samedi 24 octobre 2020

Pages de vie ― L'épreuve

Casimir Hébert (1879-1951)

(Source : La Presse, 19 novembre 1951)




   De mon patron c'était la fête. Par les rues
   De Montréal j'errais en quête d'un emploi
   Et, après les avoir longtemps parcourues,
   Personne qui m'eût dit : « J'aurais besoin de toi ».
 
   Depuis un an bientôt, je m'éreinte à ces courses : 
   Tous les soirs, je reviens harassé, fatigué.
   J'ai depuis de longs mois épuisé mes ressources : 
   Quand les mioches ont faim, quel père serait gai !

   Je retournais le cœur gonflé prêt à se fendre,
   Et de mes yeux roulaient de gros pleurs mal cachés.
   Des passants, de pitié ne se pouvant défendre,
   Promenaient leurs regards sur ma peine attachés.
   C'est qu'ils avaient lu, là, dans mon œil, quelque chose : 
   L'existence de jours meilleurs qui ne sont plus. 

   Je revis mon enfance où je cueillais la rose
   Et décrochais les nids des sommets vermoulus.
   Je ne soupçonnais pas non plus la vie amère,
   En ces jours que jamais je ne puis oublier,
   Lorsqu'au retour joyeux de vacances, ma mère
   Posait une couronne à mon front d'écolier. 

   Je vis encore ces jours heureux du monastère,
   Où quatre ans m'ont paru quatre mois des plus courts ;
   L'étranger et l'ami me saluaient leur frère
   Et l'acte n'a jamais démenti leurs discours.

   Sans souci, comme sans la moindre inquiétude,
   Mes heures s'écoulaient doucement en ce lieu
   Et, tout en me livrant au plaisir de l'étude, 
   Je me disais : « Ici, c'est la maison de Dieu ». 

   Souvent, j'ai souhaité cette faveur insigne
   De vivre et de mourir en ce béni séjour ; 
   Mais (c'est votre secret, mon Dieu), j'étais indigne
   D'obtenir ce nouvel effet de votre amour. 

   Adieu, frères aimés, solitude chérie,
   Agapes où l'amour fraternel m'inspirait
   Des vers et des chansons. Adieu, villa fleurie
   Où dans tes pampres verts le pinson murmurait. 
   Adieu, cloître si doux dont j'ai connu les charmes : 
   Nouveau Vulcain, je suis tombé du paradis. 

   Et j'avançais toujours, laissant couler mes larmes
   Et se traîner mes pieds par la marche raidis. 

                        Casimir Hébert* (15 octobre 1915)



Tiré de : Revue Le Pays laurentien, janvier 1916, p. 8-9. Le poème y est paru sous la signature de « Pierre Héribert », nom de plume de Casimir Hébert. 

