J.-Étienne Gauthier (1879-1944) (Source : Le Pionnier de Sherbrooke, sous son pseudonyme littéraire de « Paul Hyssons » ; BANQ) |
Ô Douleur, je croyais l'heure souvent venue
De tes affres qui font les damnés ou les saints,
Et tu n'étais encor pour moi qu'une inconnue
Cachant sournoisement ses plus cruels desseins !
Car tu m'as pris, hier, mon âme, toute nue,
Et, comme les corbeaux en voraces essaims
Se repaissent, avec une ardeur continue,
Tu l'as déchiquetée, à grands coups assassins.
J'avais souffert, tu m'as révélé la torture
Qui déconcerte et qui révolte la nature ;
J'aimais et j'ai payé très cher cet amour-là !
Et pourtant, je bénis tes coups, mangeuse d'âmes :
Sans tes brutalités que je jugeais infâmes,
Je n'aurais pas ouï la voix qui consola.
J.-Étienne Gauthier* (1911)
Ce sonnet est paru dans Le Nationaliste du 12 mars 1911, sous le pseudonyme ― plutôt transparent ― de «Estienne Gauthier».
* Joseph-Étienne Gauthier est né à Montréal le 14 août 1879, de Léandre Gauthier et de Théophanie Pellerin. Après avoir fréquenté l'école primaire chez les Frères des Écoles chrétiennes, il étudia au Collège de l'Assomption.
À sa sortie du collège, en 1897, il fut commis durant six mois dans un bureau d'architectes, puis devint assistant-comptable dans une manufacture de chaussures. Il travailla ensuite durant deux ans pour une banque, puis fut pendant six mois caissier dans une maison d'affaires. Il entra au service de la Cité de Montréal le 3 janvier 1903, à titre de commis au bureau du Greffier. Il se hissa peu à peu dans l'administration municipale et fut promu greffier-adjoint en 1918. Il exerça cette fonction jusqu'en 1926, alors qu'il fut officiellement nommé Greffier de la Cité de Montréal, tout en occupant le poste de directeur du secrétariat municipal, chargé entre autres de la Bibliothèque municipale. Il prit sa retraite en 1942.
Féru de Lettres, il participa à la vie littéraire du Québec des premières décennies du vingtième siècle. Sous divers pseudonymes (« Estienne Gauthier » ; « Paul Hyssons » ; « Pierre Kiroul » ; « Paul de Laute » ; « Ivanhoé Malchioneff » ; « Paul Marion » ; « Stéphanus Walker »), il publia de nombreux articles et poèmes dans des journaux et périodiques, dont La Presse ; La Patrie ; Le Nationaliste ; Le Samedi ; Le Courrier de Saint-Jean ; Le Pionnier (Sherbrooke) ; Le Réveil ; La Gaîté canadienne ; Le Monde illustré ; Le Journal de Françoise ; La Cloche du Dimanche ; La Défense (Chicoutimi).
Il écrivit également des pièces et comédies, dont plusieurs furent jouées sur scène, notamment Le repentir et Le faussaire.
J.-Étienne Gauthier est mort à Montréal le 22 novembre 1944. Il avait épousé Éva Archambault le 8 juillet 1922.
(Sources : Le Devoir, 24 avril 1942; Revue du Québec industriel, Printemps 1938 ; Bernard Vinet, Pseudonymes québécois, Québec, éditions Garneau, 1974, p. 307).
J.-Étienne Gauthier a notamment collaboré à l'hebdomadaire Le Nationaliste, dirigé par Olivar Asselin et Jules Fournier. Son poème ci-haut, J'avais souffert, y fut publié le 12 mars 1911 en page frontispice dans la rubrique « Nos poètes », sous son portrait signé Émile Vézina. Pour consulter ce numéro du Nationaliste, cliquer ICI. |
Sous divers pseudonymes dont celui de « Paul Hyssons », J.-Étienne Gauthier participa dès son jeune âge à la vie littéraire du Québec d'alors, y compris à certaines polémiques. Le 11 novembre 1899, alors qu'il n'était âgé que de vingt ans, il publia dans La Presse cette lettre ouverte critiquant le rédacteur de l'hebdomadaire Le Samedi. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
J.-Étienne Gauthier a aussi écrit des pièces de théâtre et des comédies. Cet article paru le 6 février 1904 dans la page féminine de La Presse fait mention de sa pièce en vers intitulée Le repentir, qui fut alors jouée sur scène. (Source : BANQ) |
J-Étienne Gauthier publia ce billet sentimental dans Le Nationaliste du 30 avril 1911. Il était un collaborateur régulier à cet hebdomadaire. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
J.-Étienne Gauthier, vers 1925. (Source : Archives Ville de Montréal) |
J.-Étienne Gauthier, portrait par J.-Arthur Lemay dans l'album Mille têtes, paru en 1931. |
J.-Etienne Gauthier, dans les années 1930, debout et accomplissant un acte de sa fonction de greffier dans la salle du conseil municipal de Montréal, sous la présidence, au trône, du maire Camilien Houde. (Source : Archives Ville de Montréal ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
J.-Étienne Gauthier fut parmi dix personnalités montréalaises présentées dans le numéro du printemps 1938 de la Revue du Québec industriel. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le 24 avril 1942, Le Devoir souligna le départ à la retraite de J.-Étienne Gauthier, après près de quarante années au service de la Ville de Montréal. Sa passion pour la littérature y est évoquée, de même que son intérêt pour la floriculture. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le 22 novembre 1944, Le Devoir annonça le décès, survenu le jour même, de J.-Étienne Gauthier. (Source : BANQ) |
La Presse, 24 novembre 1944. (Source : BANQ) |
Lecture très intéressante. J'aime cette page historique qui me fait connaître des personnes importantes.C'est enrichissant. Je souffre.... C'est un très beau poème.
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