Ulric L. Gingras (1894-1954) (Source : Almanach trifluvien, 1934) |
Ô les tristes refrains que nous chante l'automne !
Ô le funèbre orchestre ayant le vent pour chef !
Saison des givres froids, du rêve monotone,
Chocs des flots en courroux sous une sombre nef !
Ô toute la lourdeur des premiers crépuscules
Endeuillant les grands pins de leurs silences émus !
Et sur le sol, comme de pauvres libellules,
Les feuilles mortes qui ne reverdiront plus !
Sous le voile brumeux des brises nonchalantes,
Voici tomber les nids au fond creux des buissons,
Pauvres nids dont l'adieu traîne en notes mourantes,
Comme un écho plaintif au bord des horizons.
L'âme du paysage, errant à l'aventure,
Cherche dans sa douleur où se gîter sans bruit,
Car nul printemps d'amour, nulle voix, nul murmure
Ne renaîtront pour elle au sein de cette nuit.
Tout comme le grillon, la glane dans l'ornière
N'a, pour se préserver du frimas et du gel,
Qu'un peu de sable fin par un pas de bergère
En sa marche creusé d'un geste accidentel.
Automne !... Tout se meurt ! La brise inassouvie
Déchire sans regrets l'aile du papillon,
Et la langueur de ceux qui connaissent la vie
Se mélange au chagrin de leur propre abandon.
Automne ! Pleurs amers !... N'éveillons pas la bête !
Dormez, branchages nus, pareils à de longs mâts,
Bercés sur l'océan, dans l'affreuse tempête !
Dormez, bons trépassés, loin des peuples ingrats.
Dormez, vallons, et toi, vieillard faible et débile,
Porte ton humble offrande au cimetière ancien.
Ce n'est plus l'autrefois et ton corps inhabile
Ne verra plus peut-être un autre lendemain.
Demain !... Quel mot ! Hélas ! cet amas de feuillage
Recouvrira tes os voués au noir oubli,
Car, devant Dieu puissant, tout siècle est du même âge :
Dans sa morne torpeur mon cœur en a frémi.
Demain !... c'est l'avenir, l'avenir qu'on ignore,
Fait de larmes, de deuils, peu souvent de bonheur.
Homme, rappelle-t-en, s'il en est temps encore,
Avant de succomber sous l'amère douleur.
Adieu !... Là-bas la cloche entonne la prière ;
La lune, qui décroît au lointain firmament,
Sur la vague attentive épanche sa lumière,
Et l'automne qui passe a l'air d'un mendiant.
Ulric L. Gingras* (1917)
Tiré de : Ulric L. Gingras, La chanson du paysan, Québec, Imprimerie de l'Action sociale, 1917, p. 125-127.
* Pour en savoir plus sur Ulric L. Gingras, voyez la notice biographique sous son poème Nocturne. D'Ulric L. Gingras, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : La maison de mon rêve.
Le poème Automne, ci-haut, est tiré du recueil La chanson du paysan, d'Ulric L. Gingras. Il n'en reste que deux exemplaires sur le marché en ligne, soit ICI et ICI. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Dédicace manuscrite d'Ulric L. Gingras à Nérée Beauchemin, de qui les Poésies québécoises oubliées ont publié quelques poèmes, dont Le vieux parler et Le fleuve. (Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
En 1934, Ulric L. Gingras fut le premier poète issu du Québec à se voir attribuer le prix Archon-Despérouses de l'Académie française, pour son recueil Du soleil sur l'étang noir. Cette prestigieuse distinction littéraire fut soulignée dans l'Almanach trifluvien de 1934 qui célébrait le tricentenaire de Trois-Rivières. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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