mardi 15 octobre 2019

Adieu, belle forêt !

Zoël Cyr-Miquelon (1834-1899)

(Source : Jean Jacques, auteur de :
Ils ont osé... Les maires de
Saint-Camille de 1860 à 2014
)




   Adieu ! belle forêt,
   Compagne de ma vie.
   Tu fus ma bonne amie,
   Accepte mon regret.
   Un sol à préparer, 
   Couvert de durs herbages,
   Va pour moi remplacer 
   Tes arbres et leurs feuillages.

   Adieu ! forêt, adieu ! la plaine désormais
   Aura mes premiers soins, mais t'oublier, jamais ! 

   Le plus mauvais ormeau,
   La mauvaise colline,
   Même la dure épine,
   Pour moi tout était beau ;
   Aussi le gros rocher
   À la couleur livide
   Qui semblait s'élancer
   Comme une pyramide.

   Adieu ! forêt, adieu ! la plaine désormais
   Aura mes premiers soins, mais t'oublier, jamais ! 

   J'aimais à contempler
   Le gros pin dont la tête,
   Au fort de la tempête,
   Balançait sans tomber ;
   Ainsi que le sapin
   Au rameau vert et sombre,
   Sous lequel le lapin
   Vient se placer à l'ombre.

   Adieu ! forêt, adieu ! la plaine désormais
   Aura mes premiers soins, mais t'oublier, jamais ! 

   Je regrette le mont
   À la douce verdure ;
   Comme sur la fourrure,
   J'y reposais mon front ;
   À mes pieds le ruisseau
   Dont l'onde bienfaisante
   Descendait du coteau,
   Attiré par la pente.

   Adieu ! forêt, adieu ! la plaine désormais
   Aura mes premiers soins, mais t'oublier, jamais ! 

                       Zoël-Cyr Miquelon* (6 août 1883)



Tiré de : L.-A. Lévêque, curé, La paroisse de Saint-Camille, Montréal, Imprimerie du Messager, 1908, p. 28-29. 

Zoël-Cyr Miquelon est né le 11 février 1834 à Saint-Félix-de-Kingsey, de Pierre Miquelon et de Marie-Anne Painchaud. Ayant reçu une éducation primaire à l'école de sa paroisse natale, il devint colon dès l'âge de dix-huit ans dans le canton de Wotton, en Estrie. Le territoire du coin de terre qu'il défricha devint la municipalité de Saint-Camille, à la fondation de laquelle, en 1860, il joua un rôle-clé et dont il fut le maire de janvier 1866 à décembre 1873.
   En plus de son implication dans l'administration municipale, il fut tour à tour marchand, arpenteur, garde forestier (de 1874 à 1883), secrétaire-trésorier de la commission scolaire et poète à ses heures. En août 1866, il participa également à la création de la Société d'agriculture no 2 du comté de Wolfe, dont il fut notamment le secrétaire-trésorier.
   En janvier 1880, il reçut un brevet d'invention (no 10812) pour une serrure avec combinaison de sa propre invention ; cet exploit est d'ailleurs relaté dans le livre de Guy Giguère, Les premières inventions québécoises.

   Dans l'ouvrage intitulé La paroisse de Saint-Camille, de l'abbé L.-A. Lévesque, on peut lire : 

« Doué de talents remarquables, il aurait suivi avec distinction un cours classique et universitaire. Sa mémoire prodigieuse l'aida surtout dans les affaires. Son application à la lecture et à l'étude des choses pratiques lui fit acquérir une somme de connaissances qui lui permit de remplir avec succès les diverses fonctions auxquelles il fut appelé. 
   Ainsi, sans avoir étudié le génie civil d'une manière régulière, il possédait suffisamment les notions d'arpentage pour rendre de grands services aux colons. On confia à sa direction les travaux de presque tous les chemins de colonisation qui s'ouvrirent dans la région de Saint-Camille. 
   Même, il fut appelé à faire de semblables travaux en dehors du comté. En août 1876, il traça le chemin qui relie La Patrie à Scotstown
   C'est toujours à la satisfaction générale qu'il s'acquitte de ses fonctions d'arpenteur. Lors de l'érection du canton de Saint-Camille en municipalité, les conseillers municipaux et les commissaires d'écoles choisirent M. Miquelon pour secrétaire-trésorier, charge qu'il remplit pendant plusieurs années. Il fut aussi l'un des organisateurs de la société d'agriculture du comté de Wolfe. 
   [...] Le 14 février 1874, M. Miquelon fut nommé garde-forestier et en eut la charge jusqu'à son départ pour l'Ouest en juin 1883. Il sut servir fidèlement les intérêts [du pays] tout en se montrant sympathique aux défricheurs. Son temps était utilement employé, même au milieu des travailleurs de la forêt ; il consacrait ses loisirs à les égayer par des chants humoristiques improvisés. En voici un, composé en janvier 1882 : 

                 Je suis de la Couronne
                 Le Garde-Forestier.
                 Et l'hiver et l'automne
                 Mon gîte est au chantier.
                 Couchant près de la flamme
                 Pour geler ou rôtir,
                 Si je pense à ma femme,
                 Cela me fait plaisir.

