jeudi 5 octobre 2017

Je me souviens


Rémi Tremblay (1847-1926)



   Je me souviens du temps où les tendres caresses
   De parents vénérés savaient sécher mes pleurs,
   Où Clio, me narrant les antiques prouesses, 
   M'entr'ouvrait du passé les vastes profondeurs.
   Je me souviens des jours de ma première enfance,
   J'étais naïf alors et je le redeviens.
   Des vieux actes de foi, d'amour et d'espérance,

               Je me souviens. 

   Je me souviens d'un temps, qui reviendra peut-être,
   Où le mérite avait le pas sur l'entregent,
   Où l'on sacrifiait volontiers son bien-être
   Au devoir, sans passer pour inintelligent,
   Où le vice doré n'osait lever la tête, 
   Où la seule vertu comportait tous les biens.
   D'un temps où l'on était tout simplement honnête,

               Je me souviens.

   Je me souviens  Voyez si j'ai bonne mémoire 
   Alors que sur mon front douze lustres ont lui 
   Je me souviens d'exploits consignés dans l'histoire
   Qui scandaliseraient nos hommes d'aujourd'hui. 
   Si l'on mourait encore pour défendre sa race, 
   Lorsqu'ils verraient surgir des héros canadiens*,
   Nos froids calculateurs se voileraient la face. 
               Je me souviens. 

   Je me souviens aussi des jours de défaillance,
   Où nos chefs, oublieux de notre dignité
   Ont, après un semblant de molle résistance,
   Laissé porter atteinte à notre liberté.
   De tous les tyranneaux qui se disaient nos maîtres, 
   De ceux qui se sont fait leurs perfides soutiens,
   Des lâches apostats, des vendus et des traîtres,
               Je me souviens. 

   Je me souviens aussi des braves patriotes
   Morts au champ de l'honneur : de tous ceux qui, jadis, 
   Ont su rester debout en face des despotes, 
   Réfractaires et sourds aux lâches compromis. 
   De ces fiers laboureurs qui, prompts comme la foudre,
   Savaient se transformer en soldats-citoyens,
   (Sans vivres, sans argent, sans fusils et sans poudre). 
               Je me souviens. 

   Je me souviens de ceux qui, dans une autre sphère,
   Ont su, par leurs écrits, leurs actes, leurs discours, 
   Assurer, sur le sol du nouvel hémisphère, 
   Des généreux efforts le précieux concours. 
   Des hardis découvreurs, prêtres et moralistes, 
   Poètes, romanciers, doctes historiens
   Apôtres du progrès, orateurs, journalistes.
               Je me souviens. 

   Je me souviens. Malgré ce qu'on a feint de croire,
   Je n'admettrai jamais qu'un malheureux traité
   Nous dérobant le fruit d'une ultime victoire, 
   Nous décerne un brevet d'infériorité.
   Nos pères, en tous lieux signalant leur vaillance,
   Se sont montrés du droit les inflexibles gardiens. 
   Admirant leurs hauts faits, des gloires de la France,
               Je me souviens. 

                                    Rémi Tremblay (vers 1907)




* À l'époque où Rémi Tremblay composait ce poème, "canadien" signifiait essentiellement "canadien-français". De nos jours on dit "québécois".

Source : Rémi Tremblay, Aux chevaliers du noeud coulant ; Poèmes et chansons, 2007, Presses de l'Université Laval, p. 406-407.


Pour en savoir plus sur Rémi Tremblay, cliquer ICI.

Les Glanures historiques québécoises ont publié des extraits des souvenirs de Rémi Tremblay. Voyez ICI

Cliquer ICI pour consulter l'étude (PDF téléchargeable) de Jean Levasseur : La poésie humoristique : Rémi Tremblay et les relations amoureuses au XIXe siècle canadien. 


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1 commentaire:

  1. Je me souviens des labeurs et le courage de mes aieux. Je porte en moi toute l'espérance de notre peuple. Je me souviens sinon nous n'existons point.

    - Napoléon Aubin

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