mercredi 13 février 2019

Tempête

James-Émile Prendergast (1858-1945)

(Source : Musée de la civilisation du Québec ; 
fonds d'archives du Séminaire de Québec)





   Noir démon de la nuit, ô Tempête, je t'aime !
   Ta voix stridente et forte en mon coeur vient vibrer.
   Ton effort orageux me révèle à moi-même,
   Je respire ton souffle et me prends à pleurer. 

   Emporte-moi bien loin dans les vents et la brume.
   Ce front triste et brûlant, peux-tu le rafraîchir ?
   Fais tomber dans mon coeur tes torrents, ton écume,
                     Et, dis-moi, peux-tu le remplir ?

   Escalade des monts l'inabordable crête ; 
   Donne, comme à la mer, des vagues au glacier ;
   Ravage, emporte, brise, et que rien ne t'arrête ! 
   Mais lorsque tout s'abat sous ton souffle, ô Tempête,
   Ah ! ne crois pas pouvoir me briser tout entier. 

   Toi qui veut le néant, que peux-tu sur mon âme ?
   Quand tes eaux ont rempli les ravines d'horreur,
   Tes torrents sauraient-ils éteindre cette flamme
   Qu'avec la vie un jour m'insuffla le Seigneur ?

   Si je suis ton jouet, je suis aussi ton maître.
   Tes vents s'apaiseront : moi je ne peux mourir.
   Tu peux bien me briser, tu ne détruis pas l'être ;
   Ton effort impuissant m'apprend à me connaître,
                     Tu ne peux pas m'anéantir !

                     Puis au-delà de la tourmente
                     Les cieux sont toujours étoilés.
                     Plus haut que ta rage impuissante
                     Mon âme plane triomphante :
                     ― Mugissez, aquilons, soufflez ! 

                                 P.-E.-J. Prendergast *(1882)




Tiré de : Jules Fournier, Anthologie des poètes canadiens, Montréal, 1920, p. 119.  

*  Fils de James Prendergast et d'Émilie Gauvreau, Pierre-Émile-James Prendergast est né à Québec le 22 mars 1858. Après ses études au Séminaire de Québec et à l'université Laval, il fut admis au Barreau en 1881. L'année suivante, il s'établit au Manitoba, où il exerça sa profession d'avocat. En 1885, il participa à la défense de Louis Riel et, la même année, il présida une assemblée de protestation contre la condamnation de Riel. Il épousa à Saint-Boniface, en juillet 1886, Olivina Mondor. Ils eurent 17 enfants.
   Il prit tôt une part active à la vie politique manitobaine et siégea à l'Assemblée législative de 1885 à 1897. En 1893 et 1896, il a été aussi maire de Saint-Boniface. Membre du cabinet dans le gouvernement de Thomas Greenway, il occupa le poste de secrétaire provincial en 1888-89. Il rompit avec le parti libéral à cause de la trahison de ce parti sur la question des écoles françaises du Manitoba. En 1897, il débuta une carrière de juge.
   Engagé en faveur des droits des Franco-Manitobains et Métis, J.-Émile-Pierre Prendergast a aussi été président de l'Association Saint-Jean-Baptiste du Manitoba.  En 1916, il ne laissa point ses fonctions de juge le museler au moment où les droits des Franco-manitobains étaient de nouveau attaqués, et il devint le premier président de l'Association canadienne-française d'éducation du Manitoba.
   Poète à ses heures, il a publié Soir d'automne, en 1881, et des poèmes dans quelques journaux et périodiques. Il fut rédacteur associé du journal Le Manitoba, et fondateur-rédacteur du journal français Le Trappeur, qui ne parut que peu de temps.
   Pierre-Émile-James Prendergast est mort à Winnipeg le 18 avril 1945. 
(Sources : Le Devoir, 19 avril 1945, p. 1 ; Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, tome 1, Montréal, éditions Fides, 1980, p. 682 ; Manitoba Archival Information Network). 

De P.-E.-J. Prendergast, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Ce que renferme la fleur qui tombe


D'abord paru dans la revue Nouvelles soirées canadiennes
en mai 1882, le poème Tempête, ci-haut, a par la suite été
publié en 1920 dans l'Anthologie des poètes canadiens, de
Jules Fournier, puis en 1990 dans l'Anthologie de la poésie
franco-manitobaine
, de J. R. Léveillé. On peut facilement se
procurer cette dernière dans toute bonne librairie, voir ICI.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

P.-E.-J. Prendergast

(Source : Assemblée
législative du Manitoba)

James Prendergast en 1922 à Saint-Boniface (Manitoba), municipalité francophone
où il résidait. On le voit, à gauche, en compagnie de François-Xavier Lemieux, avocat
qui fit partie avec Prendergast de l'équipe de défense de Louis Riel, et d'Arthur Déry.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Omer Héroux, rédacteur en chef du Devoir, publia le 19 avril 1945 ce
vibrant hommage à la mémoire de P.-E.-J. Prendergast, mort la veille.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Mention de la mort de P.-E.-J. Prendergast dans la revue
Le Canada français, de l'Université Laval à Québec, en
mai 1945, un mois après la mort de Prendergast.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)



Parlant de nos poètes d'antan et oubliés, l'écrivaine Reine Malouin
(1898-1976), qui a longtemps animé la vie poétique au Québec, a 
affirmé que sans eux, « peut-être n'aurions-nous jamais très bien 
compris la valeur morale, l'angoisse, les aspirations patriotiques, 
la forte humanité de nos ancêtres, avec tout ce qu'ils ont vécu, 
souffert et pleuré ». 

Les voix de nos poètes oubliés nous sont désormais rendues. 
Le concepteur de ce carnet-web a publié l'ouvrage en deux 
tomes intitulé Nos poésies oubliées, qui présente 200 de
de nos poètes oubliés, avec pour chacun un poème, une
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