samedi 6 avril 2019

Ode à mon âme

Félix-Emmanuel Juneau (1816-1886)

(Portrait par Adolphe Rho ; collection du
Musée national des Beaux-Arts du Québec)




   Souffle de vie, ô pure flamme !
   Astre divin qu'on nomme l'âme,
   Douce image de l'Éternel !
   Quitte ce corps faible et fragile
   Que Dieu forma d'un peu d'argile,
   Que le péché rendit mortel ! [...]

   Je le sais, mon âme captive, 
   Tu fus prompte, volage, active,
   Et tu te plus en tes désirs :
   Tu profitas de ma faiblesse
   Pour t'endormir dans la mollesse,
   Pour ne rêver que vains plaisirs.

   Dans cette espérance paisible,
   Tu te crus puissante, invincible,
   Et ce fut là ton propre écueil :
   En n'écoutant que ton caprice,
   Tu te fis prendre à l'artifice
   De ce monde où tout n'est qu'orgueil.

   Mais bientôt, lasse d'espérance,
   Ne rêvas-tu pas par avance
   La paix, la douce paix du ciel,
   Que possède l'âme ravie,
   Dans la splendeur de l'autre vie,
   Loin d'un monde matériel ?

   Heureuse l'âme qui se lasse
   D'un bonheur qui pour elle passe
   Et ne dure qu'un moment !
   Un prompt remords souvent fait place
   Au riant plaisir qui s'efface,
   Comme l'éclair au firmament. [...]
   
   Loin de la sagesse profane,
   Où la blancheur du lis se fane,
   Où le bien même est vanité ;
   Loin d'une plage froide et nue,
   Là-haut brille à travers la nue,
   L'éternelle félicité ! [...]

   Le repentir c'est cette voie
   Où le coeur s'ouvre dans la joie,
   À la clarté d'un jour serein ;
   C'est la bienfaisante rosée
   Descendant sur l'âme épuisée,
   Sous le poids d'un amer chagrin ! [...]

   Ô mort, viens finir mes alarmes ;
   Viens sécher mes brûlantes larmes ;
   Viens mettre fin à ma douleur ! 
   Le trépas c'est la délivrance,
   C'est le terme de la souffrance,
   C'est le principe du bonheur.

   Souffle de vie, aimable flamme,
   Le ciel t'attend, il te réclame :
   Par pitié, laisse-moi mourir.
   Comme l'imprudente nacelle,
   Tu pourrais, dans ma chair rebelle,
   Sombrer et pour toujours périr. [...]

   Hélas ! moi, ta prison mobile,
   Moi, ton hôte tendre et débile,
   Bientôt la pâture des vers !
   Quand sonnera l'heure suprême
   Il ne restera de moi-même
   Qu'un rien sans nom dans l'univers !

   Mais un jour, tu viendras reprendre
   Ton compagnon réduit en cendre ;
   Et, se levant tout radieux, 
   Il te suivra dans la patrie,
   Vivant désormais de la vie
   Dans la cité des bienheureux. [...]
  
              Félix-Emmanuel Juneau(1874)



Tiré de : Journal de l'Instruction publique, Québec, janvier 1874.

*  Félix-Emmanuel Juneau est né à Québec le 27 mai 1816, de Nicolas Juneau, marchand, et de Josephte de Villers. Il étudia au Petit séminaire de Québec de 1831 à 1833, puis, de 1835 à 1836, au Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, pour ensuite revenir au Petit séminaire de Québec en 1836-1837.
  Vers 1840, il ouvrit dans le faubourg Saint-Roch, à Québec, sa propre école, l'Académie commerciale et littéraire, qui accueillit jusqu'à 160 élèves.
   Il eut très tôt à coeur l'avancement et le perfectionnement du corps enseignant. Dès 1845, il mit sur pied un comité en vue de créer une société rassemblant tous les instituteurs du district de Québec. Lors d'une assemblée ayant eu lieu cette même année à son école, fut fondée l'Association de la bibliothèque des instituteurs du district de Québec, qui fut reconnue juridiquement en 1849. Il s'agit de la première tentative de regroupement d'instituteurs au Québec. Une société semblable fut peu après créée à Montréal. En 1849, il devint membre du Bureau d'examinateurs du district de Québec. 
   Le 21 juillet 1857, il devint président de l'Association des instituteurs de la circonscription de l'École normale Laval, dont il fut un membre assidu jusqu'à sa mort, intervenant fréquemment dans les discussions et y donnant des conférences. La même année, il fut nommé professeur à l'école d'application de l'École normale Laval, poste qu'il conserva jusqu'en 1859, alors qu'il fut nommé inspecteur d'écoles pour les comtés de Lévis et de Dorchester. En 1868, il devint également inspecteur pour les comtés de Montmorency, de Québec et de Portneuf. 
   En 1859, il avait sous sa responsabilité 99 écoles dispensant l'enseignement à 6 837 enfants. En 1885, il avait 130 écoles sous sa juridiction, fréquentées par 8 237 élèves.
  Il est l'auteur de plusieurs livres de pédagogie et manuels scolaires, dont Dissertation sur l'instruction primaire (1847), un des premiers ouvrages pédagogiques écrits au Québec par un instituteur laïque ;  Traité de calcul mental à l'usage des écoles canadiennes (1866) et, en collaboration avec Napoléon Lacasse, Alphabet ou syllabaire gradué, d'après une nouvelle méthode (1868).
   Félix-Emmanuel Juneau est mort à Québec le 17 février 1886.
(Sources : Biographi.ca ; Le Courrier du Canada, 18 février 1886 ; L'Enseignement primaire, 1er mars 1886).  

Pour en savoir plus sur Félix-Emmanuel Juneau, cliquer ICI et ICI


Le poème Ode à mon âme, dont des extraits se trouvent ci-haut, est paru pour
la première fois en janvier 1874 dans le Journal de l'Instruction publique.
La même année, le poème paraissait sous forme de brochure, que l'on
peut télécharger gratuitement ICI.
 

Extraits d'un article paru le 18 février 1886 dans Le Courrier du
Canada
, à l'occasion de la mort de Félix-Emmanuel Juneau.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Première partie de l'article paru dans le journal L'Enseignement primaire
du 1er mars 1886 à l'occasion de la mort de Félix-Emmanuel Juneau.

Deuxième partie de l'article ci-dessous :
 

Deuxième partie de l'article du journal L'Enseignement primaire du 1er mars 1886

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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