samedi 20 juin 2020

Heures de soleil

Alfred Morisset (1843-1896)

(Source : son recueil posthume
Ce qu'il a chanté)



                  À ma sœur.

   Le soir, quand tout se tait sous la vaste empyrée,
   Bien souvent ma pensée erre dans le lointain,
   Cherchant à se refaire une image sacrée
               Des jours de mon matin.

   Et ce doux souvenir tout rempli de lumière,
   Noble et resplendissant comme un soleil de mai,
   Semble animer encor de sa chaleur première
               Les objets que j'aimai. 

   Et puis, je crois sentir sur mon front qui se ride
   Les baisers que ma mère y déposait le soir,
   Lorsque tout près de moi, pour un instant rapide,
               Elle venait s'asseoir. 

   Et les petits dodos que nous faisions ensemble
   Près du poêle chantant, sur le même oreiller !
   Souvent j'y pense encor, maintenant que je tremble
               De ne pas sommeiller.

   Et je revois aussi ces bons amis d'enfance
   Qui venaient partager nos plaisirs et nos jeux ;
   Il fallait peu de chose, en ce temps d'innocence,
               Pour faire des heureux. 

   T'en souvient-il, ma sœur, de ces heures bénies,
   Où nos cœurs battaient dru des mesures sans fin,
   En se laissant bercer aux douces harmonies
               Du soir et du matin ?

   Nous roucoulions alors comme des tourterelles,
   Dans le grand nid soyeux que Dieu nous avait fait ; 
   Nous avions du soleil, nous nous aimions comme elles
               D'un amour tendre et parfait. 

   Nous suivions les ruisseaux, sautant de roche en roche
   Pour pêcher des goujons longs comme un doigt d'enfant ;
   Moi je portais la ligne, et toi la frêle broche,
               D'un air tout triomphant. 

   Puis, mollement couchés sur l'herbe verte et douce,
   Laissant baigner nos pieds dans l'onde qui chantait,
   Nous jetions au courant de petits brins de mousse
               Que la lame emportait. 

   Diane au pied léger, tu me suivais, superbe,
   Quand je m'aventurais dans mes chasses sous bois,
   Et ton œil se mouillait quand, tout sanglants, sur l'herbe
               J'étalais mes exploits. 

   Oh ! quel bonheur pour nous quand, battant la feuillée,
   Nous trouvions des nids pleins sous les buissons fleuris !
   Que d'amour recouvrait la tente ensoleillée
               De ces êtres chéris !

   Qu'elles sont déjà loin, ces heures embaumées,
   Souvenirs d'un matin, beaux projets d'avenir !
   Il ne nous reste plus de ces choses aimées
               Qu'un lointain souvenir. 

                                  Alfred Morisset* (1885)
     


Tiré de : Alfred Morisset, Ce qu'il a chanté (édition posthume), Ottawa, Ateliers de La Justice, 1914, p. 77-79.

Voir ci-dessous le document « Notes biographiques ». 

D'Alfred Morisset, les Poésies québécoises oubliées ont également publié :
La richesse ici-bas

Alfred Morisset fait partie des 100 poètes présentés 
dans l'album Nos poésies oubliées, qui sortira de presse 
à l'été 2020. Pour prendre connaissance des modalités 
d'acquisition de cet album dont l'édition est unique et 
le tirage limité, cliquer sur cette image : 


Les extraits du poème La richesse ici-bas,
ci-haut sont tirés du recueil Ce qu'il a chanté,
publié par les enfants d'Alfred Morisset dix-huit
ans après sa mort. On peut ICI en télécharger
gratuitement un exemplaire.

(Cliquer ici pour agrandir l'image)

Alfred Morisset, vers 1875.

(Source : Sainte-Hénédine,
Album-souvenir 1852-1977
)

Article paru dans Le Nationaliste du 13 septembre
1914 sur le recueil posthume Ce qu'il a chanté.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Première partie des notes biographiques sur Alfred Morisset et signées
par son fils Maurice en introduction au recueil Ce qu'il a chanté.
(Deuxième partie ci-dessous).

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Deuxième partie des « Notes biographiques ».

Article paru dans La Presse du 30 juin 1896 relatant les funérailles d'Alfred Morisset.
On peut noter la présence de Louis-Alexandre Taschereau
alors jeune avocat qui
deviendra premier ministre 
du Québec, et de l'écrivain et poète Ephrem (et non
Eudore) Chouinard, dont les Poésies québécoises 
oubliées ont présenté deux
 poèmes satiriques sur les monarques britanniques Richard III
et 
Marie
Tudor La Sanglante.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

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