mardi 12 mai 2020

À Sir John A. Macdonald

Louis Riel (1844-1885)

(Source : BANQ)




        (Fragments)

   Sir John A. Macdonald gouverne avec orgueil
          Les provinces de la Puissance.
   Et sa mauvaise foi veut prolonger mon deuil
   Afin que son pays l'applaudisse et l'encense.

          Au lieu de la paix qu'il me doit, 
   Au lieu de respecter d'une manière exacte
                       Notre pacte
                       Et mon droit,
   Depuis bientôt dix ans, Sir John me fait la guerre.
   Un homme sans parole est un homme vulgaire,
   Fort ou faible d'esprit, moi, je le montre du doigt. [...]

   Il a beau revêtir des façons imposantes,
   Il a beau se fier sur son habileté, 
   Il rendra compte un jour, au Seigneur irrité,
          De ses injustices criantes.

   Ses discours sont fins ; c'est le chef du Parlement,
   Il est assis parmi les princes du royaume,
   Mais à peine Sir John sera-t-il un atome
   Lorsque Dieu le fera paraître au jugement.

          Et qui sait même, dès ce monde,
          S'il ne faudra pas qu'il réponde
          De n'avoir été qu'un meneur
          Sans principes et sans honneur. 

   Tandis que ce géant des Communes étale
          Devant Son Altesse Royale
          Ses qualités de diplomate,
   Moi je me fortifie, et mon cœur se dilate,
   Dans ce que la Souffrance offre de plus exquis. [...] 

   Le candidat battu de Kingston s'est permis
          Plus d'une ruse en sa carrière,
   C'est ainsi qu'il ternit sa réputation ;
          Un renard hors de sa tanière 
   Fait aussi bien des tours dignes de mention.

   Et souvent Sir John tache encore sa renommée
   Auprès d'une carafe, en abusant du vin, 
          Et quand bien même la fumée 
          De son cigare est parfumée,
   Cela l'empêche-t-il d'être un ministre vain ? [...]

   Que l'Anglais soit ce qu'il voudra,
   Qu'il soit religieux à sa manière anglaise,
   Il faut que moi je vive autant qu'il me plaira 
   Selon la bonne foi catholique et française. 

          S'il veut me gêner là-dessus,
   Je saurai conserver dans mon âme assez forte
          Les principes que j'ai reçus.
   Je me rirai de lui, je passerai sa porte 
                       En disant : 
                       « Malfaisant, 
   Que le diable, après tout, si tu le veux, t'emporte ! »

   Ô Dieu Puissant ! Daignez protéger les Métis, 
   Que déjà les Anglais ont presque anéantis. [...]

   Je ne souhaite pas, Sir John, que votre mort
   Soit pleine de tourments, mais ce que je désire
   C'est que vous connaissiez et souffriez le remords,
   Parce que vous m'avez mangé, comme un vampire.

   L'horizon, tout le ciel m'apparaissait vermeil.
   Vous avez accablé de soucis mon jeune âge
   Et vous êtes sur moi comme un épais nuage
   Qui dérobe à mes yeux la clarté du soleil. [...]

   Vos moyens d'action, John, ne sont pas les miens.
   Mes amis ont souffert de ma grande folie.
   Ils s'en consoleront car elle fut jolie.
   Vous n'effacerez pas mon passé, car j'y tiens.

   Vous, vous serez comme pour le hardi mensonge.
   C'est à vous que j'en veux pour ma proscription.
   Je fais mon temps d'exil, et je mange mon rouge
   Et je suis, malgré vous, chef de ma nation. 
   Je n'abandonne pas mon plan, je l'étudie. 
   Et je l'ai travaillé d'une façon hardie.
          J'ai trouvé ce que je voulais.
   Je vous connais à fond maintenant, peuple anglais.

          Le Bas-Canada n'est pas libre
          Avec vous, comme on le prétend. 
   Vous souffrez quand un nom canadien-français vibre,
   Vous tâchez de l'abattre en le persécutant. 
          Vous avez rempli d'amertume
          La grande âme de Papineau

          Et notre historien Garneau
   Ne vous a pas encore mis assez sous sa plume,
   Quoiqu'il ait souvent buriné la vérité
   Sur votre compte avec beaucoup de netteté.

   Nous sommes, grâce à Dieu, nés pour les idées belles,
   Pour les actes d'honneur et de beau dévouement ! 
   Nous avons de l'essor pour les vertus réelles,
          Mais votre faux gouvernement
   Pèse sur nous sans cesse et nous coupe les ailes. [...]

   Vous admirez nos sœurs pour haïr nos couvents,
          Vous détestez nos séminaires
          Autant que nos missionnaires.
   Et moi je vous ai vu rire de nos savants. [...]

   Un peuple a beau porter une puissante armure,
   S'il fait une injustice il n'est pas bien gardé.
   Aussitôt que d'un mal la conséquence est mûre
   Elle éclate, et malheur quand elle a retardé. 

   Si vous ne voulez pas que notre fière race
          Se détache aussitôt de vous,
   Traitez-la comme il faut, puisqu'elle est à sa place.
   Ne vous en montrez pas intensément jaloux. 

                      Louis Riel (Saint-Joseph, Dakota, Août 1879)



Fragments tirés de : Louis "David" Riel, Poésies religieuses et patriotiques, Montréal, Imprimerie de L'Étendard, 1886, p. 37-51.  

Pour en savoir plus sur Louis Riel, cliquer ICI


Pour lire ou télécharger le poème complet dont 
les strophes présentées ci-haut ne sont que des 
fragments, cliquer sur cette image : 


Gravure représentant Louis Riel reproduite dans
son recueil posthume Poésies religieuses et
politiques
, paru quelques mois après sa mise
à mort et duquel sont extraits les fragments
présentés ci-haut de son poème À Sir John
A. Macdonald
.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

John A. Macdonald, premier Premier ministre
du Canada, persécuteur des Métis et des
Canadiens-français, qui parvint en 1885 à
faire mettre à mort Louis Riel, qui l'avait
critiqué de manière virulente dans le poème
dont des fragments sont présentés ci-haut.


(Source : Encyclopedia Britannica)

Carte mortuaire produite suite à la pendaison
de Louis Riel le 16 novembre 1885.par le
 régime fédéral canadien dirigé par John A.
 Macdonald,

(Source : BANQ ; cliquer sur
l'image pour l'agrandir)

On peut commander en librairie ou en ligne ce recueil 
de poésies de jeunesse de Louis Riel, produit par une 
maison d'édition franco-manitobaine. Une bonne manière
 d'appuyer les nôtres nôtres de là-bas. Cliquer sur la 
couverture pour les informations : 



Procurez-vous l'un des quelques exemplaires encore disponibles 
de Nos poésies oubliées, un volume préparé par le concepteur 
du carnet-web des Poésies québécoises oubliées, et qui présente
100 poètes oubliés du peuple héritier de Nouvelle-France, avec
pour chacun un poème, une notice biographique et une photo
ou portrait. Pour se procurer le volume par Paypal ou virement 
Interac, voyez les modalités sur le document auquel on accède
en cliquant sur l'image ci-dessous. Pour le commander par
VISA, cliquer ICI.

1 commentaire:

  1. Se rappeler d'où l'on vient pour nous guider vers l'avenir de notre Nation ... et se souvenir que la tradition canadienne envers nous ne s'est jamais démentie !

    RépondreSupprimer