lundi 1 mars 2021

Mars

La clairière, par Clarence Gagnon (1881-1942)

(Source : Musée national des beaux-arts du Québec)




   L'interminable hiver tente un dernier effort 
   Pour enfouir la terre et refroidir l'espace :
   Sous le souffle effréné de l'ouragan du nord
   De plus en plus la neige en tourbillons s'entasse. 

   Et cette blanche mer déferle dans le vent
   Par-dessus les taillis aux branches dénudées.
   Les chars, dans les ravins comblés, bloquent souvent
   Sous l'amoncellement continu des bordées.

   L'air glacial est lourd de morbides vapeurs.
   Nous sortons peu. Le soir près du feu nous rassemble ;
   Et les vieux dolemment racontent là des peurs
   Qui font frémir l'enfant, blêmir l'aïeul qui tremble.

   La cruelle saison sème au hasard les deuils.
   Pour les hôtes des bois partout se cache un piège, 
   Et le braconnier traque orignaux et chevreuils
   Aveuglés du grésil, empêtrés dans la neige.

   Tout souffre, hommes, bétail ; tout pleure, arbres, échos...
   Dans son grenier gémit le pauvre, maigre et pâle,
   Et l'on croit par moment entendre ses sanglots
   À travers les cent bruits de la bise qui râle.

   L'aurore ne luit plus sur les monts sourcilleux.
   Rien ne fait pressentir la fin des jours livides...
   Et si parfois un coin d'azur émerge aux cieux,
   L'hiver croule à flots plus drus sur les Laurentides.

   Mais de même qu'après le déluge, un matin,
   L'arc-en-ciel rayonna dans sa splendeur première,
   Le clair soleil pascal, qu'on croyait presque éteint,
   Demain va tout dorer de sa blonde lumière.

                                      William Chapman (1912)



Tiré de : William Chapman, Les fleurs de givre, Paris, Éditions de la Revue des poètes, 1912, p. 51-52. La série «L'année canadienne», d'où provient le poème ci-haut, a été publiée pour la première fois dans le numéro de janvier 1911 de la Revue canadienne.

Pour en savoir plus sur William Chapmancliquer ICI

De William Chapman les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : À Percé ; Sur la tombe de Lucien Turcotte ; L'île d'Orléans ; Janvier Février.

William Chapman (1850-1917)

(Source : BANQ)

Le poème Mars, ci-haut, est tiré du recueil
de William Chapman, Les fleurs de givre, que
l'on peut télécharger gratuitement ICI

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir) 

Dédicace manuscrite de William Chapman à
Jean-Baptiste Caouette dans Les fleurs de givre.

(Collection Daniel Laprès)

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