samedi 3 avril 2021

Le jour de Pâques

« La Résurrection du Christ », chef d'œuvre de Raphaël (1483-1520)

(Source : Wikipedia)




                          "Resurrexit sicut dixit".

                          "Ubi est, mors, victoria tua ?...
                          "Ubi est, mors, stimulus tuus ?"


   Il a dormi deux jours ! Un silence sublime
   Enveloppe et sa mort et l'indicible crime
            Dont l'homme s'est couvert.
   Mais, à la voix de Dieu, la pierre est renversée ;
   Les soldats sont vaincus ; la garde est dispersée ;
            Le sépulcre est ouvert ! 

   Quand l'aurore a paru, quelques femmes pieuses
   Se rendent au saint lieu, tristes, silencieuses,
            Pour embaumer le corps. 
   Mais celui qu'on a vu chargé d'ignominie,
   Rachetant l'univers même au prix de sa vie,
            N'est plus parmi les morts ! 

   Un messager du ciel annonce son absence ;
   Pourtant, on doute encore ; on hésite, on avance,
            En effet, l'ange est seul ! 
   Assis, calme et serein, rayonnant de lumière,
   Et tout vêtu de blanc, il est là sur la pierre,
            ... Près de lui, le linceul !

   Ô mort, c'en est donc fait ! L'innocente victime
   Que tu vis immoler même à côté du crime
             A brisé ton pouvoir.
   Fuis devant ce vainqueur que l'amour seul anime !
   Hâte-toi de rentrer au fond du noir abîme
             Cacher ton désespoir. 

   N'as-tu pas entendu ce lugubre murmure,
   Lorsque le Créateur a vu sa créature
             Le vendre et le trahir ?
   N'as-tu pas entendu la plainte de la terre
   S'élever contre toi quand ta main sanguinaire
             Venait pour le saisir ?

   N'as-tu pas vu le ciel refuser sa lumière,
   Quand ton pied décharné montait sur le calvaire
             Où tu devais finir ?
   Tu contemplas le Christ de ton regard livide,
   Et tu crus un moment que ton bras déicide 
             Pouvait le retenir ?

   Et là, tu lui donnas ton baiser de vampire,
   Et tu pensas pouvoir prolonger ton empire
             Par un dernier effort ;
   Tu voulus te glisser avec lui dans la tombe ;
   Mais ici, plus d'espoir, car ta puissance tombe ;
             Le Christ est le plus fort !

   N'as-tu pas entendu des voix dans la vallée,
   Depuis le Golgotha jusques en Galilée,
             Proclamer sa grandeur ?
   Ô mort ! ne vois-tu point les gardes effrayés
             Fuyant de toutes parts ou tombant foudroyés
             À l'aspect du Sauveur ?

   Le Seigneur s'est levé comme une jeune aurore,
   Mais plus resplendissant et plus brillant encore
             Et bien plus radieux ! 
   Comme on voit un soleil dominer la colline,
   L'Homme-Dieu s'est levé dans sa gloire divine
             Mais plus majestueux ! 

   Il est ressuscité ! Puis, selon sa parole,
   Ses disciples l'ont vu ; lui-même les console
             Et leur parle longtemps.
   Il leur dit l'avenir, il leur dit les tempêtes
   Qui devront s'élever et gronder sur leurs têtes
             Dans la suite des temps !

   Il est ressuscité ! Voilà que son Église
   Se trouve pour toujours sur son pouvoir assise
             Et brave les enfers ! 
   Comme un aigle qu'on voit s'élancer dans l'espace,
   Elle prend son essor et jamais ne se lasse
             De remplir l'univers.

   Il est ressuscité ! C'est pour montrer à l'homme
   Que jamais ne pourra s'écrouler un royaume
             Sous son sceptre divin ! 
   Et de sa propre bouche il abandonne à Pierre
   L'édifice sacré dont la première pierre
             Fut mise de sa main ! 

   Il est ressuscité ! Des voix dans la vallée,
   Depuis le Golgotha jusques en Galilée,
             Redisent dans leur chant : 
   Ô mort ! Fuis du vainqueur la victoire sublime,
   Hâte-toi de rentrer au fond du noir abîme,
             Jésus est triomphant ! 

                            James Donnelly* (Aylmer, 16 avril 1862)



Tiré de : Journal de l'Instruction publique, Montréal, Avril 1862. Il est à souligner que James Donnelly était âgé de 17 ans au moment de la composition de ce poème, qui parut également dans : Yolande Grisé et Jeanne d'Arc Lortie s.c.o, Les Textes poétiques du Canada français 1606-1867, volume 9, Montréal, Fides, 1996, p. 492-494.

Le docteur J. K. Foran sur James Donnelly : 

« Ayant fait un cours complet d'études, il devient à tour de rôle instituteur, maître-chantre, journaliste, chroniqueur, poète et partout et en tout temps un peu bohème. [...]  Esprit actif et nerveux, il lui semblait toujours impossible de rester en place : une main puissante le poussait sans relâche à la dérive sur l'immense fleuve de la vie. Un jour, je lui demandais pourquoi il n'écrivait pas des vers anglais, et voici ce qu'il me répondit : Je dois tout ce que je possède aux Canadiens-français ― ma vie, mon instruction, et même mon pain quotidien  et ne serait-ce que par reconnaissance, si j'ai quelque chose à léguer à mon pays, je veux que la littérature canadienne-française en soit l'héritière ». 

Pour en savoir plus sur James Donnelly, Irlandais de naissance adopté en 1847 par une famille canadienne-française de Saint-Laurent-de-l'île-d'Orléans, voyez le volumineux dossier sous son poème Où vont donc nos années ? 

De James Donnelly, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : Adieu à 1865.


James Donnelly (1844-1900)

(Source : Musée McCord)

Le poème Le jour de Pâques, ci-haut, de James Donnelly, a été
publié pour la première fois dans le numéro d'avril 1862 du 
Journal de l'Instruction publique

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Le poème Le jour de Pâques, de James Donnelly,
a été publié de nouveau en 1996 dans le tome 9
des Textes poétiques du Canada français

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

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1 commentaire:

  1. Très intéressant de connaître cet homme,sa provenance, ses écrits. Merci!

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