mercredi 20 janvier 2021

À mon fils

Abraham LeSieur-Desaulniers (1822-1883)

(Source : Manon Desaulniers)




   Quand je ne serai plus, quand un sombre nuage
   Aura couvert mes yeux sur cette triste plage,
   Quand je serai tombé sous la faux de la mort,
   Quand mon dernier soupir aura fixé mon sort,
   Quand je serai cloué dans cette noire tombe,
   Où tout homme ici-bas, quand Dieu l'appelle, tombe !

   Tu reliras, mon fils, tranquille et sans émoi,
   Ces lignes que ma main trace aujourd'hui pour toi.
   Garde le souvenir des jours de ton enfance,
   Tu sais combien j'aimais ta candide innocence,
   Conserve-la, mon fils, c'est le plus beau joyau
   Que l'on peut retrouver aux portes du tombeau !

   Donne à Dieu chaque jour une fervente flamme,
   Il est ton Créateur, qu'il soit roi de ton âme.
   Si quelquefois tes pas deviennent chancelants,
   Ranime ton courage en ces mauvais moments.
   Si tu veux que ton nom ne souille pas l'histoire,
   Tu dois vivre et mourir aux sentiers de la gloire.

   Celui qui conduit tout, qui nourrit les oiseaux,
   Ne manquera jamais de remède à tes maux.
   Marche à pas assurés, malgré la nuit profonde.
   À l'homme qui va droit la vague n'est qu'une onde.
   Sois toujours honnête homme et brave citoyen,
   Voilà toute la loi ; tout le reste n'est rien. 

   Sur la terre, mon fils, tout est peine et misère,
   Ce qui nous paraît beau n'est souvent que poussière. 
   Tous les biens d'ici-bas pour moi sont inconnus,
   Je ne puis te léguer que courage et vertus !
   Conserve ce trésor jusqu'à ta dernière heure,
   Tu le retrouveras dans la sainte demeure. 

                      Abraham Lesieur-Desaulniers (1863)



Tiré de : Yolande Grisé et Jeanne d'Arc Lortie, Les textes poétiques du Canada français, volume 10, Montréal, Fides, 1997, p. 297. Le poème est originellement paru dans L'Ère nouvelle, vol. 11, no 82, 12 octobre 1863. 

Abraham Lesieur-Desaulniers est né à Yamachiche, dans le rang de Vide-Poche, le 17 décembre 1822, du mariage de Charles Desaulniers, cultivateur, et de Rosalie Caron. Il fit ses études au Séminaire de Nicolet, à la Wilbraham Academy (Nouvelle-Angleterre) et à l'Université McGill, à Montréal.
   Reçu avocat à Montréal le 3 juin 1850, il pratiqua le droit à Trois-Rivières, où il devint en peu de temps l'un des membres les plus distingués du barreau local.
   Il s'occupa activement de politique. Conseiller municipal de Trois-Rivières à partir de 1854, il fut élu en 1867 député du comté de Saint-Maurice à l'Assemblée législative du Québec. Il ne se représenta pas en 1871. Il était considéré comme l'un des plus forts tribuns de son époque et un redoutable adversaire.
   Rédacteur en chef du journal L'Ere nouvelle, dont on lui attribue la fondation en 1853, de même que celle de L'Écho du Saint-Maurice, il collabora à divers autres journaux et périodiques, dont Le Courrier des États-UnisLe Constitutionnel, de Trois-Rivières, et L'Album des familles. Il est l'auteur de La création (1866), de Généalogie de ma famille (1867) et du Dictionnaire de droit et de procédure canadienne (1878). Il fut également directeur du Collège de Trois-Rivières.
   Abraham Lesieur-Desaulniers est mort à Trois-Rivières le 23 janvier 1883. Il avait épousé Marguerite Dupuis le 6 septembre 1852, à Trois-Rivières.
(Sources : J.-Alide Pellerin, Yamachiche et son histoire, Trois-Rivières, Éditions du Bien Public, 1980, p. 619-620 et Assemblée nationale du Québec).

D'Abraham Lesieur-Desaulniers, les Poésies québécoises oubliées ont également présenté : La chute de Shawinigan


Le poème À mon fils, d'Abraham Lesieur-
Desaulniers, est tiré du volume 10 des
Textes poétiques du Canada français.

Article paru dans Le Constitutionnel du 24 janvier 1883
à l'occasion de la mort d'Abraham Lesieur-Desaulniers 

et qui révèle le caractère exceptionnel du personnage.

(Source : BANQ ; cliquer sur l'image pour l'agrandir)

Dans son Manuel électoral : potraits et dossiers parlementaires
du premier parlement de Québec
, le journaliste Auguste Achintre
avait dressé ce portrait d'Abraham Lesieur-Desaulniers.

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)


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