Alfred Morisset (1843-1896) (Source : son recueil posthume Ce qu'il a chanté) |
À ma sœur.
Le soir, quand tout se tait sous la vaste empyrée,
Bien souvent ma pensée erre dans le lointain,
Cherchant à se refaire une image sacrée
Des jours de mon matin.
Et ce doux souvenir tout rempli de lumière,
Noble et resplendissant comme un soleil de mai,
Semble animer encor de sa chaleur première
Les objets que j'aimai.
Et puis, je crois sentir sur mon front qui se ride
Les baisers que ma mère y déposait le soir,
Lorsque tout près de moi, pour un instant rapide,
Elle venait s'asseoir.
Et les petits dodos que nous faisions ensemble
Près du poêle chantant, sur le même oreiller !
Souvent j'y pense encor, maintenant que je tremble
De ne pas sommeiller.
Et je revois aussi ces bons amis d'enfance
Qui venaient partager nos plaisirs et nos jeux ;
Il fallait peu de chose, en ce temps d'innocence,
Pour faire des heureux.
T'en souvient-il, ma sœur, de ces heures bénies,
Où nos cœurs battaient dru des mesures sans fin,
En se laissant bercer aux douces harmonies
Du soir et du matin ?
Nous roucoulions alors comme des tourterelles,
Dans le grand nid soyeux que Dieu nous avait fait ;
Nous avions du soleil, nous nous aimions comme elles
D'un amour tendre et parfait.
Nous suivions les ruisseaux, sautant de roche en roche
Pour pêcher des goujons longs comme un doigt d'enfant ;
Moi je portais la ligne, et toi la frêle broche,
D'un air tout triomphant.
Puis, mollement couchés sur l'herbe verte et douce,
Laissant baigner nos pieds dans l'onde qui chantait,
Nous jetions au courant de petits brins de mousse
Que la lame emportait.
Diane au pied léger, tu me suivais, superbe,
Quand je m'aventurais dans mes chasses sous bois,
Et ton œil se mouillait quand, tout sanglants, sur l'herbe
J'étalais mes exploits.
Oh ! quel bonheur pour nous quand, battant la feuillée,
Nous trouvions des nids pleins sous les buissons fleuris !
Que d'amour recouvrait la tente ensoleillée
De ces êtres chéris !
Qu'elles sont déjà loin, ces heures embaumées,
Souvenirs d'un matin, beaux projets d'avenir !
Il ne nous reste plus de ces choses aimées
Qu'un lointain souvenir.
Alfred Morisset* (1885)
Tiré de : Alfred Morisset, Ce qu'il a chanté (édition posthume), Ottawa, Ateliers de La Justice, 1914, p. 77-79.
* Voir ci-dessous le document « Notes biographiques ».
Alfred Morisset fait partie des 100 poètes présentés
dans l'album Nos poésies oubliées, qui sortira de presse
à l'été 2020. Pour prendre connaissance des modalités
d'acquisition de cet album dont l'édition est unique et
le tirage limité, cliquer sur cette image :
Les extraits du poème La richesse ici-bas, ci-haut sont tirés du recueil Ce qu'il a chanté, publié par les enfants d'Alfred Morisset dix-huit ans après sa mort. On peut ICI en télécharger gratuitement un exemplaire. (Cliquer ici pour agrandir l'image) |
Alfred Morisset, vers 1875. (Source : Sainte-Hénédine, Album-souvenir 1852-1977) |
Article paru dans Le Nationaliste du 13 septembre 1914 sur le recueil posthume Ce qu'il a chanté. (Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Deuxième partie des « Notes biographiques ». |
Article paru dans La Presse du 30 juin 1896 relatant les funérailles d'Alfred Morisset. On peut noter la présence de Louis-Alexandre Taschereau, alors jeune avocat qui deviendra premier ministre du Québec, et de l'écrivain et poète Ephrem (et non Eudore) Chouinard, dont les Poésies québécoises oubliées ont présenté deux poèmes satiriques sur les monarques britanniques Richard III et MarieTudor La Sanglante. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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