lundi 25 mars 2019

Aux chevaliers du noeud coulant

Rémi Tremblay (1847-1926)

(Source : son recueil Boutades
et rêveries
, 1893)




   Enfin vous l'avez eu votre jour de victoire ;
   Vous avez souffleté la patrie aux abois,
   Pour vous, la trahison est un titre de gloire,
   Vous prodiguez l'opprobre au noble sang gaulois.
   Honte éternelle à vous, renégats, mercenaires
   Pour qui le vil métal est la suprême loi !
   Courtisans d'une secte aux instincts sanguinaires,
   Traîtres au sol natal, traîtres à votre foi, 
   Enfants dégénérés d'une race virile,
   Conçus par l'intérêt, enfantés par la peur,
   Battez des mains, riez, ô phalange servile :
   On nous prend, grâce à vous, pour un peuple sans coeur.
   Vous qui d'un zèle outré nous donnâtes la preuve,
   Quand la patrie en deuil appela ses enfants,
   Vous nous avez trahis au moment de l'épreuve,
   Et vous rampez aux pieds des vainqueurs triomphants.

   En dépit du courroux que vous fîtes paraître,
   Quand le sang d'un martyr eut rougi l'échafaud,
   On vous a vu bientôt, sur un signe du maître,
   Insulter la victime, exalter le bourreau.
   Depuis lors, piétinant sur le cadavre inerte
   De celui qui mourut pour défendre les siens,
   Vous n'avez eu qu'un but : consommer notre perte.
   Triomphez aujourd'hui, vils politiciens !
   Ah ! vous avez voulu nous traîner dans la boue
   Et souiller dans le sang votre immonde drapeau !
   Aux soufflets de vos chefs présentant notre joue,
   Vous nous avez livrés comme on livre un troupeau !
   Eh bien ! vos propres fils, évoquant la mémoire
   De vos tristes exploits, seront saisis d'horreur,
   Car vos ignobles noms, abhorrés dans l'histoire,
   Rediront notre honte et votre déshonneur.

                                   Rémi Tremblay(Stoke, 26 février 1887)



Tiré de : Rémi Tremblay, Coups d'aile et coups de bec, Montréal, Imprimerie Gebhardt-Berthiaume, 1888, p. 70-71. Également publié dans Rémi Tremblay, Aux chevaliers du noeud coulant, édition établie, présentée et annotée par Jean Levasseur, Québec, Presses de l'Université Laval, 2007, p. 110-111.

*  Né à Saint-Barnabé, près de Saint-Hyacinthe, le 2 avril 1847, de François-Xavier Tremblay, patriote de 1837 ayant pris part à la Bataille de Saint-Denis, et de Sophie Vandandaigne dit Gadbois, Rémi Tremblay, journaliste, militaire, traducteur, poète, écrivain, chansonnier, satiriste, globe-trotter, était l'un des intellectuels les plus atypiques et les plus indépendants d'esprit de l'histoire du Québec.
   Alors qu'il avait douze ans, en 1859, sa famille s'installa à Woonsocket, au Rhode Island, où se trouvait une importante communauté canadienne-française. En 1863, alors que la Guerre civile américaine faisait rage et que lui-même n'avait que 15 ans, Tremblay s'enrôla dans l'armée du Nord. Fait prisonnier en 1864, il parvint à s'évader et se rendit à Montréal, où il s'incrivit à l'école militaire, dont il obtint un diplôme d'officier. Après son mariage à Woonsocket avec Julie Lemery, le 26 octobre 1868, il exerça divers métiers, tant aux États-Unis qu'au Québec, où il s'installa à Stoke, dans les Cantons de l'Est, où il possédait une terre agricole.
    À partir de 1877, il collabora à divers journaux, dont La MinerveLa Gazette de JolietteLe Courrier de Montréal, etc. En 1880, il s'établit à Ottawa, où il travailla comme traducteur des débats de la Chambre des Communes. À cause d'un virulent poème, intitulé Aux chevaliers du noeud coulant, qui dénonçait les pendeurs de Louis Riel, il fut censuré et perdit son poste de traducteur. Il fut ainsi le premier écrivain censuré de l'histoire du régime fédéral canadien établi en 1867.
   Revenu à Montréal en 1888, il collabora au journal L'Étendard, puis assuma la rédaction de La Justice, de Québec, mais fut de retour à Montréal dès 1890 où, jusqu'en 1892, il fut journaliste auprès de divers journaux et périodiques. Il partit ensuite pour le Massachusetts, d'abord à Fall River (1893) puis à Worcester (1894), où il fut rédacteur du journal L'Opinion publique. En 1896, il s'installa de nouveau à Ottawa, où il redevint traducteur pour la Chambre des Communes.
   Il est l'auteur des volumes suivants : Chansonnier politique du Canard (1879) ; Caprices poétiques et chansons satiriques (1883) ; Un revenant : épisode de la Guerre de sécession aux États-Unis (1884) ; Coups d'ailes et coups de bec (1888) ; Boutades et rêveries (1893) ; Vers l'idéal (1912) ; Pierre qui roule (1923) ; Mon dernier voyage à travers l'Europe (1925).
   Rémi Tremblay, qui fit durant sa retraite deux fois le tour du monde avec Alida Charlebois, sa seconde épouse qu'il a mariée en 1897, est mort le 30 janvier 1926 à l'hôpital Saint-Claude de la Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, où il séjournait pour l'hiver sur recommandation de son médecin. Il était le père du journaliste, écrivain et poète Jules Tremblay, dont les Poésies québécoises oubliées ont présenté Les Névades.

