jeudi 23 août 2018

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Albert Dreux (1886-1949)
(Source : L. Mailhot et P. Nepveu,
La poésie québécoise des origines
à nos jours
, Montréal, éditions de
L'Hexagone, 1981, p­. 186)




   Dans notre ciel intime où voltigent des rêves,
   Il passe, en certains jours, de longs vols d'oiseaux noirs : 
   Ce sont de vieux chagrins qu'on pleure par les soirs,
   Des soucis qu'en notre âme on refoule sans trêve. 

   Qu'ils sont tristes à voir les corbeaux de l'amour ;
   Leur essaim douloureux, ardemment nous obsède.
   Notre âge est plein d'espoirs et rarement on cède : 
   Mais à la fin, pourtant, notre front devient lourd. 

   Aussi, sur notre coeur, descend quelque peu d'ombre.
   On ne peut définir ce long mal décevant ;
   Sans en chercher la cause, on y songe, trouvant
   Qu'ici-bas tout est faux et que la vie est sombre. 

   Hélas ! j'eus des tourments indicibles de voir
   S'enfuir, l'un après l'autre, au vent mauvais du monde,
   Mes blonds espoirs d'antan, caressants comme une onde
   Où vibre la chanson des rivages, le soir. 

   Mais, soudain, comme si se déchirait un voile
   Qu'on aurait étendu sur mes yeux, j'aperçois
   Tout un vol d'oiseaux blancs, mes rêves d'autrefois,
   Dans vos yeux si profonds qu'on y voit des étoiles. 

                                  Albert Dreux* (1910)



Tiré de : Albert Dreux, Les Soirs, Saint-Jérôme, J.-E. Prévost Éditeur, 1910, p. 13-14. 

* Albert Dreux est le pseudonyme d'Albert Maillé, né à Sainte-Thérèse-de-Blainville le 7 janvier 1886, de Jules Maillé, forgeron, et d'Élodie Rochon. Il fit ses études classiques de 1900 à 1908 au Séminaire de Sainte-Thérèse, puis, de 1910 à 1913, à l'École des Hautes Études commerciales de Montréal.
   Il dirigea durant quelque temps le journal Le Charivari et collabora, sous le pseudonyme « Albert Dreux », à plusieurs périodiques dont L'Avenir du Nord, L'Action, Le Terroir, Le Canada, Le Devoir, La Presse, La Patrie et Le Nationaliste. Il dirigea notamment L'Action médicale, organe officiel de la Fédération des sociétés médicales. De 1933 à sa mort seize ans plus tard, il fut à l'emploi de La Presse, à titre de traducteur. 
   Le 1er août 1929, il a épousé Lucienne Primeau. 
   Membre de l'École littéraire de Montréal, il a publié deux recueils de poésies, Les Soirs (1910) et Le Mauvais passant (1920) ; ce dernier recueil lui valut un Prix d'Action intellectuelle. Sur son oeuvre, le critique Robert Vigneault a notamment écrit : 
   « Dreux pratique une poésie de l'aventure intérieure, le langage délicat de l'amour entre l'homme et la femme ; sa poésie est intimiste, baudelairienne (ou moderne), à l'abri de la déclamation ou du moralisme social et religieux que favorisait encore la critique officielle. Non que ses goûts personnels soient ouvertement ou agressivement affichés ; ils sont naturellement assumés par sa poésie, d'une manière plus authentique et plus ferme ». 
   Albert Maillé est mort à Montréal le 15 juillet 1949.
(Source principale : Dictionnaire des oeuvres littéraires du Québec, Montréal, éditions Fides, 1980, p. 1028).


Les Soirs, recueil d'Albert Dreux d'où
est tiré le poème Retour, ci-haut.
(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Albert Dreux, durant les années 1930.
(Source : Dictionnaire des oeuvres
littéraires du Québec
, tome 2
)

Article soulignant le décès d'Albert Maillé, de 
son nom de plume « Albert Dreux », dans 
La Presse du 16 juillet 1949.
(Source : BANQ ;
cliquer sur l'image pour l'agrandir)

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