turcot** dit oui, quand le bon sens dit non !― 

   Or donc, si par Laurent on s'était laissé prendre,
   Par malheur le vaccin « prit » trop bien, paraît-il ;
   Les vaccinés, mourants, finirent par comprendre
   Qu'on les empoisonnait, de par décret civil !

   Le nuage où grondait une juste colère,
   Dans les esprits montés creva comme un abcès,
   Et les convalescents, furieux, réclamèrent
   Leur liberté de vivre... à grands coups de procès !

   Alors les vaccineux, guéris de leur marotte,
   Fermèrent, pris de peur, lancette et magasin...
   Ils avaient sur placards écrit le mot : Picotte,
   Un loustic ajouta : Résultat du vaccin ! 

                                   Arthur Lacasse (1901)



Tiré de : Arthur Lacasse, Heures solitaires, Québec, 1916, p. 150-152. 

* Il s'agit du Dr Gauvreau, directeur-propriétaire de l'Institut vaccinogène de Québec. Voir L'Électeur du 23 octobre 1894, p. 4, et Le Soleil du 8 novembre 1901, p. 1. 

** Il s'agit de l'échevin (conseiller municipal) Turcot, du siège no 1 de la Ville de Québec, qui chercha durant plusieurs années à imposer la vaccination obligatoire. Voir The Quebec Chronicle du 23 mars 1899, p. 1, et Le Courrier du Canada du 23 mars 1899, p. 3.

   Arthur Lacasse est né le 7 octobre 1869 à Saint-Anselme. Ordonné prêtre le 20 mai 1894 dans sa paroisse natale. Il a été, successivement, vicaire à Saint-Michel-de-Bellechasse, au Château-Richer, à Saint-Joseph-de-Beauce, à Saint-Augustin-de-Desmaures, puis curé de Honfleur, de Saint-Tite-des-Caps, de Saint-Apollinaire et de Saint-Henri-de-Lévis
 Féru de littérature et des arts, il a publié quatre recueils de poésies : Heures solitaires (1916), L'envol des heures (1919) et Les heures sereines (1927). Le défilé des heures, paru en 1938, contient plusieurs pièces parues dans les trois recueils précédents, de même que certains poèmes inédits.
   Arthur Lacasse est mort à Saint-Henri-de-Lévis le 15 juin 1956. 

D'Arthur Lacasse, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : À la mémoire de Pamphile Le May et Paysage nocturne.

Arthur Lacasse (1869-1956)

(Source : son recueil Le défilé des heures)

Heures solitaires, recueil d'Arthur Lacasse
d'où est tiré le poème L'épidémie du vaccin
à Québec
, ci-haut. Devenu très rare, on peut
trouver ICI trois exemplaires de ce recueil.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Dédicace d'Arthur Lacasse dans son recueil Le défilé des heures.

(Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)


L'abbé Arthur Lacasse ne faisait pas que des rimes 
badines ou de circonstance comme dans le poème
présenté ci-haut. Il produisit de nombreux poèmes
dont la profondeur et la beauté savaient émouvoir.
Quelques jours avant sa mort à Rome, le 9 juillet 
1930, Henri d'Arles (né Beaudet), prêtre, historien,
critique littéraire et premier critique d'art au Québec,
 écrivit une très belle lettre dans laquelle il fit part de 
sa haute estime pour la poésie d'Arthur Lacasse. 
Pour lire cette lettre, cliquer sur 
la photo d'Henri d'Arles : 


Arthur Lacasse, alors qu'il était élève
au Petit séminaire de Québec.

(Source : Musée de la civilisation du Québec ; 
fonds d'archives du Séminaire de Québec)

Arthur Lacasse le 6 juillet 1941.
Fragment d'une photo de groupe.

(Source : Musée de la civilisation du Québec ; 
fonds d'archives du Séminaire de Québec)


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