mardi 25 février 2020

Le violon

Ernest Martel (1882-1915)

(Source : Le Passe-Temps)




   Dans le calme du soir, pensif et solitaire, 
   J'errais dans un faubourg de la grande cité.
   La lune, répandant ses rayons sur la terre,
   Aux choses redonnait un reflet de bonté.

   L'humble bruit de mes pas troublait le grand mystère
   Qui domine une ville à l'heure du sommeil. 
   Du Beau, du Vrai, du Bon, esclave volontaire,
   Je promenais ma muse amoureuse, en éveil.

   Et je réfléchissais, dans ces routes obscures,
   À nos jours de bonheur, hélas ! sans lendemain.
   Un souvenir d'amour raviva les blessures
   Que fit dans ma pauvre âme un vil cœur inhumain.

   Soudain, des sons plaintifs troublèrent le silence, 
   Voix étrange et craintive au milieu de la nuit : 
   C'était un violon chantant une romance, 
   Léger soupir qui passe et qui s'évanouit. 

   ― Toi qui chantes ainsi ton mal inguérissable
   À la brise nocturne emportant ta douleur, 
   Sais-tu que là, dans l'ombre, une âme inconsolable
   Gémit avec ton âme et pleure avec ton cœur ?

   Ô toi ! qui pleures haut ta misère touchante,
   Ton ineffable amour avec ton violon,
   Sais-tu que tout mon être avec toi souffre et chante,
   Et que ma voix se mêle à ta triste chanson ?

   Sais-tu que, pour avoir écouté ta voix sombre, 
   En vain j'appellerai le sommeil qui s'enfuit ?
   Ombre qui jette ainsi sa folle plainte à l'ombre,
   Unissons-nous, tous deux, pour souffrir cette nuit !

                                             Ernest Martel* (1908)



Ce poème est paru pour la première fois dans La Presse le 23 janvier 1908, puis dans Le Passe-Temps du 22 juin 1912. 

*  Ernest Martel est né à Montréal le 18 juin 1882. Il n'a fréquenté que l'école primaire. Gagnant sa vie en tant qu'agent immobilier, c'est donc en autodidacte qu'il s'adonna tout au long de sa courte vie à la littérature et particulièrement à l'art poétique, et ce, non sans succès et avec un « talent sérieux », comme il fut dit de lui après sa mort.
    Il publia de nombreux poèmes et chansons dans divers journaux et périodiques dont, entre autres, La Presse, Le Canada, La Revue populaire, Le Canada français (Saint-Jean-sur Richelieu), L'Avenir du Nord (Saint-Jérôme) ; Le Passe-TempsMontréal musical
  Selon Casimir Hébert, il faisait partie de « la bohème littéraire de 1898 », avec Émile Nelligan, Arthur de Bussières, Charles Gill, Louis-Joseph Paradis et Gaston de Montigny
   Ernest Martel est mort de phtisie à Montréal le 28 janvier 1915. Il n'était âgé que de trente-deux ans. 
(Sources : Jules Fournier, Anthologie des poètes canadiens, Montréal, 1920, p. 253 ; introduction de Casimir Hébert dans Arthur Bussières, Les Bengalis, Montréal, éditions Édouard Garand, 1931, p. 8 ; La Presse, 28 janvier 1915 ; Le Passe-Temps, 13 février 1915 ; Bulletin des recherches historiques, janvier 1919).


Le 11 avril 1910, Ernest Martel a sauvé la vie d'une fillette lors
d'un incident impliquant un cheval ayant pris le mors aux dents,
à Montréal au coin des rues Papineau et Rachel. Cet article de
La Presse du lendemain relate l'exploit du poète.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Ernest Martel gagnait sa vie comme agent immobilier. On
retrouve dans les journaux de l'époque plusieurs annonces
comme celle-ci, parue dans Le Canada du 26 mai 1906.

(Source : BANQ)

Entrefilet paru dans La Presse du 28 janvier
1915, à l'occasion de la mort d'Ernest Martel.

(Source : BANQ : cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le journal artistique Le Passe-Temps a déploré
la mort de son collaborateur Ernest Martel dans
son édition du 13 février 1915.

(Source : BANQ)

Notice nécrologique dans La Presse du 29 janvier 1915.

(Source : BANQ)

Dans son numéro de janvier 1919, soit quatre ans après la mort
d'Ernest Martel, le Bulletin des recherches historiques a publié
cette mention du poète par Édouard-Zotique Massicotte.

(Source : Archive Internet ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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