Pierre Garnot (1801-1869) (Source : Le Répertoire national, vol. 2) |
La Rose et l'Immortelle en un même jardin
S'entretenaient un jour ensemble ;
Chacune plaignait son destin.
« Que mon sort est affreux, amie, ah ! qu'il me semble
Que ma triste immortalité
N'est rien près de votre beauté ;
Oh ! oui, je céderais sans peine,
Pour le moindre de vos appas,
Cette immortalité qui me gêne et m'enchaîne
Et dont je ne fais aucun cas ».
À la Rose en ces mots s'adressait l'Immortelle,
Pleurant sur sa condition,
Sacrifiant tout autre don
Au plaisir d'être belle.
« Que votre plainte est indiscrète,
Lui disait la Rose à son tour.
Si vous saviez quelle peine secrète
Me vient consumer chaque jour.
Je possède, il est vrai, des charmes,
Je l'emporte sur mes compagnes
Par mon éclat et mes attraits ;
Mais puis-je jouir du bonheur ? Jamais.
Faites attention à mon peu de durée :
Vous voyez la même journée
Bien souvent éclairer et flétrir mes appas.
Non, ma chère, je ne crois pas
Que mon destin soit préférable
À celui dont vous jouissez ;
Le vôtre est bien plus agréable
Que celui que vous m'enviez.
Il est vrai, vous n'êtes point belle,
Mais quel bonheur pour vous : vous êtes éternelle ».
Elle aurait parlé plus longtemps,
Mais le jardinier survenant
La force à céder la parole.
« Cessez votre plainte frivole,
Mes belles, leur dit-il d'un air tout courroucé ;
Quand même Jupin irrité
Se rendrait à votre désir,
Vous n'en seriez pas plus contentes ;
Vous le feriez encor souffrir
Par vos clameurs impertinentes.
Taisez-vous, ne dites mot,
Remerciez-le de votre lot.
Vous raisonnez comme les hommes :
Il n'est dans le siècle où nous sommes
Personne content de son sort ;
Et c'est sur Jupiter que tombe tout le tort.
Depuis l'habitant des chaumières
Jusqu'au plus puissant potentat,
Chacun se plaint de ses misères,
Nul n'est content de son état.
Mais le maître des Dieux, fatigué de leurs plaintes
Et de leurs soupirs ennuyeux,
Désormais ne veut plus écouter leurs complaintes,
Et je crois qu'il fera bien mieux :
Car de pouvoir toujours contenter tout le monde,
Il n'est rien de si rare en la machine ronde.
Cessez donc de chercher un destin plus heureux :
Aimez l'état où vous ont mis les Dieux ».
Pierre Garnot* (1842)
Tiré de : Le Répertoire national, volume 2, Montréal, J. M. Valois & Cie Libraires-Éditeurs, 1893, p. 316-318.
* Pierre Garnot est né à Montréal le 29 juin 1801, de Jean-Pierre Garnot et de Véronique Gagnier. À l'âge de dix ans, il entra au Collège de Montréal où il fit ses études classiques. Il prit la soutane en 1819 et la garda durant sept ans comme professeur dans la maison où il avait fait ses études. Il étudia ensuite le droit durant deux ans. Il se maria à Saint-Joseph-de-Chambly le 11 avril 1831 avec Julie Éléonore Morin.
Il fut ensuite professeur au Collège de Chambly, où il enseigna de 1830 à 1836 et dont on considère qu'il fut l'un des fondateurs. En 1836, il fut rédacteur pendant six mois du journal L'Écho du Pays, puis il enseigna au Collège de l'Assomption jusqu'en 1844.
Installé à Montréal à partir de 1844, il donna des cours privés de latin et de français. Diverses institutions d'enseignement anglophones requirent ses services comme professeur de français.
Il fut aussi l'un des fondateurs de l'Académie commerciale catholique de Montréal, une école scientifique et industrielle également nommée École du Plateau (située sur le site actuel de la Place des Arts), qu'il regardait comme son œuvre la plus importante et où il enseigna depuis la fondation de cet établissement, en 1853, jusqu'à sa mort survenue à Montréal le 15 février 1869.
Dans les années précédant son décès, il s'était particulièrement consacré à l'enseignement des jeunes enfants. Il était également un membre actif de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.
Il fut aussi l'un des fondateurs de l'Académie commerciale catholique de Montréal, une école scientifique et industrielle également nommée École du Plateau (située sur le site actuel de la Place des Arts), qu'il regardait comme son œuvre la plus importante et où il enseigna depuis la fondation de cet établissement, en 1853, jusqu'à sa mort survenue à Montréal le 15 février 1869.
Dans les années précédant son décès, il s'était particulièrement consacré à l'enseignement des jeunes enfants. Il était également un membre actif de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.
(Sources : Anastase Forget, Histoire du collège de l'Assomption, Montréal, 1933, p. 470 ; Le Répertoire national, volume 2, Montréal, J. M. Valois & Cie Libraires-Éditeurs, 1893, p. 222 ; Le Courrier du Canada, 19 février 1869)
La fable poétique La Rose et l'Immortelle, ci-haut, est parue dans le deuxième tome du Répertoire national, que l'on peut ICI consulter ou télécharger gratuitement. |
Pierre Garnot fut bien regretté lors de son décès, comme en témoigne cet article paru dans Le Courrier du Canada du 19 février 1869. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Mention du décès de Pierre Garnot dans le numéro de mars 1869 de L'Écho du Cabinet de lecture paroissial. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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