                 Le matin de ma couche
                 Je quitte les « duvets »,
                 N'ayant eu qu'une souche
                 Pour poser mes mollets.
                 Tous ces maux sont pour l'homme
                 Les plus doux à souffrir,
                 Quand il pense à sa femme,
                 Cela lui fait plaisir.   

   Ces charges diverses avaient mis M. Miquelon en contact avec toutes les classes de la société, mais ses rapports intimes le lièrent à la classe agricole dont il était l'ami et le conseiller. Il fut souvent pris comme arbitre pour régler les différents qui surgissaient entre voisins ; presque toujours son opinion fit autorité. 
   [...] Observateur et poète à ses heures, M. Miquelon cultivait les muses. Faits d'improvisation et souvent tout d'un trait, ses refrains populaires se chantent encore dans nos campagnes et lui ont valu le titre de Barde des Cantons de l'Est ». 

   En 1883, Zoël Cyr-Miquelon s'établit à Qu'Appelle, dans le territoire de ce qui est devenu la province de Saskatchewan, où il exerça la fonction d'agent d'immigration. Il occupa ensuite cette même responsabilité à Calgary, en Alberta.  En 1892, il fut l'un des premiers pionniers de Wetaskiwin, qui devint une petite ville prospère d'Alberta, où il fut commerçant et maître de poste. Le 18 novembre de la même année, il fut nommé juge de paix.
  Zoël Cyr-Miquelon mourut à Wetaskiwin le 9 août 1899. D'abord inhumé à Saint-Albert (Alberta), ses restes furent rapatriés le 24 août 1913 et reposent depuis au cimetière de Saint-Camille. Le 17 novembre 1856, à l'église Saint-Hippolyte de Wotton, il avait épousé Nancy Durning. 
(Sources : Jean-Jacques, Ils ont osé... Les maires de Saint-Camille de 1860 à 2014, Saint-Camille, éditions Le Bélier ardent, 2014 ; Luc-Alphonse Lévêque, curé, La paroisse de Saint-Camille, Montréal, Imprimerie du Messager, 1908, p. 23-29 ; Le Journal de Waterloo, 24 août 1899 ; Wikipedia). 



Pour en savoir plus sur Zoël Cyr-Miquelon, cliquer sur la couverture du livre de Jean Jacques : Ils ont osé... Les maires de Saint-Camille de 1860 à 2014, Saint-Camille, éditions Le Bélier ardent, 2014 : 




La chanson Adieu, belle forêt, ci-haut, est tirée
du livre La paroisse de Saint-Camille, de l'abbé
Luc-Alphonse Lévêque, paru en 1908.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Zoël Cyr-Miquelon a joué un rôle important dans la fondation et
le développement de la municipalité de Saint-Camille, en Estrie.

(Source : Collectivités viables ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Zoël Cyr-Miquelon et son épouse Nancy Durning.

(Source : Jean-Jacques, auteur de : Ils ont osé...
Les maires de Saint-Camille de 1860 à 2014.
 


Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Article paru le 24 août 1899 dans Le Journal de Waterloo (Estrie),
à l'occasion du décès de Zoël Cyr-Miquelon.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Décédé en Alberta en 1899, Zoël Cyr-Miquelon fut d'abord inhumé
à Saint-Albert, principal village francophone d'Alberta. En 1913,
ses restes furent transférés au cimetière de Saint-Camille, où
son nom figure sur cet imposant monument.

(Photos : Daniel Laprès, 19 octobre 2019 ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

La rue Miquelon, à Saint-Camille, commémore Zoël Cyr-Miquelon.

(Photo : Daniel Laprès ; 19 octobre 2019)

Ce panneau commémoratif sur le thème "Les arts et la culture à Saint-Camille",
devant l'église du village, mentionne d'entrée de jeu Zoël Cyr-Miquelon.

(Photo : Daniel Laprès ; 19 octobre 2019 ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Parlant de nos poètes d'antan et oubliés, l'écrivaine Reine Malouin
(1898-1976), qui a longtemps animé la vie poétique au Québec, a 
affirmé que sans eux, « peut-être n'aurions-nous jamais très bien 
compris la valeur morale, l'angoisse, les aspirations patriotiques, 
la forte humanité de nos ancêtres, avec tout ce qu'ils ont vécu, 
souffert et pleuré ». 

Les voix de nos poètes oubliés nous sont désormais rendues. 
Le concepteur de ce carnet-web a publié l'ouvrage en deux 
tomes intitulé Nos poésies oubliées, qui présente 200 de
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