Le vieux fort de Chambly (1876), par Henry Sandham. (Source : Musée national des beaux-arts du Québec) |
Ô mon vieux fort, reste debout,
Brave l'abandon et l'orage,
Dernier vestige d'un autre âge,
Résiste au temps qui détruit tout !
Le souffle enivrant des batailles
Peut ranimer tes hauts remparts :
C'est un beau champ de funérailles
Pour qui défend ses étendards !
Cueillons la fleur qui s'étiole
Oubliée au pied des débris !
Mon cœur sait connaître le prix
De toute vertu qu'on isole.
Hélas ! un outrageant oubli
Entoure la vieille relique !
Où donc est la race héroïque
Des défenseurs du Fort Chambly ?
Près du torrent couvert d'écume
Qui gronde son chant cadencé,
Mon enthousiasme s'allume
Au souvenir de son passé !
Cueillons la fleur qui s'étiole
Oubliée au pied des débris !
Mon cœur sait connaître le prix
De toute vertu qu'on isole.
Au temps où les fiers Iroquois,
Poussés d'une ardeur sanguinaire,
Apparaissaient sur la rivière
Avec la hache et le carquois,
Ses murs à ces farouches maîtres
Savaient commander le respect ;
Les ennemis de nos ancêtres
Tremblaient de peur à son aspect.
Cueillons la fleur qui s'étiole
Oubliée au pied des débris !
Mon cœur sait connaître le prix
De toute vertu qu'on isole.
Témoin des combats, des exploits
Qui firent jadis notre gloire,
Il me rappelle la mémoire
Du sang répandu pour nos droits.
Oh ! de nos nobles origines
Aimons les berceaux glorieux :
Sur les tombeaux, dans les ruines
Est le culte des fils pieux !
Cueillons la fleur qui s'étiole
Oubliée au pied des débris !
Mon cœur sait connaître le prix
De toute vertu qu'on isole.
Là furent les germes sacrés
D'où sortirent nos destinées ;
Malgré la trace des années,
Qu'ils soient à jamais vénérés !
Que l'ardente foi de nos pères,
Leur courage au sein du danger,
Dans la paix, les crises, les guerres,
Subsiste pour nous protéger !
Cueillons la fleur qui s'étiole
Oubliée au pied des débris !
Mon cœur sait connaître le prix
De toute vertu qu'on isole.
Canadien, pour d'autres combats,
Ton intelligence s'apprête.
Ne laisse point courber la tête,
Ne laisse point fléchir ton bras !
Contemple en ton âme attendrie
La grandeur de tes anciens jours.
Il fut un temps où la patrie
Sans partage avait tes amours !
Cueillons la fleur qui s'étiole
Oubliée au pied des débris !
Mon cœur sait connaître le prix
De toute vertu qu'on isole.
Benjamin Sulte (septembre 1867)
Tiré de : Benjamin Sulte, Les Laurentiennes, Montréal, Eusèbe Senécal Imprimeur Éditeur, 1870, p. 136-139.
Pour en savoir plus sur Benjamin Sulte, cliquer ICI.
De Benjamin Sulte, les Poésies québécoises oubliées ont également publié: Chant du soir ; Dans l'espace infini ; L'Histoire ; La Bonne Année ; Le pont Victoria.
Le poème Le fort de Chambly, ci-haut, est tiré du recueil Les Laurentiennes, de Benjamin Sulte (1841-1923) (Photo datée de 1870 tirée de : Hélène Marcotte, Benjamin Sulte, cet inlassable semeur d'écrits, Montréal, Éditions Lidec, 2001 ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le fort Chambly (vers 1858), par Cornelius Krieghoff. (Source : Le Corridor) |
Le fort Chambly en 1840, par J. T. Willmore d'après un tableau de William H. Bartlett. (Source : Antique Prints) |
Le fort Chambly en ruines, en 1907. (Source : BANQ) |
J.-Octave Dion (1838-1916) est celui à qui on doit la restauration et la préservation du fort Chambly. Il est donc celui grâce à qui se sont réalisés les vœux exprimés par Benjamin Sulte dans son poème, ci-haut. Dion a longtemps résidé dans le fort même. (Source : BANQ) |
Procurez-vous l'un des quelques exemplaires encore disponibles
de Nos poésies oubliées, un volume préparé par le concepteur
du carnet-web des Poésies québécoises oubliées, et qui présente
100 poètes oubliés du peuple héritier de Nouvelle-France, avec
pour chacun un poème, une notice biographique et une photo
ou portrait. Pour se procurer le volume par Paypal ou virement
Interac, voyez les modalités sur le document auquel on accède
en cliquant sur l'image ci-dessous. Pour le commander par
VISA, cliquer ICI.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire