dimanche 11 novembre 2018

Inclinez-vous, drapeaux !

Illustration de la couverture du recueil Victoire !,
de Charles Lambert de Roode, d'où est tiré le
poème Inclinez-vous, drapeaux !
 




   Jaloux de conserver sa marque de naissance,
   Le Canadien-français aime le grand pays
   Dont il a le parler, l'esprit, la survivance, 
   Où sont les vieux clochers que l'obus a meurtris.

   Tandis que, jalonnant de leur corps admirables
   Le chemin qui conduit au triomphe final,
   Canadiens et Français, ces soldats indomptables,
   Meurent en souriant pour le même idéal. 

   Il appartient à ceux qui ne peuvent mieux faire,
   Par la prose ou les vers, l'image ou le discours,
   De graver dans les coeurs le souvenir austère
   De ces astres voilés, mais qui vivent toujours.

   Librement, sans contrainte, à l'appel de la France,
   Descendants de Français, les fils du Canada, 
   Subissant du vieux sang la sainte remembrance,
   Sont partis pour lutter, vaincre ou mourir là-bas. 

   Saint-Julien, Festubert, c'est ainsi qu'on débute,
   Lorsqu'on a d'Iberville et Dollard pour aïeux,
   Quand le fameux « Vingt-Deux » se lança dans la lutte,
   Il fit à son pays un renom merveilleux.

   Il faut à ces héros où la France retrace
   L'ardeur de ses grognards, la foi de ses croisés,
   Une stèle brillant sur le siècle qui passe
   Comme le pur flambeau de l'Immortalité.

   Des deuils de Montréal la liste n'est pas close,
   Mais quand viendra la paix, la seule qu'il nous faut,
   La paix victorieuse avec l'apothéose,
   Notre ville pourra se montrer le front haut.

   Elle ira s'appuyant, douloureuse mais fière,
   Sur Laflèche et Dubuc, Barré, Grothé, Quintal,
   J'en passe et des meilleurs sur le front de bandière,
   Recevoir pour ses morts le salut triomphal. 

   Le major A.-V. Roy, ce fervent de la France,
   Du fameux régiment fut le premier martyr.
   Simplement, dans un geste immense de vaillance,
   Pour sauver ses soldats on l'aura vu mourir.

   C'est Charles Pelletier qui, malgré sa réforme
   Voulut partir quand même avec un hôpital.
   Il nous revint mourant pour que son âme dorme
   Brave parmi les siens sur le vieux sol natal. 

   Courcelette, Ypres, Lens, Vimy dit l'imprenable, 
   Mais que les Canadiens ont emporté d'assaut, 
   Sont autant de signets de ce livre admirable
   Qu'écrivent en riant ces robustes héros. 

   Sonnez, clairons, pour ceux dont la bouche est muette,
   Beaudry, Beauset, Bourgeois, Sylvestre, Papineau, 
   Huot, Brosseau, Lefebvre et les deux Laviolette,
   Sont morts au champ d'honneur. « Inclinez-vous, drapeaux ! »

                            Charles Lambert de Roode* (1918)



Tiré de : Charles Lambert de Roode, Victoire !, Montréal, 1919, p. 40-41.


Charles Lambert de Roode
(1859-1925)
(Source : La Presse, 24 février 1925)


* Charles Lambert de Roode est né le 18 juin 1859 à Saint-Pol-sur-Ternoise, dans le Pas-de-Calais, en France. Il est venu s'établir à Montréal en 1892. Dès son arrivée, il se voua à l'enseignement, puis entra dans le journalisme, profession qu'il exerça durant une vingtaine d'années, ayant collaboré à presque tous les journaux montréalais de langue française, dont particulièrement La Presse où il oeuvra durant plusieurs années.
   En mars 1907, la France le nomma Officier d'Académie, puis en 1923 Officier de l'Instruction publique. Il fut également conseiller de l'Union nationale française et de la France républicaine.
   Il publia des poésies dans divers journaux et revues et dans deux recueils sur le thème de la Première guerre mondiale, À la baïonnette: visions de guerre (1915) et Victoire ! (1919).
   Charles Lambert de Roode, qui perdit un fils durant la guerre, est mort à Montréal le 24 février 1925.
(Sources : La Presse du 24 février 1925 et le numéro de décembre 1925 du Bulletin de recherches historiques).