De Rémi Tremblay, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Je me souviens

Les Glanures historiques québécoises ont publié des extraits des mémoires de Rémi Tremblay, sur le thème de la servitude du peuple québécois ; voir ICI

Pour en savoir plus sur Rémi Tremblay, cliquer ICI


Aux chevaliers du noeud coulant, ci-haut,
est tiré de Coups d'ailes et coups de bec,
recueil de poésies de Rémi Tremblay. Cet
exemplaire porte une dédicace manuscrite
 de l'auteur. On peut ICI télécharger
gratuitement le recueil.

(Collection Daniel Laprès ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Aux chevaliers du noeud coulant est aussi
le titre du recueil de l'intégralité des poésies
et chansons de Rémi Tremblay, dont
 bon 

nombre sont politiques et satiriques, que 
les Presses de l'Université Laval ont publié 
en 2007. Cet ouvrage est toujours disponible 
en librairie. Pour informations, voir ICI.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

C'est pour venger la pendaison de Louis Riel,
le 16 novembre 1885, que Rémi Tremblay
composa le poème Aux chevaliers du
noeud coulant
, ci-haut.

(Source : Wikipedia
)

Rémi Tremblay publia Aux chevaliers du noeud coulant dans son recueil Coups
d'ailes et coups de bec
, qui est paru en 1888. Sous le poème, en page 70,
l'auteur avait pris soin d'ajouter cette note sarcastique évoquant le fait que le
poème avait été lu à la Chambre des Communes par des députés qui voulaient
embarrasser le gouvernement MacDonald qui avait été en faveur de la la
mise à mort de Louis Riel, et que, par conséquent, le poème était paru dans
le journal des débats de la Chambre. En conséquence de son poème, Rémi
Tremblay fut congédié de son poste de traducteur de la Chambre. II raconte
l'épisode dans son recueil de souvenirs Pierre qui roule

Article paru dans La Presse du 1er février 1926, à l'occasion du décès de Rémi Tremblay.
Le sous-titre « Carrière mouvementée » n'est pas une exagération.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Entrefilet paru dans Le Devoir
du 1er février 1926.

(Source : BANQ ; cliquer
sur l'image pour l'agrandir)


Procurez-vous l'un des quelques exemplaires encore disponibles 
de Nos poésies oubliées, un volume préparé par le concepteur 
du carnet-web des Poésies québécoises oubliées, et qui présente
100 poètes oubliés du peuple héritier de Nouvelle-France, avec
pour chacun un poème, une notice biographique et une photo
ou portrait. Pour se procurer le volume par Paypal ou virement 
Interac, voyez les modalités sur le document auquel on accède
en cliquant sur l'image ci-dessous. Pour le commander par
VISA, cliquer ICI.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire