Medjé Vézina (1896-1981) (Source : La Revue des livres, Montréal, mars 1935) |
Ressurgissant des somnolences,
L'aube pointe, prélude, avance ;
Le firmament en bleu-lilas
Écoute évoluer son pas,
Si menu, perceptible à peine,
Traînant des lueurs qu'il égrène
Au long du bosquet engourdi
Où gîte encor un peu de nuit.
Un ciel laiteux, perlin, surplombe ;
Est-ce un ébrouement de colombe,
Ce bruit qui passe, si léger
Qu'on croirait entendre neiger ?
Non, cela court sur l'herbe lisse,
Où l'aube aux pieds d'ivoire glisse,
Touche l'épaule des bouleaux,
Entrouvre un nid fleuri d'oiseaux.
Tant de bonheur, tant de joie !
Il semble qu'une beauté noie
Ce que la lune a vu mourir.
Un rosier bouge et veut offrir
Au chemin sa hotte de roses ;
Le bourgeon se métamorphose,
Cœur étonné de l'univers.
Des teintes colorent l'éther .
Voici que le rayon superbe
Comme une averse envahit l'herbe.
Au fond d'un feuillage encore frais
L'aube a blotti son front de lait ;
Mais déjà les cigales grêles
Orchestrent leurs crissantes ailes,
Convoquent au plaisir la fleur
Dont le col courbait sous un pleur.
L'heure sonne, folle et stridente,
Et l'aube est un petit dieu mort ;
Car au balcon du ciel en pente
Rit le soleil aux cornes d'or !
Medjé Vézina* (1934)
Tiré de : Medjé Vézina, Chaque heure a son visage, Montréal, Éditions du Totem, 1934, p. 63-64.
* Ernestine dite Medjé Vézina est née à Montréal le 16 avril 1896, de Joseph-Damien Vézina, médecin, et de Fabiola Alain. Après des études au couvent de Lachine, qu'elle termina en 1914, elle fut lauréate de l'Académie de musique de Québec, puis en 1926, elle entra à titre de publiciste-stagiaire à l'École d'art paysan de Québec et devint codirectrice, avec Adrienne Choquette, de Terre et Foyer, revue d'éducation populaire publiée par le gouvernement du Québec.
Durant vingt-six ans, elle prépara l'édition mensuelle de la revue avec l'aide de deux illustratrices, Suzanne Auger et Cécile Lemieux. Entretemps, elle fut, de 1941 à 1944, rédactrice et directrice de la Revue des Fermières, publiée par le ministère de l'Agriculture du Québec.
En 1934, elle publia Chaque heure a son visage, son unique recueil de poésies. Elle participa, à l'Auditorium du Plateau à Montréal, au Grand gala de poésie organisé par la Société des écrivains canadiens-français à l'occasion de la tenue du Deuxième Congrès de la langue française au Canada. Elle a collaboré à divers périodiques dont Le Jour, la Revue populaire, la Revue moderne, Paysana, L'Émérillon, Elle prit sa retraite en 1961.
Son recueil Chaque heure a son visage est célébré dans les termes suivants par les critiques littéraires Laurent Mailhot et Pierre Nepveu : « [...] d'une passion généreuse et tourmentée, qui suffit à placer [Medjé Vézina] au tout premier rang des poètes de son époque. Souvent négligée parmi les voix féminines du début des années trente, Medjé Vézina les domine pourtant par la rigueur et l'intensité de son écriture ».
Medjé Vézina est morte à Québec le 4 avril 1981.
(Sources : Marie-Paule Desjardins, Dictionnaire biographique des femmes célèbres et remarquables de notre histoire, Montréal, éditions Guérin, 2007, p. 484 ; Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, tome 2, Montréal, éditions Fides, 1981, p. 215 ; Laurent Mailhot et Pierre Nepveu, La poésie québécoise des origines à nos jours, Montréal, éditions de L'Hexagone, 1981, p. 209).
De Medjé Vézina, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Mon rêve habite près des feuilles.
Chaque heure a son visage, recueil de Medjé Vézina d'où est tiré le poème Le petit pied nu de l'aube, ci-haut. Il ne reste sur le marché en ligne qu'un seul exemplaire de l'édition originale de 1934, voir ICI. Une réédition est disponible, voir ICI. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Dédicace manuscrite de Medjé Vézina dans son recueil Chaque heure a son visage. (Collection Daniel Laprès) |
Critique littéraire redouté, Albert Pelletier, fondateur des Éditions du Totem, est l'éditeur de l'unique recueil de Medjé Vézina, Chaque heure a son visage. Il était le père des grands comédiens Denise et Gilles Pelletier. La dédicace manuscrite que l'on voit ci-dessus se trouve dans un exemplaire du recueil de Medjé Vézina. Elle est adressée au journaliste Edmond Turcotte. (Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'élargir) |
Les pages littéraires des journaux de l'époque ne semblent avoir fait aucune mention de la mort de Medjé Vézina. Seule cette notice nécrologique est parue dans Le Soleil du 9 avril 1981. (Source : BANQ) |
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