Louis Riel (1844-1885) (Source : BANQ) |
(Fragments)
Sir John A. Macdonald gouverne avec orgueil
Les provinces de la Puissance.
Et sa mauvaise foi veut prolonger mon deuil
Afin que son pays l'applaudisse et l'encense.
Au lieu de la paix qu'il me doit,
Au lieu de respecter d'une manière exacte
Notre pacte
Et mon droit,
Depuis bientôt dix ans, Sir John me fait la guerre.
Un homme sans parole est un homme vulgaire,
Fort ou faible d'esprit, moi, je le montre du doigt. [...]
Il a beau revêtir des façons imposantes,
Il a beau se fier sur son habileté,
Il rendra compte un jour, au Seigneur irrité,
De ses injustices criantes.
Ses discours sont fins ; c'est le chef du Parlement,
Il est assis parmi les princes du royaume,
Mais à peine Sir John sera-t-il un atome
Lorsque Dieu le fera paraître au jugement.
Et qui sait même, dès ce monde,
S'il ne faudra pas qu'il réponde
De n'avoir été qu'un meneur
Sans principes et sans honneur.
Tandis que ce géant des Communes étale
Devant Son Altesse Royale
Ses qualités de diplomate,
Moi je me fortifie, et mon cœur se dilate,
Dans ce que la Souffrance offre de plus exquis. [...]
Le candidat battu de Kingston s'est permis
Plus d'une ruse en sa carrière,
C'est ainsi qu'il ternit sa réputation ;
Un renard hors de sa tanière
Fait aussi bien des tours dignes de mention.
Et souvent Sir John tache encore sa renommée
Auprès d'une carafe, en abusant du vin,
Et quand bien même la fumée
De son cigare est parfumée,
Cela l'empêche-t-il d'être un ministre vain ? [...]
Que l'Anglais soit ce qu'il voudra,
Qu'il soit religieux à sa manière anglaise,
Il faut que moi je vive autant qu'il me plaira
Selon la bonne foi catholique et française.
S'il veut me gêner là-dessus,
Je saurai conserver dans mon âme assez forte
Les principes que j'ai reçus.
Je me rirai de lui, je passerai sa porte
En disant :
« Malfaisant,
Que le diable, après tout, si tu le veux, t'emporte ! »
Ô Dieu Puissant ! Daignez protéger les Métis,
Que déjà les Anglais ont presque anéantis. [...]
Je ne souhaite pas, Sir John, que votre mort
Soit pleine de tourments, mais ce que je désire
C'est que vous connaissiez et souffriez le remords,
Parce que vous m'avez mangé, comme un vampire.
L'horizon, tout le ciel m'apparaissait vermeil.
Vous avez accablé de soucis mon jeune âge
Et vous êtes sur moi comme un épais nuage
Qui dérobe à mes yeux la clarté du soleil. [...]
Vos moyens d'action, John, ne sont pas les miens.
Mes amis ont souffert de ma grande folie.
Ils s'en consoleront car elle fut jolie.
Vous n'effacerez pas mon passé, car j'y tiens.
Vous, vous serez comme pour le hardi mensonge.
C'est à vous que j'en veux pour ma proscription.
Je fais mon temps d'exil, et je mange mon rouge
Et je suis, malgré vous, chef de ma nation.
Je n'abandonne pas mon plan, je l'étudie.
Et je l'ai travaillé d'une façon hardie.
J'ai trouvé ce que je voulais.
Je vous connais à fond maintenant, peuple anglais.
Le Bas-Canada n'est pas libre
Avec vous, comme on le prétend.
Vous souffrez quand un nom canadien-français vibre,
Vous tâchez de l'abattre en le persécutant.
Vous avez rempli d'amertume
La grande âme de Papineau.
Et notre historien Garneau
Ne vous a pas encore mis assez sous sa plume,
Quoiqu'il ait souvent buriné la vérité
Sur votre compte avec beaucoup de netteté.
Nous sommes, grâce à Dieu, nés pour les idées belles,
Pour les actes d'honneur et de beau dévouement !
Nous avons de l'essor pour les vertus réelles,
Mais votre faux gouvernement
Pèse sur nous sans cesse et nous coupe les ailes. [...]
Vous admirez nos sœurs pour haïr nos couvents,
Vous détestez nos séminaires
Autant que nos missionnaires.
Et moi je vous ai vu rire de nos savants. [...]
Un peuple a beau porter une puissante armure,
S'il fait une injustice il n'est pas bien gardé.
Aussitôt que d'un mal la conséquence est mûre
Elle éclate, et malheur quand elle a retardé.
Si vous ne voulez pas que notre fière race
Se détache aussitôt de vous,
Traitez-la comme il faut, puisqu'elle est à sa place.
Ne vous en montrez pas intensément jaloux.
Louis Riel (Saint-Joseph, Dakota, Août 1879)
Fragments tirés de : Louis "David" Riel, Poésies religieuses et patriotiques, Montréal, Imprimerie de L'Étendard, 1886, p. 37-51.
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Pour lire ou télécharger le poème complet dont
les strophes présentées ci-haut ne sont que des
fragments, cliquer sur cette image :
John A. Macdonald, premier Premier ministre du Canada, persécuteur des Métis et des Canadiens-français, qui parvint en 1885 à faire mettre à mort Louis Riel, qui l'avait critiqué de manière virulente dans le poème dont des fragments sont présentés ci-haut. (Source : Encyclopedia Britannica) |
Carte mortuaire produite suite à la pendaison de Louis Riel le 16 novembre 1885.par le régime fédéral canadien dirigé par John A. Macdonald, (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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