jeudi 30 avril 2020

Mélancolie

Georges-A. Boucher (1865-1956)

 (Source : son recueil Je me souviens,
Montréal, éd. Arbour et Dupont, 1933)




   Voici que les taillis revêtent leurs feuillages ;
   Voici que tout renaît dans les bois, dans les champs ;
   Et la fleur et l'oiseau, reparus sur nos plages,
   Remplissent l'air tiédi de parfums et de chants. 

   Amis, portez ma couche au milieu de la plaine, 
   Vers ces bords enchantés, conduisez-moi mes sœurs ; 
   Je voudrais des prés verts humer encore l'haleine,
   Hélas ! et succombant, voir éclore les fleurs. 
   
   Oh ! de tant de clarté qui m'entoure et me presse,
   Dites, n'entrera-t-il un rayon dans mon cœur ?
   Lorsque tout l'univers à sourire s'empresse,
   Si je pouvais, ravi, goûter quelque bonheur ! 

   Mais non, ils ne sont plus ces jours où la nature,
   Apaisant tous les maux dont mon être est rempli,
   N'avait qu'à secouer son sceptre de verdure
   Pour me combler de paix, d'espérance et d'oubli.

   Soleil, ils ne sont plus ces jours où ta lumière
   Savait blanchir aussi mes tristes horizons ;
   Où, dès qu'un ciel plus pur inondait ma paupière,
   Reparaissaient en moi mes plus douces saisons.

   La douleur maintenant à mon foyer m'enchaîne,
   Et je reste insensible à la voix des printemps ;
   Je suis comme ces nids pleins d'une lueur vaine,
   Que les petits oiseaux ont fui avant le temps. 

   Depuis que dans les cieux mes pensées l'ont suivie,
   Je voulais m'envoler vers ce dôme vermeil,
   Et, goutte de rosée au matin de la vie, 
   J'attendais pour partir ce rayon de soleil. 

                             Georges A. Boucher(1933)




Tiré de : Georges A. Boucher, Je me souviens, Montréal, Arbour & Dupont éditeurs, 1933, p. 78-79.

*  Georges-Alphonse Boucher est né le 13 septembre 1865 à Rivière-Bois-Clair (aujourd'hui Saint-Edouard-de-Lotbinière), de Louis Boucher, cultivateur, et d'Élise Chavigny de la Chevrotière. Son grand-père maternel est le lieutenant-colonel André de Chavigny de la Chevrotière, Seigneur de Deschambault.
   Tôt orphelin, de santé précaire, il fit ses études primaires dans son village natal sous la direction de tuteurs particuliers : un oncle maternel l'initia aux classiques grecs et latins et son parrain, l'abbé Olivier Boucher, l'emmena à Lawrence (Massachusetts) étudier l'anglais et la musique. Après un stage préliminaire au collège Bédard de Lotbinière, il s'inscrivit en 1878 au collège d'Ottawa, où il obtint en 1885 son baccalauréat ès arts. Après avoir étudié le droit, il opta pour la médecine et reçu en 1889 son parchemin de docteur en médecine à l'Université Laval (Québec).
    Il fit son internat à la Polyclinic de New-York, avant de s'établir à Brockton (Massachusetts) en octobre 1890, où il ouvrit un cabinet d'obstétricien. Au cours de sa vie professionnelle active qui dura soixante ans, il mit au monde plus de dix mille enfants.
   Toujours intéressé par les lettres, il publia des poèmes dans divers journaux et périodiques de Nouvelle-Angleterre et du Québec. Il fut fréquemment sollicité pour dire ses poésies lors d'événements patriotiques canadiens-français en Nouvelle-Angleterre et au Québec. En 1933, il publia son premier recueil de poésies, Je me souviens. Suivirent ses Sonnets de Guerre, en 1943. Il prépara une édition révisée et combinée des deux recueils précédents sous le titre Chants du Nouveau Monde (1946, réédition 1950). 
  La France lui décerna les Palmes académiques et la Médaille d'honneur des Affaires étrangères. La Société historique franco-américaine de la Nouvelle-Angleterre lui remit la médaille de son Grand Prix. 
   Georges-A. Boucher est mort à Concord (New Hampshire), le 8 janvier 1956. Son corps fut transporté à Québec où il reposa en chapelle ardente à la chapelle des Ursulines, avant d'être inhumé au cimetière Belmont
(Sources : Paul P. Chassé, Anthologie de la poésie franco-américaine de la Nouvelle-Angleterre, Providence, The Rhode Island Bicentennial Commission, 1976, p. 161 ; Adolphe Robert, Souvenirs et portraits, Manchester (New Hampshire), 1965, p. 247-250 ; Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, tome 2, Montréal, éditions Fides, 1981, p. 606).

De Georges A. Boucher, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : L'aigle et le rocher de Québec.


Pour en savoir plus sur Georges-Alphonse Boucher, 
voyez la brève étude que lui a consacré 
Adolphe Robert, une figure marquante de la 
communauté franco-américaine de Nouvelle-
Angleterre au cours des années 1910-1950, 
en cliquant sur cette image :


Le poème Mélancolie, ci-haut, est tiré du recueil
Je me souviens, de Georges A. Boucher. On peut
en trouver ICI de rares exemplaires.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Signature de Georges A. Boucher dans un exemplaire de la
deuxième édition de son recueil Chants du nouveau monde,
paru en 1950. Un seul exemplaire est disponible sur le
marché ; pour se le procurer, cliquer ICI.

(Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le Soleil, 10 janvier 1956.

(Source : BANQ ; Cliquer
sur l'image pour l'agrandir)

L'Action catholique, 11 janvier 1956.

(Source : BANQ ; Cliquer
sur l'image pour l'agrandir)

Ayant vécu la majeure partie de sa vie en Nouvelle-Angleterre,
Georges A. Boucher a toutefois tenu à être inhumé dans son
pays natal, le Québec. Il a exprimé ce désir dans ce touchant
poème paru dans son recueil Chants du nouveau monde. Son
épouse, décédée en 1949, et lui-même reposent donc à Québec,
au cimetière Notre-Dame-de-Belmont. Malheureusement, la
pierre tombale a été enlevée en 1996, selon les autorités 
du 
cimetière, mais leurs restes y sont toujours.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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