Marie Ratté (1904-1961) (Photo : Amos Carr, Hollywood) |
Divine poésie, élue à mon aurore,
Et qui devait grandir encore avec le jour,
Ma mère m'enseigna ton nom doux et sonore !
C'est toi que je buvais sur ses lèvres d'amour.
C'est toi qui me donnas mon âme débordante,
Mon âme qui s'étonne, afin de s'exalter,
En plongeant au secret de la nature ardente ;
Qui se meurt de désirs, et qui voudrait chanter !
Chanter ! oh ! te chanter, auguste poésie !
Avec l'hymne des cieux, l'azur du firmament,
Préparer pour ta fête un festin d'ambroisie
Qui ferait de mes jours un éternel moment.
Chanter ! je te chantais, sublime enchanteresse,
Alors que tu flottais dans mes tresses au vent !
Osant te bégayer quelques mots de tendresse,
Je te voyais sourire à mon désir fervent.
C'est toi qui m'attendais quand, rêveuse fillette,
J'allais seule m'asseoir, le jour, au bord des flots,
Toi qui me fascinais au sein de la tempête,
En rêvant aux lointains et sombres matelots !
Obsession, délire, extase,
Ô grave appel des profondeurs !
Mon âme était comme le vase
Où bouillaient de sourdes ardeurs ;
Mon âme était comme une lyre ;
Comme une enfant qui savait lire,
Heureuse, avide de savoir :
Je voulais l'énigme du monde,
Je l'appelais du fond de l'onde,
Comme d'un transparent miroir.
Ô vision ! ô poésie !
Sourire ému de l'Éternel,
Ta douce image m'a saisie,
Dis-moi le monde solennel.
Dis-moi le monde où l'homme passe,
Où le coeur avide ramasse
Les miettes de son paradis ;
Ne pouvant saisir le mystère,
Répands ta vertu salutaire
Sur le morne esprit engourdi.
Jette-nous la sainte espérance,
Ailes de feu de l'avenir ;
Reste consoler la souffrance
Avec le sacré souvenir ;
Que ce passé digne d'envie,
Noblesse grave de la vie,
Réapparaisse en mon chemin.
La route montante est mauvaise ;
Pour que, toujours, mon coeur s'apaise,
Comme autrefois, tends-moi la main.
Que n'ai-je la voix pour redire
Ton nom béni, ton nom divin.
Comment pourrais-je te décrire,
Archet puissant du coeur humain ?
Musique, lèvres inspirées,
Lointain écho des empyrées,
Pain de l'esprit et vin du coeur ?
Humaine, faible, impuissante,
Je sens ma plume frémissante
À ton seul nom, fier et vainqueur.
Oh ! m'inspirer de toi jusqu'à l'aube plénière,
Où l'âme de la terre entrera dans l'azur
Oublier les douleurs de l'heure journalière
En toi, qui sait louer le dur devoir obscur.
Oh ! m'enivrer de toi dans les plaines du monde,
Croire à toute beauté, au bonheur des désirs,
Croire à la volupté infinie et profonde
Qui germe dans la coupe âcre de nos soupirs.
De claires visions, inonder ma prunelle,
Goûter la joie de vivre et sa diversité,
Mourir en évoquant ta promesse éternelle,
Éclose dans mon coeur où vit l'immensité.
Marie Ratté (novembre 1927)
Tiré de : Marie Ratté, Au temps des violettes, Beauceville, L'Éclaireur Limitée, 1928, p. 5-8.
Pour en savoir plus sur Marie Ratté, voyez la notice biographique, ainsi que les documents et photos sous son poème Si l'espoir, que les Poésies québécoises oubliées ont également présenté. Voyez aussi les documents ci-dessous.
Le 22 juillet 2019 à 15 heures, à Baie-des-Sables, village natal de Marie Ratté, la poétesse sera commémorée dans le cadre des fêtes du 150e anniversaire de la municipalité. Une conférence et une lecture de certains de ses poèmes auront alors lieu. Pour de plus amples informations, voyez ICI.
Le 22 juillet 2019 à 15 heures, à Baie-des-Sables, village natal de Marie Ratté, la poétesse sera commémorée dans le cadre des fêtes du 150e anniversaire de la municipalité. Une conférence et une lecture de certains de ses poèmes auront alors lieu. Pour de plus amples informations, voyez ICI.
L'Hymne à la poésie, ci-haut, est tiré du recueil Au temps des violettes, de Marie Ratté. |
Dédicace manuscrite de Marie Ratté dans son recueil Au temps des violettes. (Collection Daniel Laprès) |
Dans le journal Le Soleil du 24 mars 1928, le poète-cultivateur Joseph Harvey a publié cette recension du recueil Au temps des violettes, de Marie Ratté. De Joseph Harvey, les Poésies québécoises oubliées ont présenté Songe intime. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Article paru dans Le Bulletin des Agriculteurs du 15 mars 1928. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Article de l'écrivain et journaliste Harry Bernard dans Mon Magazine, numéro de mars 1929. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le 11 septembre 1936, dans Le Progrès du Golfe, de Rimouski, Marie Ratté publiait ce compte-rendu d'un voyage qu'elle avait effectué à Colon, au Panama. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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