lundi 6 avril 2020

Voici les sucres !

Alphonse Désilets (1888-1956)

(Source : Le Pays laurentien,
Novembre-Décembre 1917)




   La grise érablière est assise au penchant
   De la montagne. Droits et branchus, les érables
   Se dressent à côté des ormes vénérables
   Dont la tête se dore aux teintes du couchant.

   J'ai perforé l'écorce et mis les goutterelles
   La sève lentement est apparue aux trous
   Et sur le fond des seaux suspendus au-dessous,
   Les gouttes d'eau dansaient comme des sauterelles.

   Notre cabane à sucre émerge peu à peu
   De la couche moelleuse où l'hiver l'a plongée :
   Et la bouilloire sur les chenets allongée
   Appelle les menus enlacements du feu. 

   Or, en m'en revenant au cours de la soirée
   À travers le bois clair, j'ai senti l'avant-goût
   Du sucre du pays me prendre tout à coup
   Au bruit réjouissant des gouttes d'eau sucrée !

                             Alphonse Désilets* (1913)



Tiré de : Alphonse Désilets, Mon pays, mes amours, L'auteur éditeur, 1913, p. 50.

D'Alphonse Désilets, les Poésies québécoises oubliées ont également publié : Pauvre vieille demeure ! 

* Alphonse Désilets est né le 5 avril 1888 à Victoriaville, de Théode Désilets, ouvrier, et de Virginie Hamelin. Il fit ses études primaires et commerciales à l'Académie du Sacré-Coeur de Victoriaville et son cours classique au Séminaire de Nicolet. Il poursuivit des études d'agronomie à l'Institut agricole d'Oka et au Collège agricole de Guelph, Ontario. Il obtint son diplôme d'ingénieur agronome de l'Université Laval de Montréal le 19 décembre 1913. 
   Il fut nommé, en 1915, agronome du district de Québec-Montmorency et directeur des Cercles des Fermières, dont il est reconnu comme étant le fondateur. Il fut également chef du bureau du placement agricole pour le gouvernement provincial.
 Directeur de la rédaction au Bulletin de la ferme, il collabora à plusieurs journaux et périodiques. Pendant sa carrière de fonctionnaire, il se fit un ardent défenseur du régionalisme et de l'agriculture.
   Alphonse Désilets est mort à Québec le 5 octobre 1956. Il avait épousé Rolande Savard le le 8 juin 1916. 

(Source : Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, volume 1, Montréal, éditions Fides, 1980, p. 556). 

N. B. : Peut-être inspirée par le mépris aussi hautain que pédant à l'égard de notre littérature du terroir et qui est si caractéristique de l'insipide caste qui, depuis la prétendue "révolution tranquille", s'est accaparée à peu près tout le magistère littéraire au Québec, la sèche notice biographique qui précède rend assez mal justice au poète qu'était Alphonse Désilets et à son rôle d'animateur, voire de cheville ouvrière au sein des cercles poétiques québécois de l'époque. On n'y apprend même pas qu'il était poète et qu'il a produit des recueils de poésies, entre autres publications. Ainsi donc, il semble que Lord Durham ait trouvé de zélés continuateurs pour perpétuer sa prétention selon laquelle nous ne serions qu'un peuple sans histoire ni littérature.
   Pour mesurer avec davantage de justesse la contribution de Désilets à la littérature de chez nous, on peut lire ce que disait de lui l
e grand poète Alfred DesRochers (1901-1978), lors d'une conférence qu'il a donnée à Montréal en 1954 :

« J'ai connu, plus ou moins intimement, neuf sur dix, j'oserais dire, de tous les poètes canadiens-français vivants entre 1926 et 1954. Je dois ce plaisir d'abord à M. Alphonse Désilets, secrétaire, puis président, de la Société des Poètes, qui invitait chez lui quiconque avait commis quelques vers passables, jeunes ou vieux, traditionnalistes ou innovateurs. Cet excellent poète, dont les meilleures réussites restent, hélas ! inédites, fut, à Québec, la contre-partie de Clémence Isaure à Toulouse. Sans en utiliser le nom, il a créé de véritables Jeux Floraux. C'est avec plaisir et un profond sentiment de reconnaissance que je lui ai dédié À l'Ombre de l'Orford et je n'ai jamais posé de geste dont je sois le plus fier. Aujourd'hui même, approchant, si je ne me trompe, les 70 ans, il est encore tout feu, tout flamme pour la poésie, les arts et toutes les autres manifestations qui font la grandeur réelle d'un peuple ». 
(Source : Quarante ans de poésie, conférence d'Alfred DesRochers donnée le 20 avril 1954 à l'hôtel Ritz-Carlton, sous les auspices du Club musical et littéraire de Montréal. Le texte intégral de la conférence a été publié dans Huit conférences. Saison artistique 1953-1954, volume B-4, Montréal, Cercle musical et littéraire de Montréal, 1954, p. 111-133).  



Le poème Pauvre vieille demeure !  a été
publié en 1913 dans le recueil  Mon Pays, 
mes Amoursd'Alphonse Désilets.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Dédicace manuscrite d'Alphonse Désilets
dans son recueil Mon Pays, mes Amours.


(Collection Daniel Laprès ; 
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Alphonse Désilets avec sa fille Yolande,
dans la revue Le Terroir, juillet 1924.


Cliquer sur cette image pour lire l'article 
consacré à Alphonse Désilets disponible
sur le site des Généalogistes Associés


Les sucres, par Edmond-J. Massicotte.

(Source : BANQ)

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