lundi 15 avril 2019

L'anniversaire du grand meurtre

Joseph-Édouard Turcotte (1808-1864)

(Source : BANQ)




   Deux ans... trois martyrs... nos trois frères...
   Peuple canadien, viens en deuil,
   Viens offrir au ciel tes prières,
   Viens méditer sur leur cercueil.
   L'herbe qui croît sur cette tombe,
   Viens la baiser avec transports ; 
   Sur elle quand ton âme tombe,
   N'y trouve pas l'herbe des morts. 

   Quand tu viens ici pour descendre
   Dans cette demeure sans bruit,
   Quand tu viens remuer la cendre
   D'où doit surgir l'arbre au long fruit, 
   Vois-tu comme la tyrannie
   S'agite d'un puissant effort ?
   C'est sa convulsive agonie,
   L'avant-courrière de sa mort. 

   De toi ta mère est idolâtre,
   Te répétait à t'étourdir
   Ta trois fois perfide marâtre,
   Qui t'embrassait pour t'engourdir.
   Tu t'endormis penché sur elle,
   Tu te réveillas dans leur sang !
   Quand vas-tu dire à la cruelle : 
   Çà, femme, je suis assez grand ?

   Secouant l'antique poussière,
   Tu t'es levé comme un géant ;
   Mais ton existence première,
   La vois-tu comme un long néant ?
   Ouvre le grand livre du monde,
   Puis, au feuillet ensanglanté, 
   Lis là, sur la page féconde, 
   Lis : esclavage ou liberté

   Assis au banquet d'Amérique,
   On emplit ta coupe de sang ! 
   Serait-elle donc chimérique,
   La voix grande qui dit ton rang ?
   Dédaignant la manne de l'ange,
   Veux-tu, comme Israël, manger,
   En cherchant dans la vieille fange,
   Les fruits impurs de l'étranger ?

   Non, non, dans la coupe sanglante,
   Tu ne boiras pas le mépris,
   Ni l'injustice dégoûtante,
   Ni l'orgueil de tes ennemis. 
   Dis, dis d'une voix de tonnerre
   À ces tyrans audacieux : 
   Le lion règne sur la terre,
   Mais l'aigle s'approche des cieux...

           Joseph-Édouard Turcotte* (1834)



Tiré de : Le Répertoire national, volume 1, deuxième édition, Montréal, J. M. Valois & Cie Libraires-Éditeurs, p. 282-283.

*  Joseph-Édouard Turcotte est né à Gentilly le 10 octobre 1808, de Joseph Turcot, marchand, et de Marguerite Marchildon. De 1821 à 1829, il fit ses études classiques au Séminaire de Nicolet. Il s'engagea d'abord dans l'état ecclésiastique et enseigna au Séminaire de Nicolet, puis au Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, mais dès 1832 il opta pour la vie civile et le droit, faisant son apprentissage juridique à Québec, auprès d'Elzéar Bédard.
  De 1833 à 1835, il publia dans La Minerve de Montréal des articles de nature libérale et considérés révolutionnaires.
   Admis au Barreau en 1836, il exerça sa profession à Québec, puis à Trois-Rivières, où il s'établit en 1839. Il participa activement à la mise en valeur de la ville et de la région, notamment en s'occupant de l'aménagement portuaire et ferroviaire, de même que de l'exploitation des forges de Radnor. De 1847 à 1853, il fut propriétaire et rédacteur en chef du Journal des Trois-Rivières. Il fut également, en 1860, l'un des fondateurs du Séminaire de Trois-Rivières.
   Tribun charismatique et populaire, il fut candidat patriote radical défait lors d'une élection partielle tenue le 3 avril 1835 dans Nicolet. Il défendit des Patriotes devant les tribunaux. Opposé à l'Acte d'Union de 1840, il fut élu député de Saint-Maurice en 1841. Il démissionna le 28 mai 1842 après avoir été nommé aux postes de traducteur des lois et de secrétaire de la Commission de la tenure seigneuriale. Il fut réélu lors d'une élection partielle le 8 juillet 1842. Au parlement, il appuya le groupe canadien-français.
   Défait aux élections de 1844, il fit partie, du 8 décembre 1847 au 10 mars 1848, du gouvernement dirigé par Henry Sherwood, à titre de Solliciteur général du Bas-Canada, sans siège dans le cabinet. Défait dans Champlain et dans Saint-Maurice en 1848, il fut élu en tant que réformiste dans Saint-Maurice en 1851, puis dans Maskinongé en 1854. 
   Maire de Trois-Rivières de 1857 à 1863, il fut élu député de Champlain en 1858, puis de Trois-Rivières en 1861. Élu orateur (président) du parlement le 20 mars 1862, il exerça cette fonction jusqu'à la dissolution de l'Assemblée, le 18 mai 1863. À l'élection qui s'ensuivit, il fut réélu député de Trois-Rivières.
   Joseph-Édouard Turcotte est mort à Trois-Rivières le 20 décembre 1864. Il avait épousé Flore Bluteau le 15 novembre 1842, dans la paroisse Notre-Dame de Québec. Il était le père de Lucien Turcotte (cliquer sur son nom).
(Source principale : Assemblée nationale du Québec). 


Pour en savoir plus sur Joseph-Édouard Turcotte, cliquer ICI et ICI.

Pour en savoir plus sur l'assassinat francophobe de François Languedoc, Pierre Billet et Casimir Chauvin, le 21 mai 1832 à Montréal, qu'évoque le poème ci-haut, voyez ICI l'article de Gilles Boileau paru en 2001 dans la revue Histoire Québec


Le poème L'anniversaire du grand meurtre,
de Joseph-Édouard Turcotte, est tiré du
tome premier du Répertoire national,

(1893, deuxième édition)

Les meurtres de François Languedoc, Pierre Billet
et Casimir Chauvin, Montréal, 21 mai 1832.

(Source : revue Histoire Québec, sur Erudit.org)

Sur les meurtres francophobes du 21 mai 1832 à Montréal, on lira avec
profit ces deux ouvrages que l'on peut encore se procurer facilement
dans toute bonne librairie : Rue du sang, d'Anne-Marie Sicotte
et L'émeute inventée, de James Jackson.

Joseph-Édouard Turcotte a été candidat à plusieurs élections, et
plusieurs fois élu. Doté d'un physique robuste malgré le fait qu'il
était manchot, ce dessin le montre tirant du poignet durant une
de ses campagnes électorales.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Mention de la mort de Joseph-Édouard Turcotte dans
Le Courrier du Canada du 21 décembre 1864.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Article paru dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe du 30 décembre 1864,
à l'occasion de la mort de Joseph-Édouard Turcotte.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le Journal de l'Instruction publique a souligné la mort de
Joseph-Édouard Turcotte dans son édition de décembre 1864.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Maison de Joseph-Édouard Turcotte, dans le vieux Trois-Rivières, au 858 Terrasse Turcotte.

(Source : Patrimoine culturel Québec ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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1 commentaire:

  1. IL était manchot, mais, aurait dit mon père, pas "manchotte"! Il donnmait à cette expression le sens de "capable, fort, habile", comme le dit Dulong, mais, d'après Dionne, ça pouvait vouloir dire "ne pas manquer d'esprit".

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