* Casimir Hébert est né à Saint-Michel-Archange le 12 janvier 1879, de Pierre Hébert, cultivateur, et d'Élisabeth Pion dit Lafontaine. Devenu très jeune orphelin de père, il fit ses études au Collège de Saint-Rémi-de-Napierville puis au Collège Sainte-Marie de Montréal. 
  D'abord commis à la librairie Cadieux & Derome, rue Notre-Dame, à Montréal. Pendant dix-sept ans, il dirigea une école privée, en plus d'avoir été enseignant au Catholic High School, à Montréal. Il devint ensuite professeur de latin au collège du Mont-Saint-Louis, puis fut titulaire durant vingt ans des cours d'ethnographie montréalaise à l'École de tourisme de l'Université de Montréal, tout en enseignant, pendant seize ans, aux cours publics du soir de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Il fut également professeur de français à l'Association des Credit's Men de Montréal.
   Helléniste et latiniste que d'aucuns qualifiaient de « remarquable », parlant couramment treize langues vivantes, et en connaissant une trentaine, il fonda la Société linguistique du Canada. Il fut créé chevalier du Bon parler français. En 1910, il devint membre de la Société historique de Montréal. 
   De 1916 à 1919, il fut consul honoraire du Pérou à Montréal. En 1938-39, il travailla comme publiciste au ministère de la Colonisation du Québec. 
   Fondateur du Magazine canadien en 1909, puis de la revue Le Pays laurentien en 1916, il collabora à plusieurs journaux et périodiques, dont entre autres Le Semeur, Le Nationaliste, La Revue nationale, Le Forestier catholique
   Il a produit une œuvre poétique volumineuse, mais dont la plus large partie est restée inédite, n'ayant publié que quelques poèmes dans les journaux sous son nom de plume de « Pierre Héribert » ou sous son nom véritable. Deux poèmes de lui sont inclus dans l'anthologie Quinze ans de poésie française à travers le monde, de J. L. L. d'Artrey, publiée en 1927 à Paris. En 1945, il publia La fête éternelle, un recueil de poésies spirituelles. Il a également publié des fables dans les principaux organes littéraires du Québec de l'époque.
  Il s'est également consacré à rassembler les poésies dispersées dans divers journaux et périodiques, de certains poètes alors disparus, dont Joseph Lenoir et Arthur de Bussières, dont il publia des anthologies. Il ne put toutefois mener à terme son projet de publier les poésies d'Ernest Martel. Dans son Anthologie des poètes canadiens, parue en 1920, Jules Fournier dit de Casimir Hébert : « Il a lui-même commis une œuvre poétique assez considérable, qui verra sans doute le jour quand il aura fini de travailler pour les autres ».
   Généalogiste passionné, il fut membre fondateur, puis durant plusieurs années le secrétaire, de la Société de généalogie canadienne-française. Bibliophile chevronné, il consacra les dernières années de sa vie à partager ses connaissances au bénéfice de nombreux chercheurs et lecteurs à la Bibliothèque Saint-Sulpice, rue Saint-Denis à Montréal. 
   Casimir Hébert est mort à Montréal le 17 novembre 1951. Il avait épousé Marie-Louise Favreau à Montréal, le 10 février 1904. 
(Sources : Préface à Charles Thibault : Discours choisis, Montréal, Éditions Édouard Garand, 1931, p. 6-13 ; Jules Fournier, Anthologie des poètes canadiens, Montréal, 1920, p. 224-225 ; J. L. L. d'Artrey, Quinze ans de poésie française à travers le monde, Paris, La France Universelle, 1927, p. 146-150 ; La Presse, 19 novembre 1951 ; Le Devoir, 19 novembre 1951). 

Généalogiste chevronné, Casimir Hébert a publié des ouvrages sur les familles suivantes (cliquer sur les noms pour consulter ces ouvrages) : 


Casimir Hébert, à gauche, le 6 mai 1943 à la Bibliothèque Saint-Sulpice, rue Saint-Denis
à Montréal, avec les écrivains Philippe La Ferrière et Gérard Malchelosse

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le poème L'épreuve, ci-haut, est paru dans
le premier numéro (janvier 1916) de la revue
 Le Pays laurentien, dont Casimir Hébert 
est le fondateur. 

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Casimir Hébert a très peu publié de ses propres poésies. Son seul 
recueil connu est La fête éternelle, paru en 1945. Deux de ses 
poèmes ont été choisis pour faire partie de l'anthologie Quinze
ans de poésie française à travers le monde
, parue à Paris en 1927.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

S'il n'a pas publié beaucoup de ses propres œuvres, Casimir Hébert s'est dédié à la 
publication d'œuvres poétiques et littéraires d'auteurs disparus qui, sans son concours,
auraient très probablement été oubliés à jamais. C'est ainsi qu'il a fait publier les œuvres
des poètes Joseph Lenoir et Arthur de Bussières, de même que les discours de Charles
Thibault
, qui était l'un des orateurs les plus remarquables de son temps.

On peut télécharger gratuitement ces trois ouvrages. Pour celui de Joseph Lenoir,
cliquer ICI, celui d'Arthur de Bussières ICI et celui de Charles Thibault ICI.

Durant les dernières années de sa vie, Casimir Hébert est devenu une figure familière
de la Bibliothèque Saint-Sulpice, rue Saint-Denis à Montréal, où les lecteurs et les 
chercheurs pouvaient bénéficier de ses vastes connaissances et de ses conseils. 

(Source : Wikipedia)

La Presse, 19 novembre 1951.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le Canada, 19 novembre 1951.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

La Presse, 21 novembre 1951.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le Devoir, 19 novembre 1951.

(Source : BANQ ; cliquer 
sur l'image pour l'agrandir)

La Presse, 11 décembre 1951.

(Source : BANQ)


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1 commentaire:

  1. Si le socio-financement avait existé à cette époque, j'aurais fait ce qu'il faut pour permettre à cet artiste de faire vivre dignement sa famille. Quelle honte que notre gouvernement n'ait pas eu de politique d'appui...
    Encore merci Daniel. Quand des gens se demandent ce qu'est notre culture, vous avez la réponse toute prête ! Et je puise dans vos présentations pour appuyer mes dires sur ce sujet de plus en plus chaud devant le rouleau-compresseur de la masse énorme anglaise.

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