mercredi 29 janvier 2020

Vers l'oasis

Jules Tremblay (1879-1927)

(Source : Centre de recherche en
civilisation canadienne-française
)




   Sur la terre blanche de givre,
   Combien d'âmes hautes ont froid
   Dans leur solitude qui croît ! 
   Elles ne demandaient qu'à vivre,
   Et leur prière allait tout droit
   Vers un idéal qui délivre.

   Elles n'ont plus que le passé
   Plein de regrets et de tristesses ;
   Et la coupe des petitesses,
   Dans le bagne vide et glacé,
   Épanche en elles les détresses
   Comme un calice renversé.

   Elles poursuivent dans le rêve
   Une paix qui devait venir
   Mais, sans jamais pouvoir tenir
   La vision trompeuse et brève,
   Voient leur illusion finir
   Dans le nuage qui s'élève.

   Elles clament vers l'inconnu
   Pour élaguer la destinée,
   Mais la science n'est pas née
   Qui dit pourquoi le fil ténu
   Retient pendant une journée
   La vie au corps fragile et nu.

   L'amour, dans ces âmes hautaines,
   Espère en l'unique Beauté ;
   Mais son aveuglante clarté
   Vient de régions si lointaines
   Qu'elle frappe de cécité 
   Les aspirations humaines.

   Leur angoisse ne se plaint pas,
   Mais la douleur les rend plus fières ;
   Sur le chemin creusé d'ornières
   Elles vont seules, pas à pas,
   Cachant les blessures altières
   Dont elles se meurent tout bas. 

   Puis, quand elles sentent près d'elles
   Passer le flot mystérieux
   Grossi de larmes et d'adieux, 
   Elles vont aux ères nouvelles,
   Déployant au jour radieux
   Tous leurs désirs, comme des ailes. 

                     Jules Tremblay (1916)



Tiré de : revue Le Pays laurentien, Montréal, avril 1916.


Pour en savoir plus sur Jules Tremblay, voyez la notice biographique et les documents sous son poème Les Névades


Le poème Vers l'oasis, ci-haut, est tiré du numéro
d'avril 1916 de la revue Le Pays Laurentien, que
l'on peut consulter ou télécharger ICI.

Dédicace manuscrite de Jules Tremblay dans son recueil de
poésies Arômes du terroir, paru en 1918. La dédicace est
adressée à Gustave Boyer (1871-1927), maire de Rigaud,
député fédéral puis sénateur.

(Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)


L'édition 1929 de l'Annuaire Granger pour la jeunesse 
a consacré quelques pages pour souligner la mort de 
Jules Tremblay, survenue en 1927 à l'âge de 48 ans.
L'article est suivi d'un poème de Nérée Beauchemin
en hommage au poète disparu.

Pour prendre connaissance de cet article et du poème
de Nérée Beauchemin, cliquer sur cette image : 



Reine Malouin (1898-1976), qui a longtemps animé la vie 
poétique au Québec, a affirmé que sans nos poètes d'antan, 
« peut-être n'aurions-nous jamais très bien compris la valeur 
morale, l'angoisse, les aspirations patriotiques, la forte humanité 
de nos ancêtres, avec tout ce qu'ils ont vécu, souffert et pleuré ». 

Les voix de nos poètes oubliés nous sont désormais rendues. 
Le concepteur de ce carnet-web a publié l'ouvrage en deux 
tomes intitulé Nos poésies oubliées, qui présente 200 de
de nos poètes oubliés, avec pour chacun un poème, une
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