Il a dormi deux jours ! Un silence sublime
Enveloppe et sa mort et l'indicible crime
Dont l'homme s'est couvert.
Mais, à la voix de Dieu, la pierre est renversée ;
Les soldats sont vaincus ; la garde est dispersée ;
Le sépulcre est ouvert !
Quand l'aurore a paru, quelques femmes pieuses
Se rendent au saint lieu, tristes, silencieuses,
Pour embaumer le corps.
Mais celui qu'on a vu chargé d'ignominie,
Rachetant l'univers même au prix de sa vie,
N'est plus parmi les morts !
Un messager du ciel annonce son absence ;
Pourtant, on doute encore ; on hésite, on avance,
En effet, l'ange est seul !
Assis, calme et serein, rayonnant de lumière,
Et tout vêtu de blanc, il est là sur la pierre,
... Près de lui, le linceul !
Ô mort, c'en est donc fait ! L'innocente victime
Que tu vis immoler même à côté du crime
A brisé ton pouvoir.
Fuis devant ce vainqueur que l'amour seul anime !
Hâte-toi de rentrer au fond du noir abîme
Cacher ton désespoir.
N'as-tu pas entendu ce lugubre murmure,
Lorsque le Créateur a vu sa créature
Le vendre et le trahir ?
N'as-tu pas entendu la plainte de la terre
S'élever contre toi quand ta main sanguinaire
Venait pour le saisir ?
N'as-tu pas vu le ciel refuser sa lumière,
Quand ton pied décharné montait sur le calvaire
Où tu devais finir ?
Tu contemplas le Christ de ton regard livide,
Et tu crus un moment que ton bras déicide
Pouvait le retenir ?
Et là, tu lui donnas ton baiser de vampire,
Et tu pensas pouvoir prolonger ton empire
Par un dernier effort ;
Tu voulus te glisser avec lui dans la tombe ;
Mais ici, plus d'espoir, car ta puissance tombe ;
Le Christ est le plus fort !
N'as-tu pas entendu des voix dans la vallée,
Depuis le Golgotha jusques en Galilée,
Proclamer sa grandeur ?
Ô mort ! ne vois-tu point les gardes effrayés
Fuyant de toutes parts ou tombant foudroyés
À l'aspect du Sauveur ?
Le Seigneur s'est levé comme une jeune aurore,
Mais plus resplendissant et plus brillant encore
Et bien plus radieux !
Comme on voit un soleil dominer la colline,
L'Homme-Dieu s'est levé dans sa gloire divine
Mais plus majestueux !
Il est ressuscité ! Puis, selon sa parole,
Ses disciples l'ont vu ; lui-même les console
Et leur parle longtemps.
Il leur dit l'avenir, il leur dit les tempêtes
Qui devront s'élever et gronder sur leurs têtes
Dans la suite des temps !
Il est ressuscité ! Voilà que son Église
Se trouve pour toujours sur son pouvoir assise
Et brave les enfers !
Comme un aigle qu'on voit s'élancer dans l'espace,
Elle prend son essor et jamais ne se lasse
De remplir l'univers.
Il est ressuscité ! C'est pour montrer à l'homme
Que jamais ne pourra s'écrouler un royaume
Sous son sceptre divin !
Et de sa propre bouche il abandonne à Pierre
L'édifice sacré dont la première pierre
Fut mise de sa main !
Il est ressuscité ! Des voix dans la vallée,
Depuis le Golgotha jusques en Galilée,
Redisent dans leur chant :
Ô mort ! Fuis du vainqueur la victoire sublime,
Hâte-toi de rentrer au fond du noir abîme,
Jésus est triomphant !
James Donnelly* (Aylmer, 16 avril 1862)
Tiré de : Journal de l'Instruction publique, Montréal, Avril 1862. Il est à souligner que James Donnelly était âgé de 17 ans au moment de la composition de ce poème, qui parut également dans : Yolande Grisé et Jeanne d'Arc Lortie s.c.o, Les Textes poétiques du Canada français 1606-1867, volume 9, Montréal, Fides, 1996, p. 492-494.
Le docteur J. K. Foran sur James Donnelly :
« Ayant fait un cours complet d'études, il devient à tour de rôle instituteur, maître-chantre, journaliste, chroniqueur, poète et partout et en tout temps un peu bohème. [...] Esprit actif et nerveux, il lui semblait toujours impossible de rester en place : une main puissante le poussait sans relâche à la dérive sur l'immense fleuve de la vie. Un jour, je lui demandais pourquoi il n'écrivait pas des vers anglais, et voici ce qu'il me répondit : Je dois tout ce que je possède aux Canadiens-français ― ma vie, mon instruction, et même mon pain quotidien ― et ne serait-ce que par reconnaissance, si j'ai quelque chose à léguer à mon pays, je veux que la littérature canadienne-française en soit l'héritière ».
« Ayant fait un cours complet d'études, il devient à tour de rôle instituteur, maître-chantre, journaliste, chroniqueur, poète et partout et en tout temps un peu bohème. [...] Esprit actif et nerveux, il lui semblait toujours impossible de rester en place : une main puissante le poussait sans relâche à la dérive sur l'immense fleuve de la vie. Un jour, je lui demandais pourquoi il n'écrivait pas des vers anglais, et voici ce qu'il me répondit : Je dois tout ce que je possède aux Canadiens-français ― ma vie, mon instruction, et même mon pain quotidien ― et ne serait-ce que par reconnaissance, si j'ai quelque chose à léguer à mon pays, je veux que la littérature canadienne-française en soit l'héritière ».
Pour en savoir plus sur James Donnelly, Irlandais de naissance adopté en 1847 par une famille canadienne-française de Saint-Laurent-de-l'île-d'Orléans, voyez le volumineux dossier sous son poème Où vont donc nos années ?
De James Donnelly, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Adieu à 1865.
Le poème Le jour de Pâques, ci-haut, de James Donnelly, a été publié pour la première fois dans le numéro d'avril 1862 du Journal de l'Instruction publique. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Le poème Le jour de Pâques, de James Donnelly, a été publié de nouveau en 1996 dans le tome 9 des Textes poétiques du Canada français. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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Très intéressant de connaître cet homme,sa provenance, ses écrits. Merci!
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