mercredi 7 octobre 2020

Escarmouches poétiques sur la chaude saison

À gauche, Emmanuel Blain de Saint-Aubin (1833-1883)
et à droite, Ernest Marceau (1852-1919)

(Sources : E. Blain de Saint-Aubin : La Musique, Québec, juin 1891 ;
Ernest Marceau : La Patrie, 3 avril 1907)






                                L'ÉTÉ

   Pour ma part, j'ai toujours chaudement détesté
   Cette horrible saison qu'on appelle l'Été. 
   Depuis quelque mille ans, les peintres, les poètes
   Célèbrent de l'Été les splendeurs et les fêtes.

   Ici c'est un berger jouant du chalumeau
   Pour des moutons dormant au bord de l'eau ;
   Là-bas, des moissonneurs qui dansent une ronde ;
   Plus loin, des amoureux qui, dédaignant le monde,
   Vont, la main dans la main, s'éloignant des hameaux,
   Sous des bosquets lointains faire peur aux oiseaux.

   C'est encore... Ah ! ma foi, trêve de poésie !
   Pour la réalité quittons la fantaisie : 
   Le soleil est brûlant ; le pauvre citadin
   Vit, du matin au soir et du soir au matin,
   Haletant, souffreteux, ne sachant où se mettre ;
   Combien sont plus heureux les moutons, le berger ?
   L'air est toujours brûlant, il ne peut en changer : 
   Mon bon Monsieur Vennor*, baissez le thermomètre !

             Emmanuel Blain de Saint-Aubin (juillet 1881)



Tiré de : La Revue canadienne, août 1881, p. 608. 

* À l'époque de la publication de ce poème, M. Vennor était météorologiste attaché à la Commission géologique du Canada et publiait des bulletins de prédictions ou probabilités météorologiques dont, paraît-il, « l'exactitude ne se vérifiait pas toujours, bien qu'ils eussent une certaine valeur ». (Source : La Revue canadienne, octobre 1881). 



             RÉPONSE AUX QUELQUES RIMES 
                DE M. BLAIN DE SAINT-AUBIN

   Décidément l'on n'est pas tendre,
   Ici, pour nos pauvres saisons,
   Et moi qui voulais les défendre,
   Je ne sais trop comment m'y prendre
   Pour faire accepter mes raisons. 

   Monsieur Blain de Saint-Aubin déteste
   L'horrible chaleur de l'été,
   Les plaisirs de la vie agreste,
   Les moutons, l'amour et le reste ;
   Sa haine en vers il a chantée.

   Hélas ! Monsieur, qu'y puis-je faire ?
   Je vous dis mon sentiment
   Au grand risque de vous déplaire : 
   Entre tous les biens de la terre,
   L'été me plaît énormément. 

   Ce soleil qui vous horripile,
   Moi je l'adore, entendez-vous ?
   Car, s'il vous consume à la ville,
   C'est lui dont la chaleur utile
   Mûrit nos pommes et nos choux.

   Vous professez l'indifférence,
   Le mépris pour les amoureux ; 
   Mais vous en parleriez, je pense,
   Avec plus grande révérence
   Si vous aviez vingt ans comme eux. 

   Le chalumeau (vous pouvez rire),
   A parfois des accords bien doux ;
   Et contre les bergers, Messire,
   Vous dépensez en vain votre ire,
   Car ils chanteront malgré vous. 

   Allons ! Soyez franc et sincère,
   Et dites-nous, foi de rimeur,
   Que vos vers de saveur amère
   Furent le produit éphémère
   D'un moment de mauvaise humeur. 

                  Ernest Marceau (août 1881)



Tiré de : La Revue canadienne, octobre 1881, p. 499.

Pour en savoir plus sur Emmanuel Blain de Saint-Aubin, cliquer ICI

Pour en savoir plus sur Ernest Marceau, cliquer ICI


Les deux poèmes ci-haut ont été publiés dans
le volume 1881 de la Revue canadienne.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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