Victoire !, recueil de Charles Lambert
de Roode, d'où est tiré le poème
Inclinez-vous, drapeaux !, ci-haut.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Article paru dans La Presse du 24 février 1925 à
l'occasion du décès de Charles Lambert de Roode.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)


Soldats québécois tombés au
combat durant la guerre 1914-18 
et honorés dans le poème 
Inclinez-vous, drapeaux !, ci-haut :

(Photos et informations tirées du recueil Victoire !
Cliquer sur leurs noms pour voir leurs pages
respectives sur le Mémorial Virtuel de la Guerre et 
qui incluent les documents que nous avons fournis) 



Les deux frères Dumont-Laviolette : à gauche, Alexandre, lieutenant,
tombé à la bataille de Vimy, à l'âge de 22 ans. À droite, Lambert
major,

gravement blessé à la bataille de Courcelette et mort à Montréal des
 suites de ses blessures. Il fut décoré par les gouvernements de France 
et du Royaume-Uni. Il avait 25 ans à sa mort.

À gauche, le lieutenant Rodolphe Lemieux, 20 ans, du 22e
Régiment
 canadien-français (RCF), qui tomba à la tête de
sa compagnie dans la grande offensive, en septembre 1918.

La France l'a fait Chevalier de la Légion d'honneur.
À droite, le lieutenant René Bourgeois, médaillé militaire qui
gagna la Croix de Guerre à la Légion étrangère française,
puis permuta dans le 22e RCF, dans lequel il tomba 

au combat à l'âge de 23 ans.

À gauche, le lieutenant Jacques Brosseau, de Montréal, du
22e RCF, mort au champ d'honneur à l'âge de 30 ans.

À droite, le lieutenant Abel Beaudry, de Montréal, du
22e RCF, tombé à Courcelette. Il était âgé de 31 ans.

À gauche, le caporal Charles Pelletier, mort à Montréal d'une
pneumonie contractée après trois ans au service de la France.

Il avait 24 ans. À droite, le capitaine Maurice Bauset
du 22e RCF. À l'âge de 27 ans, il est tombé au champ 
d'honneur à Courcelette. 

À gauche, le capitaine René Lefebvre, du 22e RCF, mort au
champ d'honneur à lâge de 24 ans. À droite, le capitaine

Joseph Sylvestre, du 22e RCF, tombé dans l'un des 
premiers combats livrés par son régiment. Il avait 27 ans.

À gauche, le major Adolphe-Victor Roy. Âgé de 47 ans, il fut le 
premier membre du 22e RCF à mourir au champ d'honneur. 
Il avait été président du Club Saint-Denis, à Montréal, et 
était ingénieur civil de l'École centrale Paris. À droite, 
le lieutenant Roger Huot, du 22e RCF, tué dans l'attaque 
de la Butte 70. Il avait 24 ans.

Dans les premières pages du recueil Victoire !, d'où est
tiré le poème ci-haut, l'universitaire Édouard Montpetit
adressa ce mot d'encouragement à l'auteur.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Pour comprendre les motivations de plusieurs
Québécois de l'époque qui se sont engagés sur
les fronts de la Première guerre mondiale, on
peut lire le texte de ce discours du journaliste
nationaliste Olivar Asselin, que l'on peut
 télécharger gratuitement ICI. Asselin s'était
lui-même engagé dans le but de venir au
secours de la France.
L'exemplaire ci-dessus porte une dédicace
d'Asselin au juge Louis-Philippe Pelletier, qui
présidera peu après le procès de la belle-mère
de la petite Aurore Gagnon, dite "l'enfant martyre".

(Collection Daniel laprès ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

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