Alfred DesRochers (1901-1978) avec son épouse Rose-Alma Brault (1901-1964), à « Claire-Fontaine », résidence de Françoise Gaudet-Smet à Saint-Sylvère. (Source de la photo inconnue) |
La pluie a fait feuiller presque toutes les branches
Durant la nuit tiède qui vient de s'achever ;
Le jour est né sans aube au ras d'un ciel crevé
Entre un débris de flamme et quelques vapeurs blanches.
Il ramène l'odeur paisible des dimanches
Qui mesuraient le cours d'un temps à retrouver,
Quand l'enfant en demi-sommeil doit se lever
Avec un reste de fatigue dans les hanches.
Quelle qu'elle soit, l'heure est de partir
Sans qu'on puisse lier l'espoir au souvenir.
J'attends en vain qu'une clarine me régente.
C'est comme un film accéléré. La grive au toit
Sautille avec les ans : dix, vingt, trente, soixante,
Mais ne m'apporte rien que l'absence de TOI.
* * *
Nous avons tellement associé nos âmes
À ce coin de pays dès que nous l'avons vu
Qu'il nous était comme un terroir ressouvenu
Où, voilà quarante ans passés, nous nous aimâmes.
Les monts offraient la même ondulation de lames
Que les coteaux natals à notre œil ingénu
Et d'identiques pans de roche mis à nu
Par les éclats de foudre ou les ressauts de flammes.
De semblables oiseaux y chantaient. L'écureuil
Y venait, sautillant sur notre seuil,
Faire vibrer l'aigreur de son timbre électrique.
Puis, quand surgit la pleine lune au premier soir,
Nous vîmes au-dessus des bouleaux de la crique
Une branche de pin hausser un ostensoir.
* * *
Nous étions nés tous deux durant la même année
Comme le jeune siècle osait son premier pas ;
Nous avions partagé sa peine et ses ébats
Et nous l'avions suivi dans sa course effrénée.
Parfois, nous évoquions sa folle randonnée,
Ses élans vers le ciel et ses chutes à bas :
Première auto, premier avion, premiers combats
Où l'Occident allait jouer sa destinée.
Nous nous prenions à regretter ces jours lointains
Où le bonheur gardait encor des traits humains,
Où de deux petits riens s'enfantait une joie ;
Et, retrouvant le temps perdu, nous fredonnions,
Lorsqu'à l'ouest entre jour et nuit le ciel rougeoie,
Les paroles des airs qu'entonnent les pinsons.
Alfred DesRochers (1967)
Tiré de : Alfred DesRochers, Élégies pour l'épouse en-allée, Montréal, Parti pris, 1967, p. 53-54 ; p. 65-66 ; p. 87-88.
Pour en savoir plus sur Alfred DesRochers, voyez les divers documents présentés sous ses poèmes Désespérance romantique ; Ode au soleil d'hiver ; Hymne au vent du nord ; Je suis un fils déchu (cliquer sur les titres).
Le 18 novembre 1966, vingt-cinquième anniversaire de la mort du poète Émile Nelligan, Alfred DesRochers eut l'honneur de procéder au dévoilement de la stèle ornant sa tombe au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal. Au cours de l'imposante cérémonie, DesRochers a également dit le célèbre poème de Nelligan, Le vaisseau d'or. Le médaillon sur la stèle est une œuvre du sculpteur et poète Alonzo Cinq-Mars, dont les Poésies québécoises oubliées ont publié Illusion et Homère en balade à Québec. À droite de DesRochers, légèrement en arrière-plan, le comédien Albert Millaire, qui lui aussi prit part à la cérémonie en lisant un texte. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'élargir) |
Les Élégies pour l'épouse en-allée, dont trois des quarante-trois sonnets sont présentés ci-haut, ont été publiées pour la première fois en 1967. |
Édition récente (2020) des Élégies pour l'épouse en-allée. Le volume est disponible à petit prix dans toute bonne librairie. Pour informations, cliquer ICI. |
La Tribune (Sherbrooke), 23 novembre 1964. (Source : BANQ) |
Alfred DesRochers posant en 1953 avec son épouse Rose-Alma Breault à Claire-Fontaine, résidence de leur amie l'écrivaine animatrice de télévision Françoise Gaudet-Smet. Claire-Fontaine est situé à Saint-Sylvère, dans la région de Bécancour. (Source inconnue ; cliquer sur l'image pour l'élargir) |
Pour prendre connaissance d'une importante conférence
qu'Alfred DesRochers prononça en 1954, à Montréal,
sur la poésie canadienne-française de la première
moitié du vingtième siècle, cliquer sur cette image :
Procurez-vous l'un des quelques exemplaires encore disponibles
de Nos poésies oubliées, un volume préparé par le concepteur
du carnet-web des Poésies québécoises oubliées, et qui présente
100 poètes oubliés du peuple héritier de Nouvelle-France, avec
pour chacun un poème, une notice biographique et une photo
ou portrait. Pour se procurer le volume par Paypal ou virement
Interac, voyez les modalités sur le document auquel on accède
en cliquant sur l'image ci-dessous. Pour le commander par
VISA, cliquer ICI.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire