dimanche 4 juillet 2021

Il aurait été grand... mais hélas il n'est plus...

Église Sainte-Anne, à Yamachiche. Construite en 1792, elle fut démolie en 1869. 
Elle occupait une partie du cimetière actuel d'Yamachiche. Charles-Emmanuel
 Dumoulin
, mort à 16 ans en 1840 et sujet des trois poèmes présentés ci-
dessous, a été inhumé dans la nef de cette église. Le curé de la paroisse
était son oncle, Sévère-Joseph-Nicolas Dumoulin (1793-1853).

(Source : L'abbé Napoléon Caron, Histoire de la paroisse d'Yamachiche
Trois-Rivières, P. V. Ayotte Libraire-Éditeur, 1892) 




PRÉSENTATION : 

   Charles-Emmanuel Dumoulin est né à Nicolet le 10 août 1823, de Charles-Julien Dumoulin, marchand et capitaine de milice, et d'Élisabeth Saupin. Orphelin de mère dès l'âge de deux ans puis de père trois ans plus tard, il fut, avec sa sœur, pris en charge par son oncle, l'abbé Sévère-Joseph-Nicolas Dumoulin, curé d'Yamachiche de 1825 à 1853 et qui fut notamment à l'origine de la fondation du village de Saint-Sévère, en Mauricie. 
   L'abbé Dumoulin avait à cœur l'instruction des enfants de sa paroisse, comme le rappelait l'historienne Marie-Claire Daveluy dans une étude parue en 1958 : « Pendant ses visites paroissiales, il interrogeait les enfants, cherchant à tirer d'eux des étincelles d'intelligence, distinguant ceux qu'il était bon de mettre aux écoles supérieures. Dans bien des cas, si les moyens manquaient ou n'étaient pas suffisants, il y suppléait de sa bourse. Aussi la paroisse d'Yamachiche était-elle de celles qui donnaient le plus grand nombre d'élèves au Séminaire de Nicolet ». 
 On comprendra dès lors que l'abbé Dumoulin paya les études de son neveu Charles-Emmanuel au Séminaire de Nicolet, où il entra à l'automne 1833. Il mourut à l'âge de 16 ans le 18 février 1840 au presbytère d'Yamachiche, probablement du typhus. 
  Au Séminaire, Charles-Emmanuel fut non seulement l'un des meilleurs élèves, mais aussi l'un des plus appréciés de ses camarades, comme en font foi les mentions à son sujet parues à l'occasion de son décès dans quelques journaux de l'époque, de même que les trois poèmes poignants présentés ci-dessous et que des camarades de classe ont composés et publiés dans au moins trois journaux, dont deux fois en première page. 
(Sources : Marie-Claire Daveluy citée dans Claude Lessard, Le Séminaire de Nicolet 1803-1969, Trois-Rivières, Éditions du Bien public, 1980, p. 144 ; L'abbé J.-A.-Irénée Douville, Histoire du collège-séminaire de Nicolet 1803-1903, tome 2, Montréal, Librairie Beauchemin, 1903 ; L'abbé Napoléon Caron, Histoire de la paroisse d'Yamachiche, Trois-Rivières, P. V. Ayotte Libraire-Éditeur, 1892, p. 70-78 ; J.-Alide Pellerin, Yamachiche et son histoire 1672-1978, Trois-Rivières, Éditions du Bien public, 1980 ; journal L'Ami du peuple, de l'ordre et des lois, 26 février 1840 ; Dictionnaire biographique du clergé canadien-français : les anciens, Montréal, Imprimerie de l'École catholique des Sourds-Muets, 1910, p. 192-193 ; site Nos Origines).


Mention du décès de Charles-Emmanuel Dumoulin dans le journal 
L'Ami du peuple, de l'ordre et des lois du 26 février 1840.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'article pour l'élargir)



Le poème ci-dessous parut le 26 février 1840 dans L'Ami du peuple, de l'ordre et des lois.


Élégie sur la mort de 
Charles Dumoulin, étudiant 

   Comme la rose qui naît avec l'aurore
   Et qui le soir déjà se décolore, 
   La feuille sur l'aile des vents,
   Ainsi dans l'immensité du temps
   Passent les jours de notre vie...
   L'ange de la mélancolie
   Retient dans les bras de la mort
   Celui qu'un trop malheureux sort
   Ravit, hélas ! à sa famille.
   Une nouvelle clarté brille,
   Succède à la nuit de ses jours ;
   Le Seigneur arrête son cours, 
   Il le retire de ce monde
   Où sans cesse l'orage gronde. 

   Sa mort a touché tous les cœurs, 
   Tous ses confrères sont en pleurs !
   Depuis peu la mort les afflige :
   Les coups mortels qu'elle dirige
   Tombent sur de pieux enfants
   Qui n'ont vu que quinze printemps...

   Hélas ! un oncle respectable
   Pleure sur cet enfant aimable ; 
   Il fit le bonheur d'une sœur, 
   Maintenant il fait sa douleur.
   À Dieu qui vers Lui le rappelle,
   Constamment il resta fidèle. 

                            Signé : « P. C. » (paru dans L'Ami du peuple, 
                            de l'ordre et des lois, 26 février 1840, p. 1)



Le poème ci-dessus parut dans L'Aurore des Canadas le 3 mars 1840.

Élégie sur la mort de 
Charles-Emmanuel Dumoulin,
décédé à Yamachiche

   D'une vertu constante aux douces loi fidèle, 
   Il fut de l'ami vrai la gloire et le modèle ;
   Et son nom qui devait faire verser des pleurs,
   Pousser tant de sanglots, de soupirs, de douleurs,
   Répandait parmi nous une pure allégresse.
   Qui croyait que bientôt une sombre tristesse
   Devait être le prix de tant d'accents joyeux ?
   À ces beaux sentiments, qui croyait qu'à ces jeux,
   L'inexorable mort, le touchant de son aile, 
   Mettrait si vite fin ? Qui, qu'une nuit éternelle,
   De son ombre cruelle, infecterait ses jours ?
   Mais s'il est mort sitôt, nous l'aimerons toujours.

   De ses parents chéris il était les délices. 
   D'un d'entre eux la vertu, féconde en sacrifices,
   Loin des pompes du monde, encore à son printemps,
   Avait à Dieu voué le matin de ses ans.
   C'est là qu'on admirait son humeur enjouée,
   Ses talents, et bien plus sa piété formée
   À l'école propice à toutes les vertus.
   Il aurait été grand... hélas il n'est plus...

   Vous ne le verrez pas, beaux lieux que son enfance
   Affectionna toujours, de sa reconnaissance
   Vous offrir de nouveau le tribut mérité...
   Mais que dis-je ? Déjà vous l'avez regretté ;
   À ses nombreux amis vous ouvrez la carrière...
   De leur père privés ainsi que de leur mère,
   Une sœur avec lui coulaient des jours heureux, 
   Trouvant pour leur bonheur un secours généreux
   Dans la bonté d'un oncle à leurs besoins propice.
   Aux accents consternés que notre voix s'unisse,
   De cette sœur chérie, à sa juste douleur
   Dont lui font un devoir sa peine et son malheur,
   Présentons-lui humblement un cœur plein de tendresse
   Pour l'objet regretté de sa vive tristesse...

   Eh ! juste ciel ! Partout où je jette le regard,
   Je n'y vois, affligé, que la mort d'une part, 
   Et de l'autre le deuil qu'une famille sage
   Revêt, le front baissé, pour unique partage. 
   Mais toi, son bienfaiteur, qui veillais sur ses ans,
   Que ton angoisse est grande et tes soucis cuisants !
   Le Ciel te l'a donné par un prompt sacrifice,
   Il veut sans murmurer que l'on te le ravisse,
   Et ton coeur aussitôt obéit à sa voix.  

   Modèle de gaieté, pour la dernière fois
   Vous le vîtes quittant à regret votre rive...
   Vous prêtez à sa mort une oreille attentive...
   Mais voulant adoucir un chagrin immortel,
   Ô vous, ses compagnons, levez les yeux au ciel...

                                Signé : « Un confrère » (paru dans L'Ami du peuple, 
                                de l'ordre et des lois, 29 février 1840 et dans 
                                L'Aurore des Canadas, 3 mars 1840).



Amis, Charles n'est plus ! 


 « Le séminaire de Nicolet déplore encore la perte de l'un de ses plus intéressants élèves, Charles Emmanuel Dumoulin, étudiant en Rhétorique, décédé à Yamachiche le 18 février, à l'âge de seize ans, six mois et huit jours,, et fils de feu Jules Dumoulin, écuyer. 
   Privé des auteurs de ses jours dès ses plus tendres années, il trouva un soutien, un second père dans la personne de son oncle, le respectable curé de Ste-Anne d'Yamachiche. 
   Les restes du défunt ont été déposés dans l'église du lieu jeudi, le vingt, avec un concours extraordinaire, augmenté de presque toute la communauté du Séminaire de Nicolet. 
   Sensible à la perte de cette jeune victime, et partageant vivement le deuil commun, un de ses amis exprime ainsi ses regrets » : 


   Amis, Charles n'est plus !... De ses cruelles mains
                 La mort impitoyable
   A couvert ses beaux jours, ses jours purs et sereins
                 D'un voile impénétrable !

   À peine de la vie a-t-il vu le printemps
                 Que déjà de la tombe
   Il a connu la nuit, et les trop courts instants
                 De la rose qui tombe.

   Hélas ! un Dieu jaloux du mérite des siens
                 Ravit, à son aurore, 
   Cet ami du Seigneur, dont les ans tous chrétiens
                 Nous instruisent encore. 

   Sur son front toujours pur se peignait la candeur,
                 Sans crainte et sans alarmes ;
   Et la loi du trépas, si terrible au pécheur, 
                 Avait pour lui des charmes. 

   Ô grand Dieu, quel est donc de ton juste courroux
                 La divine puissance ?
   Jusques à quand encor vas-tu faire sur nous
                 Retomber ta vengeance ?...

   Loin de nous, vains regrets, pour celui que le Ciel
                 A déjà dans sa gloire
   Admis et couronné d'un triomphe éternel,
                 D'une illustre mémoire !...

   Ô toi, qui de ses jours fus le plus ferme appui,
                 Protecteur de l'enfance,
   Ton âme se plaisait à répandre sur lui
                 Tes dons en abondance...

   Mais il n'est déjà plus ! Et de tous les heureux
                  Que font tes dons propices,
   Charles fut le plus cher à ton cœur généreux,
                  Nourri de sacrifices !

   Ah ! sans doute qu'au Ciel, pour tes utiles jours
                  Son âme s'intéresse,
   Et fera qu'avec lui tu jouisses toujours
                  De la plus sainte ivresse.

                                        Signé : « Un de ses amis » (paru dans La 
                                        Gazette de Québec, 3 mars 1840, et dans 
                                        L'Ami du peuple, de l'ordre et des lois
                                        4 mars 1840). 
                                          


Les trois poèmes ci-haut en mémoire de 
Charles-Emmanuel Dumoulin sont tirés
du volume quatrième des Textes poétiques
du Canada français
, Montréal, Fides,
1991, p. 272-276.

(Cliquer sur l'image pour l'élargir)

Le Séminaire de Nicolet tel que l'a connu Charles-Emmanuel Dumoulin,
qui y fut élève de 1833 à son décès à 16 ans en février 1840.

(Source : L'abbé J.-A.-Irénée Douville, Histoire du collège-séminaire de
Nicolet 1803-1903
, tome 2, Montréal, Librairie Beauchemin, 1903).

L'abbé Sévère-J.-N. Dumoulin (1793-1853),
oncle et bienfaiteur de Charles-Emmanuel
Dumoulin. Il fut curé d'Yamachiche de
1825 à sa mort, soit durant 28 ans.

(Source : BANQ)

Le jeune Charles-Emmanuel Dumoulin a assurément connu cette imposante
statue de Sainte Anne, que son oncle le curé Sévère-J.-N. Dumoulin avait
fait ériger en 1832 sur le fronton de l'ancienne église d'Yamachiche et qui
se trouve maintenant au cœur du cimetière paroissial.

(Photo : Daniel Laprès, 30 juin 2021 ; cliquer sur l'image pour l'élargir)


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