vendredi 15 mars 2019

Souvenirs d'une Saint-Jean-Baptiste

Joseph-Arthur Smith (1869-1960)

(Source : Anthologie de la littérature
franco-américaine de la Nouvelle-
Angleterre,
tome 3)



Rêverie sur l'Esplanade à Québec


   Ô vieux Québec perché sur ton haut promontoire,
   Asile révéré de splendeur et de gloire,
   Immense forteresse assise au bord des flots,
   Que tes remparts de pierre aux bases gigantesques
   Ont vu se dérouler de poèmes dantesques,
   Et vu s'éteindre de héros ! 

   Que de fois le grand fleuve, aux flots souvent rebelles
   Qui caressent le roc portant des citadelles,
   Fut rougi par le sang de hardis assaillants ! 
   Que de fois, en ces jours remplis par des batailles,
   Quand tes gueules de fer vomissaient des mitrailles,
   Tu sentis les baisers des boulets sur tes flancs !
   
   Que de fois la Victoire, aimable souveraine, 
   A planté ses lauriers sur ta cime hautaine,
   Et hissé dans tes airs ses drapeaux glorieux !
   Que de fois le zéphir, rasant tes meurtrières,
   A porté vers le ciel de tes chansons guerrières
   Les accents mâles et joyeux ! 

   Réveillez-vous, ô preux, mânes de nos ancêtres,
   Du sommeil du tombeau secouez la torpeur,
   Et venez, pleins d'orgueil, aux yeux de tous nos maîtres,
   Vous distinguer encor, prouver votre valeur. 

   Revenez, Frontenac, Champlain et d'Iberville,
   Sur ce sol illustré par vos brillants exploits !
   Recommencez à vaincre au sein de votre ville,
   Fiers entre tous les fiers, valeureux mille fois !

   Et vous, derniers lutteurs de la lutte dernière, 
   Bourlamaque, Montcalm, Lévis qui n'êtes plus,
   Venez renouveler cette scène guerrière
   Où vous fûtes trahis, hélas ! mais non vaincus !

   Et vous aussi, venez, vous sans peur et sans tache,
   Grands-pères révoltés contre l'oppression,
   Vainqueurs de Saint-Denis, vaincus de Saint-Eustache
   Qui haïssiez si bien la cruelle Albion !

   Alors tu reprendras ta majesté première, 
   Québec grandi par ces héros, 
   Et le bronze oublié sur ta base de pierre
   Recommencera ses travaux. 

   Alors, tu monteras, dans la gloire drapée,
   Ô ma vieille et noble cité ! 
   Et tes fils écriront une immense épopée,
   Avec leur sabre respecté !

   Comme l'obscurité couvrait la ville entière,
   Il me semblait la voir cette phalange fière,
   Ces braves disparus que j'évoquais tout bas ;
   Comme un bruit de clairon venait du fond des rues, 
   Les rumeurs s'élevaient, rapidement accrues, 
   Qui semblaient annoncer l'heure des grands combats.

   Parti strident du fond d'Ontario qui bouge,
   Un cri, comme la voix d'un tigre dans son bouge,
   Me rappela soudain à la réalité ;
   Je vis ce sol français volé par la conquête.
   Les talons ennemis nous écrasent la tête,
   Des sectaires armés contre la liberté ! 

   De mon illusion qui me berçait dans l'ombre,
   Rien plus n'était resté que le présent bien sombre.
   Mais je me dis : Suivons l'exemple des aïeux.
   Soyons braves comme eux, comme eux luttons sans crainte, 
   Haut les coeurs en ces jours d'attaques sans contraintes !
   Et si nous succombons, tombons comme des preux ! 

                                     Joseph-Arthur Smith* (1913)



Tiré de : Anthologie de la littérature franco-américaine de la Nouvelle-Angleterre, tome 3, Bedford (New Hampshire), National Materials Development Center for French, 1980, p. 36-38. Le poème est initialement paru le 24 juin 1913 dans le journal L'Étoile, de Lowell (Massachusetts).

* Joseph-Louis-Arthur Smith est né le 13 octobre 1869 à Saint-Zéphirin-de-Courval, comté de Nicolet, de Wenceslas Smith, médecin, et de Zénobie Lavallée. Ses études terminées, il émigra en 1891 à Lowell (Massachusetts), où il devint rédacteur du journal L'Étoile.
   En 1900, il retourna à Nicolet pour y fonder un journal hebdomadaire, Le Progrès. Deux ans plus tard, il déménagea le journal à Montréal, où il en continua la publication durant deux ans. En mars 1904, il participa, avec Olivar Asselin et Jules Fournier, à la fondation du journal Le Nationaliste.
  En 1905, il quitta Montréal et se rendit de nouveau à Lowell où l'attendait le poste de rédacteur en chef du journal L'Étoile. Il occupa cette fonction jusqu'en 1921, alors qu'il accepta la rédaction de L'Indépendant, de New Bedford
   En 1924, il acheta le journal La Liberté, de Fitchburg, mais il le revendit peu après pour aller s'établir à Salem. Propriétaire de la New England Publishing Company et toujours entreprenant, il publia le 24 juin 1927 le premier numéro du Journal de Lawrence, un hebdomadaire. En avril 1928, il déménagea à Haverhill, où il fonda un autre hebdomadaire de langue française nommé Journal, dont il maintint la publication jusqu'en 1955, alors que l'âge et la maladie l'appelèrent à la retraite. Il devint dès lors le doyen des journalistes franco-américains.
   Il fut l'auteur de nombreux poèmes dans divers journaux et périodiques, de même que de diverses chansons populaires écrites à la demande des maisons d'éditions musicales Octave Champagne et E. L. Turcot, de Lowell. 
  Joseph-Arthur Smith est mort à Haverhill le 21 janvier 1960. Il était l'époux de Marie Rouillard et le frère de l'organiste et compositeur de musique Alphonse Lavallée-Smith. Sa mère, Zénobie Lavallée, était la cousine du musicien et compositeur Calixa Lavallée


Le poème Souvenirs d'une Saint-Jean-Baptiste,
ci-haut, est tiré du troisième tome de l'Anthologie
de la littérature française de Nouvelle-Angleterre
.

Vue de 1900 du parc de l'Esplanade, à Québec, lieu qui aurait inspiré le
poème Souvenirs d'une Saint-Jean-Baptiste, de Joseph-Arthur Smith.

(Source : Histoire urbaine ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Vue nocturne du parc de l'Esplanade tel qu'il paraît de nos jours.

(Source : Roxanne Shewchuk ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Mention de Joseph-Arthur Smith dans la rubrique "La vie franco-américaine"
de l'édition 1956 du Bulletin de la Société historique franco-américaine

(À noter que la date de naissance de Smith y est erronée. Il est né en 1869 et non 1878)


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2 commentaires:

  1. Bonjour M. Laprès,

    J'apprécie beaucoup l'information concernant tous ces poêtes! Mon arrière-grand-père, Eugène Smith, est originaire de Saint-Zéphirin-de-Courval, tout comme le poète Joseph Arthur Smith. Est-ce que vous auriez le nom du père et de la mêre de ce dernier, afin que je puisse poursuivre mes recherches et éventuellement faire le lien entre ces deux hommes? Toute information concernant ce poète me serait utile.

    Merci à l'avance et au plaisir de vous lire.

    Pierre Dion

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    Réponses
    1. Bonjour M. Dion. Je suis ravi que vous plaise ce modeste travail sur notre mémoire collective.
      Tel qu'indiqué dans la notice biographique sous le poème, les parents de Joseph-Arthur Smith sont Wenceslas Smith et Zénobie Lavallée. Les chances que vous lui soyez apparenté sont très fortes.

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