Rivière Saint-Maurice (1973), par Léo Ayotte. (Source : Léo Ayotte, Rimouski, Promotions Mon Québec, 1975) |
Ô fils du Continent ; citadin, campagnard,
Qui souffres d'aventure autant qu'un montagnard,
N'as-tupas observé que l'automne éparpille
Sa rousseur corruptrice et mortelle qui pille
Les sauvages édens que Dieu met dans les bois ?
Qu'il chagrine la vie et le temps pour des mois ;
Qu'il arrache partout à l'arbre son feuillage,
Et par un geste dur de monstre qui voyage
Au gré sournois des vents sortis des fonds du Nord,
Qu'il fait rugir ses coups par des actes de mort ?
Être fort ! n'as-tu pas observé que son aile,
Qui s'abat implacable et par heurts si divers,
Engourdit les forêts où, brusquement, il hèle
La tourmente et le froid qu'on nomme les hivers ?
Et vous, vieillards si droits qu'honorent tant d'années.
Ô tenaces vainqueurs des afflictions nées !
N'avez-vous pas compris, au boréal réveil,
Que le Destin soumet la chair par le sommeil ?
Qu'il jette neige et glace à l'homme, à la nature,
Et qu'il protège un peu les lots de sépulture
Pour que les morts, au lit du repos éternel,
S'évitent les froids vifs qui descendent du ciel ?
N'avez-vous pas senti qu'il est bien l'apanage
De vos corps sans cristaux et du long surmenage
Qui ralentit le monde, emporté comme vous,
À la loi du grand Dieu s'infiltrant n'importe où ?
Les hivers, le Destin, ces traqueurs d'existence,
Sont le gel qui saisit la force et la vaillance !
Quand viennent les hivers des pays enneigés
D'Alaska, du Yukon et des hauts pics glacés,
Quand ils forcent le vent aux logis, sous les clenches,
Et qu'ils pressent le sol de leurs couvertes blanches,
Ils chantent le repos, à travers le pays !
La Terre fait l'esclave aux gels, aux éboulis,
Aux matins secs, aux jours sans soleil, comme aux heures
Qui nous tiendront enclos dans nos chaudes demeures :
Les époux, grelottant, se servent de la nuit
Et s'étreignent dans l'ombre, et la chair leur sourit,
Comme celle des bessons perdus dans leurs laines !
Le poète répond, féru de vigueurs pleines :
Vous nous venez de loin, et grandes sont vos voix,
Ô Saisons de Borée, ô glacials convois,
Que les mois ont chargé des plus longues tempêtes,
Hivers doux, hivers froids, semeurs blancs que vous êtes !
Vous nous appelez tous à la joie, à l'amour,
Au plaisir de veiller fans nos longs soirs d'humour,
Quand s'emplissent nos sens de chansons et de fêtes :
La maison craque en rires et les cœurs ont des faîtes,
Comme les monts transis et nus de leur orgueil ;
Nous étouffons d'un coup la souffrance et le deuil ;
La danse nous égaie et la ronde démente
Cicatrise tous ceux que le malheur tourmente.
Ô bouches de l'Arctique, ô froideurs qui cinglez
La Terre et le Temps où l'homme est prédestiné !
Georges Boiteau (1949)
Tiré de : Georges Boiteau, Aux souffles du pays, Québec, Les Éditions du Quartier Latin, 1949, p. 45-47.
Pour en savoir plus sur Georges Boiteau, voyez la notice biographique et les documents sous son poème L'invitation à la forêt.
Georges Boiteau (1912-1972) (Source : Musée de la civilisation du Québec) |
Le poème Le chant des hivers, ci-haut, est tiré d'Aux souffles du pays, recueil de Georges Boiteau. (Cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
Dédicace manuscrite de Georges Boiteau dans son recueil Aux souffles du pays. (Collection Daniel Laprès ; cliquer sur l'image pour l'agrandir) |
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