mardi 30 avril 2019

Le sommeil de l'enfant

Elzéar Labelle (1843-1875)

(Source : Laurent-Olivier David,
Souvenirs et biographies, 1911)



Pour Madame R......., à la naissance de son premier enfant.


   Dors, ô mon bel enfant !
   Sur le sein de ta mère,
   Vois ! la nuit se répand,
   Ferme bien ta paupière.

   Tout se tait au dehors,
   L'oiseau, dans la ramure,
   De ses joyeux accords
   A cessé le murmure. 

   Ton sommeil est si beau.
   Demain, la fraîche aurore
   Sur ton petit berceau
   Viendra briller encore.

   Dors ! ton sommeil, enfant,
   C'est la sainte prière
   Qui sur l'homme suspend
   La divine colère.

   Toi qui, du Dieu vengeur
   Adoucit la sentence,
   Pour le pauvre pécheur
   Offre ton innocence.

   Le vent au loin mugit,
   Mais ne crains pas l'orage,
   Dors, aimable petit ! 
   Dieu protège ton âge. 

   L'ange du paradis
   Veille auprès de ta couche
   Pour cueillir le souris
   Que laisse errer ta bouche.

   En te fermant les yeux
   Qu'il couvre de son aile,
   Ce messager des cieux,
   De la voûte éternelle

   T'ouvre les horizons.
   Il te prend, il t'enlève
   Parmi les anges blonds : 
   Tu crois que c'est un rêve.

   Et tu le crois encore,
   Longtemps après le jour : 
   Ta mère qui t'adore, 
   Ta mère, ton amour,

   Ressemble tant aux anges
   Qui t'ont bercé là-bas,
   Que tu vois, sous tes langes,
   Des ailes à son bras.

   Dors, ô mon bel enfant,
   Sur le sein de ta mère.
   Vois ! la nuit se répand,
   Ferme bien ta paupière. 

            Elzéar Labelle* (1871)



Tiré de : Elzéar Labelle, Mes rimes (recueil posthume), Québec, P. G. Delisle Imprimeur, 1876, p. 53-56.

*  Elzéar Labelle est né à Montréal le 14 novembre 1843, de Jean-Baptiste Labelle, instituteur, et d'Héloïse Leclaire. Il étudia au Collège de l'Assomption, puis au Collège Sainte-Marie de Montréal. Après ses études de droit à l'Université Laval de Montréal, il fut admis au Barreau en 1862. 
  Aimant le mouvement et l'agitation des foules, il prit part aux luttes politiques municipales et nationales, s'intéressant particulièrement à la cause du prolétariat. Jeune étudiant, il prit la rédaction de La Guêpe, un journal humoristique très répandu. Il fonda le journal Le Colonisateur et collabora à plusieurs autres journaux et périodiques.
  Il fréquentait L'Hôtel de France, autrefois La Maison dorée, un restaurant montréalais renommé où se réunissaient des politiciens et des littérateurs comme Arthur Buies et Joseph-Albert-Norbert Provencher.  Son beau-frère André-Napoléon Montpetit a écrit dans sa préface au recueil Mes rimes : « Elzéar a jeté plus d'une chanson dans la rue, au temps des élections. La foule faisait des processions politiques ou municipales en chantant ses vers. [...] Son influence était recherchée. Partout où il allait, il y avait foule. S'il ne parlait pas, on s'attendait du moins à l'entendre chanter ou raconter quelque historiette toujours amusante, toujours armée d'un trait d'esprit ». 
   Avocat, imprimeur, journaliste, commerçant, il était avant tout poète, chansonnier et auteur de pièces de théâtre. L'historienne Marie-Claire Daveluy l'a désigné comme l'un des pionniers du théâtre au Québec.
   Elzéar Labelle est mort des suites de la tuberculose à Montréal le 24 octobre 1875. Il était âgé de 32 ans. Il était l'oncle maternel d'Édouard Montpetit
(Source : Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec, tome 1, Montréal, éditions Fides, 1980, p. 492 ; préface et notice biographique d'André-Napoléon Montpetit dans Mes Rimes). 

D'Elzéar Labelle, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Grand dîner chez un homme politique.


Le poème Le sommeil de l'enfant, ci-haut,
est tiré du recueil posthume Mes Rimes,
d'Élzéar Labelle. Il ne reste que trois
exemplaires de ce volume rarissime,
voyez ICI.  On peut aussi le
télécharger gratuitement ICI.

En janvier 1933 dans La Revue moderne, l'historienne Marie-Claire Daveluy
avait publié cette notice biographique sur Elzéar Labelle.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Annonce du décès d'Elzéar Labelle dans
La Gazette de Joliette, 26 octobre 1875

(Source : BANQ)

Annonce du décès d'Elzéar Labelle dans
Le Franc-Parleur du 23 octobre 1875.

(Source : BANQ)

Quelques jours après le décès d'Elzéar Labelle, le poète, écrivain, musicien et professeur
Emmanuel Blain de Saint-Aubin avait publié dans divers journaux ce poème en hommage
 à son ami, comme ici dans Le Franc-Parleur du 27 octobre 1875.

(Source : BANQ)

Annonce de la publication du recueil Mes rimes,
d'Elzéar Labelle, environ un an après sa mort, dans
Le Courrier du Canada du 11 seprembre 1876.

(Source : BANQ


Parlant de nos poètes d'antan et oubliés, l'écrivaine Reine Malouin
(1898-1976), qui a longtemps animé la vie poétique au Québec, a 
affirmé que sans eux, « peut-être n'aurions-nous jamais très bien 
compris la valeur morale, l'angoisse, les aspirations patriotiques, 
la forte humanité de nos ancêtres, avec tout ce qu'ils ont vécu, 
souffert et pleuré ». 

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